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Iran : Espoirs de paix, options de guerre

samedi 12 juillet 2008 - 07h:15

Maha Al-Cherbini - Al-Ahram/hebdo

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La République islamique joue la carte des atermoiements pour gagner du temps et achever son programme nucléaire. Un jeu bien risqué qui pourrait ouvrir la voie à l’option militaire.

Le bras de fer se poursuit toujours entre Téhéran et les puissances occidentales suscitant, tantôt des craintes d’escalade, tantôt des espoirs de détente. Cette semaine, la République islamique a opté pour la politique du « suspense ». Trois semaines après avoir reçu une nouvelle offre de coopération de la part des Européens pour débloquer le dossier nucléaire, Téhéran a enfin donné, cette semaine, au diplomate en chef de l’UE, Javier Solana, sa réponse qu’il a qualifiée de « constructive et créative », sans révéler sa teneur qui sera « étudiée » en collaboration avec les six puissances impliquées dans les discussions sur ce dossier : Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne et Allemagne. « La réponse de l’Iran est difficile et compliquée et il faut bien l’analyser. J’espère que nous pourrons continuer le dialogue avant la fin du mois si possible », a déclaré lundi matin M. Solana, sans donner d’impressions complètement optimistes.

Côté iranien, Saïd Jalili, le principal négociateur iranien sur le nucléaire, a tenu à ne donner aucune précision sur le contenu de la réponse et n’a pas révélé s’il s’agissait d’un « oui » ou d’un « non », se contentant d’indiquer que « les deux parties étaient convenues de nouveaux pourparlers d’ici à la fin du mois actuel ». Et d’ajouter que « la position du gouvernement iranien reste inchangée dans le dossier nucléaire », a-t-il renchéri.

Paradoxe ! Comment tenir à poursuivre l’enrichissement et être en même temps disposé à entamer des pourparlers avec un Occident qui exige, comme condition préalable à ces pourparlers, un arrêt de l’enrichissement ? « C’est là que réside l’essence de la politique iranienne : avancer des attitudes confuses et inexplicables, souffler le chaud et le froid et ne jamais avoir une ligne claire et précise. Alors que certains dirigeants iraniens semblent têtus, intraitables, rejetant toute sorte de dialogue, d’autres réitèrent leur bonne volonté de dialoguer et de parvenir à des compromis », explique Mohamad Abbass, expert politique.

Les agissements iraniens cette semaine sont la preuve irréfutable de ce stratagème. Alors qu’un espoir de déblocage après cinq ans d’impasse sur ce dossier est néanmoins apparu, la semaine dernière, avec la publication d’un texte de Ali Akbar Velayati, conseiller du guide suprême iranien Ali Khamenei, plaidant pour un « compromis » entre Téhéran et les autres pays sur la question nucléaire, le guide suprême a affirmé, cette semaine, sur un ton ferme : « l’Iran ne reculera pas sur ses droits en matière nucléaire. La volonté du peuple iranien est ferme et inébranlable », a affirmé l’ayatollah Ali Khamenei.

De l’avis de plusieurs analystes et diplomates, l’Iran donne cette fois l’apparence d’être plus ouvert aux propositions des Six, mais chercherait en réalité à « gagner du temps » et n’aurait aucune intention de renoncer à son programme nucléaire. Déjà, un responsable iranien s’exprimant sous le sceau de l’anonymat vient d’avouer que le temps était du côté de l’Iran. « Nous allons étudier l’offre mais pas la partie qui concerne le gel des activités d’enrichissement. Nous progressons dans nos travaux et la capacité nucléaire de l’Iran se renforce constamment », a déclaré ce responsable impliqué dans les négociations avec Solana.

Selon Mohamad Abbass, Téhéran tentera, dans les quelques mois à venir, d’ouvrir une nouvelle phase de négociations avec les Européens dans l’objectif de parvenir à des points de repères communs : « L’Iran commence à être plus inquiet. Il commence à prendre les menaces d’une frappe militaire au sérieux. D’où sa volonté d’entrouvrir la porte et de paraître plus flexible que jamais, au moins jusqu’à la fin du mandat de George W. Bush en novembre ».

Préparatifs de guerre

Réalisant bien le stratagème iranien qui vise à gagner du temps, le président américain George W. Bush a affirmé cette semaine que l’option militaire était toujours « sur la table » pour résoudre la crise nucléaire iranienne. Pour sa part, l’Etat hébreu a affirmé qu’il empêcherait à n’importe quel prix l’Iran de confectionner l’arme atomique. En effet, la situation sur le terrain n’augure rien de bon : certains responsables américains évoquent des préparatifs d’une guerre contre l’Iran dans les coulisses, des man ?uvres israéliennes sur la Méditerranée il y a quelques semaines, des appels américains et israéliens à la nécessité d’une frappe militaire pour mettre fin à l’arrogance iranienne. Cette semaine, Shabtaï Shabit, l’ex-chef du Mossad, l’agence de renseignement d’Israël, a déclaré que d’ici un an, Israël devra intervenir en Iran : « Dans un an, nous arriverons au point de non-retour où nous devrons agir contre l’Iran. », a-t-il affirmé. Analysant l’éventualité d’une frappe militaire imminente, M. Abbass déclare : « En effet, la situation est fort dangereuse. Les deux options, celle de la guerre et de la paix, sont à égalité pour le moment. Alors que des facteurs incitent à la frappe, d’autres la rendent difficile, comme l’enlisement des Etats-Unis en Iraq et en Afghanistan, l’absence d’un consensus international autorisant cette frappe, et plus important encore l’hégémonie iranienne et sa puissance régionale. En cas de frappe, la riposte iranienne transformera la région en une boule de feu, sans citer la hausse folle des prix du pétrole de par le monde. L’Iran n’est pas l’Iraq », prévoit l’expert.

Déjà, avant la frappe, les menaces iraniennes commencent à se cristalliser. Dimanche, le chef des Gardiens de la révolution iraniens a averti qu’une attaque américaine ou israélienne contre l’un de ses sites nucléaires équivaudrait à une déclaration de guerre. « La réponse de l’Iran à toute action militaire fera regretter aux agresseurs leur décision », a indiqué le général. Parallèlement, le chef d’état-major des Forces armées de l’Iran a affirmé que la stratégie du pays était de ne laisser passer aucun bateau dans le détroit d’Ormuz dans le sud de l’Iran, si les intérêts iraniens seraient menacés : « Nous ne laisserons aucun navire passer par le détroit d’Ormuz si les intérêts du pays sont menacés », a indiqué le général, soulignant le rôle du détroit, une voie fluviale étroite dans le Golfe par laquelle environ 40 % du pétrole du monde est transporté. Téhéran joue ainsi toutes ses cartes.

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Al-Ahram/hebdo - Semaine du 9 au 15 juillet, numéro 722 (Monde)


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