Deux bateaux transportant une quarantaine de militants pacifistes occidentaux ont accosté à Gaza le 23 août malgré le blocus israélien. Un geste de solidarité salué par la presse de Ramallah, mais qui restera vide de sens tant que les factions palestiniennes se feront la guerre.

La venue à Gaza de deux bateaux en provenance de Chypre constitue une initiative courageuse. Depuis 1967, aucun navire n’avait pénétré dans les eaux territoriales de Gaza, contrôlées par Israël, sans l’accord de l’occupant. Le but a été de briser le blocus inique imposé [depuis juin 2007] au million et demi de personnes qui vivent sur ce territoire, ce qui, au XXIe siècle, est le degré suprême de la punition collective contre un peuple tout entier.

Or je dis sans détour au peuple palestinien et au monde entier que les mouvements de libération ne peuvent pas compter sur la solidarité internationale pour obtenir leurs droits nationaux s’ils ont des pratiques qui entachent leur image et nuisent à la justice de leur cause. Je veux parler ici surtout des violations palestiniennes des droits de l’homme du fait des dirigeants, des milices et de la corruption. Cela fait perdre sa pureté à notre lutte patriotique pour l’indépendance et l’établissement d’un Etat palestinien.

L’arrivée de ces deux bateaux est importante parce qu’elle a redonné l’espoir de rompre le blocus. Or il faudrait qu’il ne soit pas seulement possible de venir à Gaza de l’extérieur mais aussi d’en partir. Le blocus sera véritablement levé quand les habitants pourront sortir de la bande pour se rendre partout dans le monde, et notamment en Cisjordanie, l’autre morceau de notre patrie.

Mais ne blâmons pas ceux qui se montrent solidaires avec nous pour un moment et qui ont pris des risques pour cela. Nous, Palestiniens, devons nous élever à la hauteur de notre responsabilité historique et mettre un terme à nos divisions destructrices pour notre cause et notre peuple.

Je le dis clairement : il ne faut pas trop attendre de cette initiative, aussi importante qu’elle soit, tant que les Palestiniens qui veulent voyager ne peuvent pas passer la frontière. Il ne faut pas trop en attendre tant qu’ils subissent l’occupation et le blocus d’une part, les erreurs et méfaits de leurs factions de l’autre. Je le dis à tous nos dirigeants qui se sentent encore engagés derrière la cause palestinienne et qui ont encore conscience de leurs responsabilités : cessez de mettre en jeu l’avenir de notre terre et le sort de notre peuple dans vos luttes factionnelles.

Si nos dangereuses divisions persistent, l’arrivée d’un bateau ne changera rien à notre situation. Notre cause dépend avant tout de nous-mêmes et de notre capacité à restaurer l’unité, une unité dont nous faisons tous l’éloge à la radio et à la télévision mais que nous ne réalisons pas. Pensez-vous que la fin du blocus rétablirait l’unité ? Je vous dis que non. Au contraire, cela aggraverait nos divisions. L’unité est un préalable à une véritable fin du blocus, et non le contraire.

28 août 2008 - Courrier international