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L’histoire passée sous silence de Ni’lin
Appel des Anarchistes contre le Mur

mardi 22 juillet 2008 - 05h:33

Neve Gordon

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Faire connaître la lutte de Ni’lin bouleverserait l’idée stéréotypée que veulent donner les principales sources d’informtions du conflit israélo-palestinien.

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Quand l’armée a réalisé que la violence n’enrayait pas le dynamisme émancipateur des habitants, elle a procédé à des arrestations tant de Palestiniens que d’Israéliens dans l’espoir que le poids des coûts juridiques de leur défense y parviendrait.




La résistance à la confiscation de la terre par Israël

Un "terroriste" se déchaîne sur un bulldozer et tue trois personnes à Jérusalem titre un article CNN relatant la récente agression par un travailleur palestinien de la construction qui a fait trois tués et de nombreux blessés israéliens. Une recherche sur Google montre que cette attaque violente a été citée dans 3 525 articles d’informations. USA Today, The New York Times, The Los Angeles Times, BBC, Fox News et Al Jazeera, ainsi que tous les autres grands médias ont couvert l’incident. Des sources moins connues, comme The Khaleej Times dans les Emirats arabes unis, le Edmonton Sun au Canada, et B92 en Serbie, ont également fait leur titre de l’évènement. En effet, on peut sans se tromper affirmer que presque tous les supports d’informations dans le monde ont assuré une quelconque couverture de l’agression.

Une autre recherche sur Google, mais cette fois sur le nom de Ni’lin, n’a donné que 75 réponses. Quelques grands médias ont évoqué l’histoire de la courageuse résistance de Ni’lin contre les saisies de sa terre par Israël, une résistance organisée par les habitants de cette ville palestinienne de Cisjordanie occupée, mais pas CNN, ni The LA Times, ni USA Today. Des journaux comme le Wall Street Journal et The New York Times ont publié une courte légende, pas plus. Considérant qu’au cours des deux mois qui viennent de s’écouler, les habitants de Ni’lin ont réussi à marquer d’une croix l’histoire de l’opposition d’un peuple, la couverture limitée de leur campagne ne relève pas de la simple négligence.

L’histoire de Ni’lin est celle d’une dépossession qui va crescendo. Les habitants de cette cité rurale ont perdu une grande partie de leur terre lors de la guerre de 1948. Après celle de 1967, Israël a profité de la localisation de la ville, proche de la Ligne verte reconnue internationalement, pour commencer à confisquer sa terre au profit des colonies juives. D’abord, ce furent 74 dunums (4 dunums = un acre, 10 dunums = 1 ha) qui ont été saisis pour la colonie de Shilat. Puis, 661 autres dunums pour construire la colonie de Mattityahu. En 1985, 934 dunums ont été confisqués pour construire Hashmonaim et, 6 années plus tard, Israël s’approprie 274 dunums pour la colonie de Mod’in Illit. Finalement, en 1998, 20 dunums de plus sont réquisitionnés pour la colonie de Menora. En tout, les Palestiniens ont été expropriés de plus de 13% de la terre de leur ville au profit des colonies.

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Essayer de bloquer les bulldozers israéliens qui détruisent la terre.

En 2002, Israël commence la construction du mur de séparation, déclaré illégal par la Cour internationale de Justice de La Haye. Récemment, a débuté la construction de la section du mur proche de Ni’lin ; si elle était achevée, 2 500 dunums supplémentaires, soit 20% de la terre restant en possession des habitants, seraient saisis.

Cette fois cependant, les habitants en ont eu assez. Début mai, ils ont lancé une campagne populaire pour que cesse leur dépossession et, en dépit des tentatives pour réprimer ce soulèvement par la violence - notamment avec un couvre-feu et des tirs qui ont fait près de 200 blessés - ils ne sont pas disposés à baisser les bras. Ce n’est pas un exploit mineur, car selon les annales de l’histoire, il est extrêmement rare qu’une ville tout entière se lève comme un seul homme et commette chaque jour des actes de désobéissance, surtout en étant confrontée à de telles réactions violentes.

Les évènements qui se déroulent à Ni’lin fournissent aussi les ingrédients parfaits d’une véritable histoire. Durant les trois premiers jours de couvre-feu, les ambulances n’ont pas été autorisées à rentrer dans la ville ; le corps d’un habitant décédé est resté pendant quatre heures à l’entrée de Ni’lin avant que l’armée ne laisse la famille le récupérer pour les funérailles ; une femme sur le point d’accoucher a été empêchée de quitter le village et a dû mettre son enfant au monde chez elle ; un garçon de 12 ans a été enlevé de son domicile par les soldats et détenu pendant deux jours sans aucune charge contre lui ; des vieilles femmes ont été frappées ; et trois habitants ont été gravement blessés par des tirs à balles réelles.

Alors, pourquoi la plupart des médias ne parviennent-ils pas à couvrir cette campagne qui se déroule actuellement ? La raison en est simple : faire connaître la lutte de Ni’lin bouleverserait l’idée stéréotypée que veulent donner les principales sources d’informations du conflit israélo-palestinien. Contrairement à l’attaque au bulldozer qui renforce la version du conflit que l’on veut graver dans les esprits, les évènements de Ni’lin mettent à nue une réalité beaucoup plus complexe. Cette histoire ne montre pas des Palestiniens en train de commettre des actes de terrorisme contre une population civile, mais plutôt des actes généralisés de désobéissance civile, réitérés en dépit d’une répression impitoyable par la puissance occupante.

Un autre aspect de Ni’lin dément les stéréotypes existant, c’est le fait que Palestiniens et juifs ne combattent pas dans des camps opposés dans cette bataille, car nombre d’Israéliens juifs et de militants internationaux se tiennent aux côtés des habitants palestiniens quand il faut essayer de bloquer les bulldozers de l’armée qui détruisent la terre de Ni’lin. Et en effet, parmi les blessés, il y a de nombreux Israéliens.

L’histoire de Ni’lin est, en d’autres termes, celle d’un peuple colonisé qui résiste à la colonisation. Ce n’est pas ainsi que les principaux médias ont l’habitude de décrire le conflit israélo-palestinien et, à en juger par les résultats de la recherche sur Google, la plupart des éditeurs ne sont pas prêts de modifier leur approche. La campagne historique de Ni’lin - ainsi que toutes les autres campagnes non violentes de désobéissance civile de masse contre l’occupation, comme à Bil’in et à A’ram - reste, pour les journaux, impropre à l’impression.

Epilogue

Quand les militaires ont réalisé que la violence sur le terrain n’enrayait pas le dynamisme émancipateur des habitants, ils ont alors procédé à l’arrestation de manifestants tant palestiniens qu’israéliens, dans l’espoir que les frais juridiques extrêmement lourds y parviendraient.

Pour apporter votre aide aux dépenses juridiques résultant de la lutte à Ni’lin, voir ci-dessous : « Appel des Anarchistes contre le Mur ».

Neve Gordon enseigne les sciences politiques à l’Université Ben-Gurion. Lire son nouveau livre L'occupation par Israël-&gt....

Du même auteur :

- Les "Anarchistes contre le Mur" sous le feu
- La mort de Samir Dari (avec Y. Bronner]
- Vin amer pour les Bédouins d’Israël


Appel des Anarchistes contre le Mur

Chers amis

Avec le coût juridique de plus en plus élevé du combat commun Palestiniens/Israéliens contre l’occupation, et l’intensification du harcèlement juridique à l’encontre des militants palestiniens, nous sommes contraints de lancer cet appel pressant à financement. Nous vous demandons votre soutien pour que le groupe israélien des Anarchistes contre le Mur (AATW) puisse continuer son action et, peut-être plus important encore, pour nous permettre de développer notre capacité de financement juridique et couvrir aussi le coût juridique de la défense des Palestiniens arrêtés lors des manifestations.

Depuis 2003, le groupe soutient la lutte des Palestiniens contre l’occupation israélienne et plus particulièrement contre le Mur de ségrégation d’Israël. Semaine après semaine, AATW se joint à la résistance populaire palestinienne contre le Mur, en divers secteurs de la Cisjordanie, notamment dans les villages d’al-Ma’asara, au sud de Bethléhem, de Beit Ummar, au nord de Hébron, de Bil’in et récemment presque quotidiennement à Ni’lin, à l’ouest de Ramallah. Sur ces sites, l’armée prend des mesures extrêmes pour réprimer les manifestations, allant parfois jusqu’à tirer à balles réelles, à en faire le siège ou y imposer des couvre-feux.

Des centaines, si ce n’est des milliers, de militants ont été arrêtés et des dizaines ont été inculpés pour avoir participé à cette lutte. Heureusement, le groupe est représenté par une avocate convaincue, Gaby Lasky. Elle travaille sans relâche pour défendre les militants arrêtés lors des manifestations ou de différentes actions en Cisjordanie et en Israël. Bien que la défense qu’elle assure pour AATW lui demande quasiment un temps complet, elle accepte de ne recevoir que des honoraires symboliques. Cependant, et en dépit d’une campagne de financement réussie l’an dernier, AATW reste devoir à l’avocate environ 15 000 dollars.

Récemment, nous avons vu que le harcèlement juridique de nos partenaires palestiniens s’intensifiait. Par solidarité, nous faisons actuellement une collecte d’argent pour élargir notre capacité de financement juridique et pouvoir couvrir également le coût de la défense des Palestiniens arrêtés. Ceci en plus de la couverture de la dette citée plus haut et des dépenses de fonctionnement, telles que communications et transports.

Nous vous invitons ardemment à lire cet article dans The Nation : Le combat d’une ville de Cisjordanie pour sa survie sur la récente lutte à Ni’lin,

et nous vous remercions de faire un don qui nous permettra de continuer ce combat.

Plus d’informations sur AATW, nos actions et sur la façon de procéder à ce don : voir notre site

ou contacter nous par mel : donate@awalls.org

1) - 19/20 juillet 2008 - Counterpunch
2) - 20 juillet - AATW
traductions : JPP


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