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J’ai vécu le raid du Nouvel An sur Ramallah

dimanche 7 janvier 2007 - 10h:32

Dana Shalah

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Ici, dans l’immeuble, on se sentait comme sur un vrai champ de bataille, sauf que la bataille était engagée par un côté puissamment armé contre des civils.

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La neige tombe sur la place Al Manarah, à Ramallah, le 27 décembre 2006, lieu de l’incursion meurtrière du 4 janvier 2007. (MaanImages/Fadi Arouri)

Tôt ce matin, en marchant dans Ramallah, j’ai pris une rue qui me rappelait des choses horribles. L’an dernier, j’ai été témoin d’un raid des forces israéliennes dans Ramallah. Bien que ça se soit passé à quelque distance, se retrouver complètement entourée de coups de feu et de sang a été une expérience effrayante.

Là, je viens juste de rentrer de Ramallah où, avec ma s ?ur, je me suis retrouvée enfermée dans un immeuble à Al Manara, dans le centre ville de Ramallah, pendant 4 heures. Alors que nous faisions des courses dans l’après-midi, les gens se sont mis brusquement à courir, les magasins ont commencé à fermer et les policiers palestiniens à fuir Al Manara. Chacun se réfugiait dans les étages pendant qu’il y avait deux hélicoptères israéliens à survoler Ramallah.

Je ne peux pas me rappeler comment j’ai fini dans cet immeuble, mais cela n’a pas été le choix le plus judicieux de ma vie, car il était en plein Al Manara. Nous habitons dans un secteur de conflits armés depuis bien avant ma naissance, avec des coups de feu, des lancements de grenades sonores ou à fumigène, en plus des hélicoptères, mais aujourd’hui, ici, dans l’immeuble, on se sentait comme sur un vrai champ de bataille, sauf que la bataille était engagée par un côté puissamment armé contre des civils. Des tirs, des gaz, des vrombissements des jeeps israéliennes, des bulldozers, des deux hélicoptères, le sifflement des balles, sans arrêt, partout, les cris et les pleurs, l’inhalation du gaz, la peur permanente, sans savoir ce qui se passe à l’extérieur, et sans oser jeter un coup d’ ?il de crainte de prendre une balle, tout cela était complètement fou.

A un tel point que j’ai senti que je n’en pouvais plus. Que je ne reviendrai jamais chez moi. Je ne pouvais pas rester sous un déluge de balles et de grenades ; je pouvais à peine supporter le bourdonnement dans mes oreilles. Le vacarme devenait encore plus fort et plus proche alors que l’immeuble, barricadé, devenait plus sombre. Je me suis assise sur les marches de l’escalier et j’ai posé ma tête contre le mur. J’étais totalement pétrifiée, non pour ma vie, mais par le sentiment que d’autres Palestiniens n’avaient pas dû être épargnés. Ceux qui sont attaqués ainsi, tous les jours, à Gaza, les gosses dont le seul crime est d’être Palestinien, doivent vivre cela sans savoir ce que les prochaines secondes leur réservent. Moi, par contre, ici, j’ai été rassurée par les jeunes hommes qui étaient enfermés dans le même immeuble. Ils avaient remarqué mes yeux pleins de larmes et m’ont dit : « ça va, ma s ?ur, ça se produit tout le temps ici. Maintenant, ils vont partir. ». Mais une demi-heure plus tard, les tirs et les bruits des véhicules militaires devenaient plus intenses, et je pourrais juré qu’une grenade a été lancée jusqu’à l’intérieur de l’immeuble. Avec les dix types qui étaient près de la fenêtre on a sauté dehors, moi je suis presque tombée et je me suis retrouvée dans les bras d’un gars.

Par la suite, chacun est rentré, après des heures. Il faisait presque nuit. Les gens m’entouraient arrivant de partout, les gamins criaient, des voitures étaient écrasées, les rues étaient pleines de morceaux de béton, les vitres étaient brisées, il y avait de la fumée, des centaines de jeunes hommes portaient ou des morts ou des blessés. Les claquements des tirs et des balles se sont atténués et furent dominés par les sirènes des ambulances.

Je souhaite que ceci n’arrive à personne car c’est pire que la mort. Je n’ai pas réussi encore à reprendre le dessus, mais je suis si contente d’être revenue à la maison. La seule chose drôle a été qu’une fois rentrée, Al Jazeera présentait la conférence de presse Omert/Mubarak. Pendant qu’ils se lançaient des fleurs, nous, nous étions prises sous les balles. Ils parlaient de paix (je le devine) et ils étaient sûrs qu’elle était parfaitement respectée cet après-midi-là, à Ramallah.


Dana Shalash est étudiante en anglais à l’université de Birzeit. Son blog : "Stranger than fiction".

Ramallah, Palestine occupée - Live from Palestine, 5 janvier 2007
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : JPP


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