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La course à la présidentielle et celle du terrorisme

dimanche 29 juin 2008 - 06h:44

Mohamed Salmawy - Al-Ahram/hebdo

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Le monde entier s’apprête à suivre la bataille qui commencera en novembre prochain pour occuper le siège présidentiel aux Etats-Unis, entre Barak Obama, le candidat du Parti démocrate, et John McCain, son adversaire républicain. Cette bataille a effectivement commencé sur l’arrière-plan intellectuel qui façonne les politiques de chacun d’eux, en matière de lutte contre le terrorisme, et qui repose sur deux théories opposées adoptées par deux grands politologues.

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Le vrai terrorisme est celui qui met volontairement au bord de la famine toute une population pour exercer un chantage politique : ici une distribution de nourriture dans la bande de Gaza.

Les héros de cette opposition entre les idées qui est d’une grande importance actuellement aux Etats-Unis sont deux grands experts américains en terrorisme et qui ont une grande influence dans les cercles académiques et politiques. Malheureusement, nous ne savons rien dans le monde arabe à propos d’eux ni sur le conflit qui les oppose et qui se rapporte à la théorie qu’adopte chacun d’eux. Et ce, bien que ce dont ils parlent nous concerne et affecte la politique étrangère des Etats-Unis dans notre région.

Le premier d’entre eux est Bruce Hoffman (53 ans). Il est professeur d’histoire à l’Université renommée de Georges Town. D’ailleurs, le livre qu’il a rédigé Inside Terrorism est considéré comme une référence dans ce domaine. Je ne me souviens pas d’avoir vu une traduction en arabe du livre. Sa théorie se résume au fait que l’Organisation d’Al-Qaëda est toujours présente avec force et est capable de faire peau neuve. Pour lui, elle est aujourd’hui plus dangereuse qu’elle ne l’a été à n’importe quel autre moment. Hoffman s’appuie à cet égard sur certains rapports des services secrets avancés l’été dernier et qui disent que l’Organisation d’Al-Qaëda a été reconstruite au Pakistan.

L’autre pôle de ce conflit n’est autre que Marc Sageman (55 ans). Il est psychiatre et sociologue d’origine polonaise et a travaillé pour un certain temps à la CIA. Il travaille actuellement comme chercheur auprès de la police de New York. Il a publié récemment un livre intitulé Leaderless Jihad, dans lequel il a déclenché ce conflit et où il affirme que l’ancien danger d’Al-Qaëda n’est plus de mise et que ce qui est digne de confrontation actuellement, ce sont les groupes de fanatisme et de terrorisme dispersés et qui ne travaillent pas sous un même leadership. Pour lui, de telles organisations ne reçoivent pas d’ordres extérieurs émanant d’Al-Qaëda, mais elles se rencontrent et planifient leurs actes terroristes dans les quartiers régionaux et via la Toile.

Si nous considérons la position de chacun des deux candidats aux présidentielles au niveau du dossier du terrorisme, que ce soit Barak Obama ou John McCain, nous verrons que la ligne de démarcation entre eux est la même que celle existant entre les théories de Hoffman et de Sageman. McCain continue de mettre en avant les appels qui ont façonné les politiques de l’actuel président Georges Bush et qui affirment aux Américains qu’un grand plan est fomenté contre les Etats-Unis et la civilisation occidentale orchestrée par Al-Qaëda. Selon lui, les Etats-Unis doivent la contrer dans ses foyers mêmes qui sont l’Afghanistan, l’Iraq ainsi que d’autres. Alors que la politique d’Obama repose sur la nécessité de liquider la présence militaire dans ces pays et de considérer les organisations opposées aux Etats-Unis, telles que l’Iran, le Hamas et le Hezbollah, comme des groupes opposés prêts à dialoguer. Ceci a permis à McCain et Hillary Clinton de l’accuser d’incapacité à prendre une position décisive et solide à l’égard des questions de sécurité nationale américaine. Et ce, à cause de son arrière-plan musulman et de couleur. Raison pour laquelle il s’est empressé de revenir sur certains avis précédents.

Ce qu’expose Marc Sageman dans son nouveau livre, qui fait couler beaucoup d’encre actuellement, est la nécessité d’étudier la manière de penser des cercles terroristes et non pas de s’attaquer aux directives politiques de leurs leaders, comme le fait Hoffman. La résultante du conflit qui les oppose, c’est ce qui déterminera la politique de la Maison Blanche sur ce dossier dans l’étape à venir. Chacun des deux chercheurs a ses adeptes, et la théorie qui prendra le dessus sera celle de la nouvelle Administration américaine. Raison pour laquelle le conflit entre Hoffman et Sageman est d’une certaine perspective un conflit sur une nouvelle administration dont les contours sont tracés actuellement et qui siégera à la Maison-Blanche durant les 4 prochaines années au moins, et au cours desquelles, on aura besoin de ce qu’on appelle Think Tank.

Si la théorie de Sageman s’avère correcte, c’est-à-dire que les nouvelles sources de terrorisme ne sont pas une organisation internationale centrale mais des groupes régionaux, ceci voudrait dire que le nouveau président américain sera capable d’économiser des fonds estimés à des milliards dans des guerres extérieures qui ne sont pas d’une grande utilité, parce que le danger émane de l’intérieur et non pas de l’extérieur. A cet égard, on dit que le salaire des experts et conseillers travaillant dans le domaine du terrorisme auprès de l’actuelle Administration américaine a atteint des millions au cours des 7 dernières années. Alors que Sageman voit que le fait de lutter contre les opérations terroristes planifiées par certains groupes dans « les garages et dans les cours arrière de certaines écoles islamiques », pour reprendre ses propos, est la mission des forces de la police locale et du FBI, et non pas celle des armées qui sont estimées à des milliards.

Sageman se réfère dans sa théorie sur le fait que toutes les opérations terroristes qui ont lieu actuellement prouvent inéluctablement que leurs origines viennent de groupuscules internes et ne ressortent pas de l’exécution d’ordre venant d’un commandement central d’une organisation internationale. Il apporte comme exemple l’opération qui a ciblé le train de Madrid en 2004, qui a fait 191 victimes et qui prouve qu’elle a été planifiée à l’intérieur, contrairement à tout ce qui a été avancé. Elle était financée de l’intérieur, ses acteurs étaient formés également à l’intérieur et les matières explosives étaient de fabrication locale. Dans ce même esprit intervient l’attentat manqué qui a ciblé Londres la même année et celui ayant ciblé l’aéroport de Londres l’année suivante.

La couverture médiatique des événements qui ont lieu autour de nous et surtout ceux qui se rapportent à notre région ne se fait pas par la transmission des informations uniquement, mais également en suivant toutes les interactions qui ont lieu au niveau intellectuel. D’ailleurs, ces interactions sont souvent le motif derrière les politiques que nous ne comprenons pas. Nous ne savons pas non plus la logique qui les sous-tend parce que nous n’avons pas suivi leur arrière-plan. De ces arrière-plans, citons à titre d’exemple ce conflit d’ordre intellectuel qui oppose deux grands chercheurs et qui reflète primordialement le différend politique entre les candidats aux prochaines présidentielles. Ce sont d’ailleurs les résultats de ce conflit qui détermineront la nature de la relation de la Maison-Blanche avec nous dans les années à venir.

Du même auteur :

- Pourquoi les sionistes ont-ils attaqué l’Egypte au Salon de Genève ?
- La Shoah contre les Palestiniens et le discours de paix
- La porte-parole « soviétique » du Quai d’Orsay
- Faut-il ouvrir les frontières avec Gaza ?

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 25 juin au 1er juillet 2008, numéro 720 (Opinion)


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