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La mémoire palestinienne ne peut pas être effacée

lundi 14 juillet 2008 - 06h:58

Lamis Andoni - Al Jazzera.net

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En niant la perte subie par les Palestiniens, Bush, dirigeant de la super puissance mondiale, a aussi nié leur passé et leur avenir.

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La Nakba est l’histoire de la perte et de la dépossession de la Palestine [AFP]

Lors du Forum économique mondial tenu en Egypte, le président étasunien, George Bush, a essayé, en un effort trop faible et trop tardif, de calmer la colère des Arabes qu’avait suscitée son discours devant la Knesset .

Trois jours auparavant, Bush s’était adressé au parlement israélien alors qu’Israël célébrait son soixantième anniversaire, en disant que l’établissement d’Israël avait été « la rédemption de la vieille promesse faite à Abraham et Moïse et David de donner un pays au peuple choisi : Eretz Yisrael ».

En décrivant la création d’Israël comme l’accomplissement d’une promesse biblique, il donnait une légitimité divine au processus de son établissement et mettait aussi la narration palestinienne et les droits des Palestiniens dans les oubliettes de l’histoire.

Il n’est donc pas surprenant que certains membres de droite de la Knesset aient salué en Bush « un sioniste plus sioniste que le premier ministre israélien, Ehud Olmert ».

Selon eux, alors qu’Olmert et d’autres dirigeants sont prêts à céder des parties de la « terre promise », Bush faisait le voeu de soutenir et de préserver le rêve sioniste.

« Un médiateur honnête ? Non »

Par ces paroles, Bush a infligé une blessure profonde au psychisme collectif des Palestiniens, le jour du souvenir de leur propre dépossession.

Il s’est aussi attiré des critiques parce que les États-Unis ne pouvaient franchement pas prétendre au rôle de « médiateur honnête » entre les Israéliens et les Palestiniens.

Le préjugé de Bush en faveur d’Israël n’est pas récent et n’a pas surpris les Arabes et les Palestiniens.

Mais c’est son déni brutal de l’histoire palestinienne et son appui sans réserve à la vision et à la perspective sionistes qui marquera les générations à venir.

En reconnaissant exclusivement la narration sioniste, et qui plus est sa version extrémiste, Bush a frappé au c ?ur même de la lutte des Palestiniens - le combat mené pour recouvrer la mémoire collective de leur pays.

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Bush nie
Bush nie toute perte pour les Palestiniens
[GALLO/GETTY]

C’est cette lutte qui a précédé et alimenté la lutte armée et politique laquelle a forgé le mouvement palestinien contemporain de libération.

La base de la mémoire palestinienne a été et reste la Nakba, comme les Palestiniens appellent l’établissement d’Israël, histoire racontée et transmise sur laquelle se base la mémoire palestinienne.

Le mot Al Nakba- « La Catastrophe », comme les Palestiniens appellent la perte de la Palestine - a été utilisé pour la première fois par l’éminent historien Qonstantin Zreik, et le mot a fait mouche chez les Palestiniens qui encaissaient le coup dévastateur d’une perte et d’une dépossession calamiteuses.
Pour eux, la création d’Israël a été la perte de leur manière de vivre et en a fait des personnes déplacées et exilées.
Ceux qui sont partis ont vécu la séparation et ceux qui sont restés ont connu l’aliénation.

En niant la perte subie par les Palestiniens, Bush, dirigeant de la super puissance mondiale, a aussi nié leur passé et leur avenir.

En ne reconnaissant pas leur passé, il a réduit sa promesse de soutenir un État palestinien à un acte charitable conditionnel dont Israël pourrait gratifier les Palestiniens selon son bon plaisir et au moment qu’il décidera.

« Promesses vides de sens »

Plus significatif, son déni de l’histoire palestinienne a vidé ses promesses de leur sens - d’autant plus que son mandat à la Maison Blanche touche à sa fin - et son discours a montré qu’il n’a aucunement l’intention de freiner l’expansion israélienne sur des terres où un État est censé être établi.

Dans sa promesse d’honorer le rêve sioniste, Bush a omis la réalité de l’occupation israélienne dans la mesure où il a déclaré que tous les territoires palestiniens font partie de l’Eretz Israël promise.

Toutefois, au-delà de la politique d’un processus de négociations failli, Bush a commis une gaffe plus sérieuse.

Ses paroles donneront sans doute un puissant élan à une nouvelle génération de Palestiniens déjà mobilisée pour récupérer sa mémoire, son histoire et son devenir.

Ce dont Bush ne se rend pas compte est que cette nouvelle génération répartie dans le monde entier, considèrera ses paroles comme le prolongement d’un long et systématique effort de la part d’Israël pour effacer la mémoire palestinienne.

La destruction de plus de 500 villages palestiniens à l’intérieur d’Israël - dont beaucoup ont été rebaptisés après avoir été transformés en parcs et en lieux de loisirs - ainsi que la destruction continue de terres et leur remplacement par des colonies juives à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, font partie de ce que l’historien israélien Illan Pape a appelé un acte « mémoricide ».

Par ses paroles, Bush avalisait le « mémoricide » commis par Israël.

Résistance culturelle

Toutefois, les mots de Bush se heurteront à une résistance ; non pas une résistance armée, mais une résistance issue du rejet par les Palestiniens de ces tentatives d’effacer leur mémoire.

Ironiquement, cette nouvelle vague de résistance culturelle découle directement, non pas de la longue occupation israélienne, mais de l’échec du prétendu « processus de paix » pour le Moyen-Orient.

C’est la signature en 1993 des accords d’Oslo et les accords qui s’en sont suivis qui ont fait comprendre aux Palestiniens que le processus ne servait pas seulement à occulter la désintégration progressive des terres palestiniennes, et par conséquent de l’État palestinien, mais à fragmenter le peuple palestinien puisque les accords en omettaient les deux tiers.

Le cinquantième anniversaire de la Nakba il y a dix ans, a aussi déclenché un autre mouvement sans précédent visant à faire renaître, consigner et préserver la mémoire palestinienne.

On a rappelé les noms des villages disparus et on les a brodés sur des tapisseries qui ont été exposées dans le monde entier.

En 2000, des mouvements en faveur du droit au retour pour les réfugiés palestiniens ont surgi depuis les camps de réfugiés au Moyen-Orient jusqu’à Boston, Massachusetts, aux Etats-Unis.

Oubli forcé

Du fait de leur exclusion des accords d’Oslo et du processus qui en a découlé, les Palestiniens ont voulu redécouvrir et réaffirmer leur version de l’histoire.

En enregistrant l’histoire orale, les écrits, la littérature, les chansons, les films et l’art sous toutes ses formes et dans toutes les langues, les Palestiniens dont certains étaient les fils et les filles d’immigrants en Amérique et en Europe qui parlent à peine l’arabe, ont posé des actes de résistance contre l’oubli forcé.

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Résitance culturelle
La résistance culturelle s’est accrue au fil des ans
[GALLO/GETTY]

Mais c’est l’échec des négociations de Camp David aux États-Unis en 2000 qui a donné l’élan à la prise de conscience par les Palestiniens de l’importance qu’il y avait à préserver leur histoire et leur mémoire collective en tant que forme de résistance contre ce qui était considéré comme des tentatives de leur faire renoncer à leurs droits.

La prétendue « offre généreuse » faite par le premier Ministre de l’époque, Yehud Barak, appuyé par Bill Clinton, le Président étasunien, a marqué un tournant.

Quand Barak a proposé des entités fragmentées en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, privées de toute souveraineté, en échange du renoncement par les Palestiniens à leurs droits historiques nationaux, les Palestiniens se sont rendus compte que ce serait la bataille de leur conscientisation qui déterminerait leur avenir.

A la réunion, le Président Clinton a soutenu les vues israéliennes acceptant la prérogative d’Israël à déterminer la quantité de territoires qu’il cède aux Palestiniens sans leur donner de contrôle sur leurs frontières, sur le ciel au dessus de leurs têtes, et sur l’eau sous leurs pieds.

En d’autres termes, Israël ne proposait pas de se retirer des parties occupées, mais se contenterait de faire des « concessions territoriales ».

Les Palestiniens y ont vu un coup porté à leurs aspirations à l’autodétermination.

Beaucoup se rendirent compte qu’il s’agissait du résultat d’un processus qui menaçait leur identité et leur histoire.

Bush est toutefois allé encore plus loin dans l’insulte que son prédécesseur.

En célébrant la création d’Israël, il refusait simultanément aux Palestiniens leur passé, et même leur présent.

Les vues exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement les vues de Al Jazeera

12 juillet 2008 -Al Jazeera - http://english.aljazeera.net/news/m...
[Traduction : amg]


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