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Palestine, réparer les préjudices

jeudi 4 janvier 2007 - 16h:35

Jean Marguin - Libération

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La reconnaissance des responsabilités internationales devrait être implicite ou, mieux encore, officielle.

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Camps de réfugiés palestiniens, octobre 2003 - Simon Norfolk
Photo Tapeta.art.pl/2005, ajoutée par la publication


On ne dira jamais assez que le problème des réfugiés palestiniens est au centre du conflit Israël-Palestine. Les intellectuels palestiniens, au premier rang desquels l’historien Elias Sanbar, nous le rappellent avec insistance. Mais nous restons sourds à ces appels qui contiennent pourtant en germe la solution de ce conflit qui empoisonne le Proche-Orient et les relations internationales.

L’exode des Palestiniens a commencé avec l’adoption du plan de partage de la Palestine, voté par l’Assemblée générale des Nations unies le 29 novembre 1947. La guerre israélo-arabe qui s’en est suivie a accentué cet exode qui n’a pas cessé depuis, et s’est même renforcé avec l’occupation en 1967 de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et, plus récemment, avec la construction du mur de séparation.

Plus de quatre millions de Palestiniens ont quitté leur terre, de gré ou de force, et vivent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie et dans divers pays du Moyen-Orient. Un tiers de ces réfugiés vivent dans des camps. Ils subsistent dans des conditions plus que précaires grâce à l’aide internationale dont la majeure partie est gérée par l’Unwra, agence de l’ONU créée en 1949.

La résolution 194 de l’ONU (11 décembre 1948) reconnaît aux réfugiés palestiniens le droit au retour sur leurs terres et le droit à indemnisation pour les biens qu’ils ont perdus. Israël, bien qu’ayant implicitement accepté les termes de cette résolution par le fait même de son admission à l’ONU, ne les a jamais reconnus de facto . Toutefois, cette absence de reconnaissance ne devrait pas constituer un point de blocage pour le règlement du problème. Le constat de l’existence des réfugiés est une preuve suffisante de la réalité de l’expropriation. Or un problème d’expropriation ne se règle pas par la violence mais par les voies du droit. Les étapes de la solution sont toujours les mêmes : constat de la réalité de l’expropriation, recherche des responsabilités, évaluation des préjudices matériels et moraux, juste réparation des préjudices, acceptée par les parties contractantes.

Les responsabilités ? On a tort de faire porter sur les Israéliens la totalité des responsabilités de l’expropriation des Palestiniens, car les faits générateurs remontent aux années 30 et surtout à l’extermination des Juifs par le régime nazi. Si les Juifs se sont installés sur des terres palestiniennes, c’est aussi et principalement par la volonté des puissances de l’époque, spécialement de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, et dans une moindre mesure, des Etats-Unis et de la Russie. Avec le jugement critique que nous portons désormais sur notre ère coloniale, cette reconnaissance de responsabilité devrait être implicitement acquise. Il serait sans doute préférable, pour l’issue du conflit, qu’elle soit officielle.

Pour ce qui est des préjudices matériels, l’UNCCP (United Nations Conciliation Commission for Palestine), commission créée par l’ONU pour appliquer les termes de la résolution 194, a procédé à une évaluation globale de la valeur des terres palestiniennes expropriées mais n’a pas été en mesure, pour des raisons politiques, de prendre en compte la valeur des propriétés individuelles (habitations, troupeaux, entreprises, équipements, etc.). Cette évaluation, très incomplète, conduit à près de 300 millions de dollars de 1951, soit environ 12 milliards de dollars actuels. Des évaluations palestiniennes plus récentes et plus complètes conduisent à plus de 250 milliards, ce qui est probablement plus proche de la réalité.

Pour gérer ces fonds, il faudrait « ressusciter » les missions de l’UNCCP en créant un fonds international alimenté par les nations dont la responsabilité dans l’expropriation des Palestiniens est avérée et par les multiples donations privées, en provenance notamment de la diaspora palestinienne et des organisations juives. La gestion de ce fonds pourrait être confiée à l’UNWRA, à moins que l’importance des sommes mises en jeu et le caractère semi-public des contributions ne nécessitent la création d’un organisme spécifique. Une telle structure aurait pour mission d’évaluer les préjudices des personnes morales et physiques, de déterminer les montants des indemnisations en concertation avec les parties et de recueillir et gérer les fonds. A une échelle bien moindre, un tel organisme a été créé en 1991 pour réparer les préjudices entraînés par la guerre du Golfe. A ce jour, plus de 1 milliard de dollars ont été versés. Pourquoi n’existe-t-il rien pour les Palestiniens ?

Pour la communauté internationale, ne serait-il pas préférable de placer quelques milliards de dollars dans cette oeuvre de paix plutôt que d’entretenir un foyer de violence et de terrorisme, au prix d’interventions armées incessantes, aussi inefficaces que dispendieuses et contre-productives ?

Qu’en est-t-il du préjudice moral ? On ne peut nier la réalité ni l’importance de ce préjudice qui a conduit une génération de Palestiniens à vivre hors de leurs terres, dans des conditions précaires, souvent misérables. Il est probable que les compensations financières, quel que soit leur montant, ne suffiront pas à réparer ce préjudice. C’est pourquoi un Etat palestinien viable doit nécessairement voir le jour, d’autant qu’un demi-siècle de lutte a renforcé le sentiment national. La réparation préalable du préjudice matériel devrait créer un climat de confiance qui ne pourra que favoriser ce projet.

La reconnaissance d’un Etat palestinien viable et surtout la juste réparation du préjudice par la communauté internationale responsable de l’expropriation, et pas seulement Israël, auraient des chances, plus que toute autre mesure, d’apporter une solution définitive à un conflit qui met en péril la paix mondiale.







Jean Marguin, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

Libération - le 4 janvier 2007


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