Personne ne doutait hier que le Hamas ait remporté une nouvelle victoire. Sûrement éphémère dans le domaine militaire. Mais beaucoup plus significative dans le cadre politique et diplomatique, explique Juan Miguel Muñoz.

La trêve négociée par l’Egypte dans la bande de Gaza engage Israël à lever son blocus du territoire palestinien mais ne porte pas sur le sergent Gilad Shalit, assure Khaled Méchaal, chef du bureau politique en exil du Hamas, dans une interview accordée à Reuters Photo : Reuters/Khaled al-Hariri

Le cessez-le-feu feu entre Israël et le Hamas qui entre en vigueur aujourd’hui a suscité des réactions unanimes. « Nous ne nous faisons pas d’illusions. La trêve est temporaire et probablement très brève ». Les phrases, prononcées hier par le premier ministre israelien, Ehud Olmert, sont similaires à celles prononcées par les dirigeants islamistes palestiniens. Des divergences apparaissent déjà entre les deux bords sur la partie secrète de l’accord. Parce que, comme le résume un diplomate occidental après ses rencontres avec des israéliens et palestiniens, « ce sont des commerçants ; ils sortent leurs cartes au fur et à mesure que progresse la négociation, et souvent ils négocient dans le dos des médiateurs ; ils s’entendent ensuite entre eux et laissent les étrangers avec le cul à l’air ».

Cependant, les médiateurs égyptiens ont précisé qu’Israël ne reprendra pas le contrôle, avec ses caméras, du seul passage frontalier qui relie Gaza au monde arabe, et ils ont ajouté que l’éventuelle ouverture de Rafah ne dépendra pas de la libération du soldat Gilad Shalit. Sans la libération de centaines de prisonniers palestiniens, le jeune militaire juif abandonnera difficilement sa geôle.

Nous verrons bien. L’accord est à prendre avec des pincettes. Mais personne ne doutait hier que le Hamas a remporté une nouvelle victoire. Sûrement éphémère dans le domaine militaire. Mais beaucoup plus significative dans le cadre politique et diplomatique. Le mouvement fondamentaliste gagne en légitimité internationale ; le président Mahmud Abbas a annoncé une visite imminente à Gaza après une année d’absence, et pour cela il a dû renoncer à son exigence que le Hamas lui restitue l’autorité sur Gaza. En outre, l’accord de trêve accorde au mouvement fondamentaliste que le cessez-le-feu pourra s’étendre à ce qui est le fief d’Abbas : la Cisjordanie.

Bien que ses dirigeants savent qu’ils continueront à devoir supporter une pression énorme — la Jordanie et l’Egypte craignent l’effet contagieux des petits succès du mouvement islamiste — le Hamas ne se tourne pas les pouces. « Nous perdons beaucoup de batailles, mais pas celles que nous entamons nous-mêmes », affirmait à ce journal un de ses dirigeants.

« La trêve est une victoire pour l’islam extrémiste », a déclaré Haim Ramon, vice-premier ministre israélien. Un triomphe politique auquel a contribué dans une bonne mesure le gouvernement d’Olmert. Après l’accord, l’exécutif israelien reconnait de fait qu’il faut tenir compte du Hamas et que les négociations de paix ne sont pas viables si on cherche à écraser le mouvement fondamentaliste. Israël a légitimé son adversaire. Ce n’est non plus pas du tout nouveau. Il y a deux décennies, quand l’ennemi juré était Yasir Arafat, Israël a financé en sous-main le Hamas et le légendaire Isaac Rabin serrait la main à Mahmud Zahar, aujourd’hui un des chefs islamistes les plus radicaux.

Le cessez-le-feu est aussi une défaite pour Abbas. Les désaccords dominent dans l’OLP. Embarqué depuis novembre dans des négociations, « le partenaire d’Israël », le dirigeant qu’Olmert reçoit avec des embrassades lors de leurs fréquentes réunions, observe comment les opérations militaires, les coups de filet [les rafles], les démolitions de maisons et l’expansion des colonies se multiplient en Cisjordanie.

Un des négociateurs de l’OLP faisait hier le commentaire suivant : « Le message qu’ils nous envoient est clair. Ce qui s’avère utile est de tirer des fusées ».

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19 juin 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’espagnol : Claude Zurbach