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Colonisation juive : L’AIPAC mène le jeu

jeudi 12 juin 2008 - 05h:54

Ahmed Loutfi - Chaimaa Abdel-Hamid - Al Ahram/hebdo

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Colonisation Juive. En réitérant sa volonté de construire de nouvelles colonies à Jérusalem et de considérer la ville unifiée comme sa capitale éternelle, Israël lance un défi à la communauté internationale, dont une Amérique au c ?ur de l’embarras et où le dernier mot semble appartenir au lobby sioniste.

Une véritable machine infernale à terrasser la paix. Tel semble bien être le système israélien en marche. A l’heure où des efforts et médiations tous azimuts sont déployés et que l’exécutif américain tente désespérément de parvenir à la moindre percée avant la fin du mandat du président George W. Bush, Israël enfonce le clou. Ainsi, il a relancé la semaine dernière la colonisation à Jérusalem-Est, occupée et annexée, et délibérément, sans doute à la veille d’une nouvelle rencontre entre son premier ministre Ehud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbass.

Un des principaux négociateurs palestiniens, Saeb Eraqat a aussitôt sévèrement condamné à juste titre cette mesure, comme « toutes celles qui perpétuent la colonisation ». Et de préciser : « Les Etats-Unis doivent y mettre un terme. Il est clair que les efforts de paix vont être affectés par cela ». Et c’est là où le bât blesse. L’Amérique, la superpuissance mondiale, celle qui est pratiquement mandatée par toutes les parties pour trouver une solution ou même une petite issue, est bien loin de remettre son allié à l’ordre. Côté israélien, on a jubilé comme pour mieux défier les Palestiniens et les pays arabes qui, comme l’Egypte, tentent de parvenir à une accalmie.

Ainsi, Mark Regev, porte-parole du Premier ministre Ehud Olmert, a dit que ces constructions « ne contredisaient nullement le processus de paix, puisqu’elles étaient prévues dans des quartiers juifs de Jérusalem qui feront partie intégrante d’Israël dans tout accord de paix ». Le maire de Jérusalem, Ouri Loupoliansky, s’est pour sa part félicité de la relance de la construction à Jérusalem-Est, estimant qu’elle répondait « aux besoins urgents de logements de la population juive ».

Israël a pour principal but d’assurer sa mainmise sur de grands blocs d’implantations en Cisjordanie et les quartiers juifs de Jérusalem, à la faveur d’échanges territoriaux. Un vrai diktat en quelque sorte. Et l’Etat hébreu, comme il est d’accoutumée depuis la Nakba, veut imposer le fait accompli ; ainsi, plus de 200 000 Israéliens ont été installés depuis 1967 dans une douzaine de quartiers de colonisation érigés à Jérusalem-Est.

Pourtant, la célèbre feuille de route, un plan international de paix lancé en 2003, prévoit notamment la fin des violences et le gel de la colonisation juive. L’Etat hébreu, lui, considère l’ensemble de Jérusalem comme sa « capitale unifiée et éternelle », ce que ne reconnaît pas la communauté internationale, et reste contraire aux différentes résolutions internationales. Les provocations se suivent et se ressemblent : Olmert a affirmé que son pays exercerait sa souveraineté sur Jérusalem « pour l’éternité (...). La souveraineté d’Israël sur la Jérusalem historique et sainte durera pour l’éternité. Jérusalem constitue le c ?ur du peuple juif ».

Alors que des factions palestiniennes, à l’exemple du Hamas, sont décriées pour un langage intégriste qu’on leur prête, voilà, Israël qui a recours à des arguments tout aussi fondamentalistes.

Passivité américaine

Côté américain, c’est juste une protestation de pure forme. La Maison-Blanche a mis en garde Israël contre la construction programmée des 884 logements à Jérusalem-Est indiquant que la construction de telles colonies « exacerbe les tensions » avec les Palestiniens. « Notre position sur les colonies est que nous ne pensons pas que de nouvelles colonies doivent être construites. Et nous savons que cela exacerbe les tensions quand il s’agit des négociations avec les Palestiniens », a déclaré la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino.

Les Etats-Unis ont toujours condamné la colonisation et l’annexion de Jérusalem, mais sans initiative réelle. De plus, le candidat démocrate Barack Obama, que de nombreux cercles moyen-orientaux concéderaient comme une sorte d’espoir pour une politique américaine nouvelle, a estimé mercredi dernier que Jérusalem devait « rester la capitale d’Israël » et « demeurer indivisible », lors d’un discours à Washington devant les délégués de l’American Israel Public Affairs Council (AIPAC), le principal lobby pro-israélien aux Etats-Unis.

Ce discours du candidat démocrate, ouvertement favorable à Israël, a ainsi abordé l’un des dossiers les plus explosifs des pourparlers israélo-palestiniens dans un point de vue plus royaliste que le roi. Et Olmert l’a bien ressenti : il s’est empressé de qualifier les propos du candidat démocrate de « très émouvants ». « Son apparition était très impressionnante. Ses mots sur Jérusalem étaient très émouvants », s’est félicité M. Olmert en proclamant que si « Obama est élu, nous discuterons avec lui de toutes les questions si et quand elles sont soulevées ».

Par souci de neutralité, l’ambassadeur d’Israël à Washington a, lui, fait plus. « Les discours que les trois candidats à la présidence américaine (Barack Obama, Hillary Clinton pour les Démocrates et John McCain pour les Républicains) ont prononcés devant les délégués de l’AIPAC ont été très importants et très encourageants », a affirmé Dan Meridor à la Radio publique.

Le diplomate a aussi minimisé la portée des déclarations de M. Obama en rappelant que le « Congrès a reconnu à plusieurs reprises dans le passé Jérusalem réunifiée comme capitale d’Israël, alors que l’Administration américaine faisait preuve de plus de prudence ». Il faisait ainsi allusion au projet souvent évoqué par des présidents américains, mais jamais réalisé, de transférer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. Du côté palestinien, le président Mahmoud Abbass ainsi que les islamistes du Hamas ont dénoncé les propos du candidat démocrate.

« Nous rejetons ces propos. Jérusalem est l’un des dossiers en cours de négociation. Tout le monde sait parfaitement que Jérusalem-Est a été occupée en 1967 et nous n’accepterons pas un Etat sans Jérusalem, cela doit être clair », a affirmé Mahmoud Abbass. Face à la colère des dirigeants palestiniens, Obama a mis le lendemain un bémol au soutien apporté la veille à Israël sur la question de Jérusalem. « Evidemment, il reviendra aux parties de négocier sur ces questions. Et Jérusalem fera partie de ces négociations », a dit le sénateur de l’Illinois sur CNN.

Ahmed Loutfi

La plus grande colonie israélienne

Maalé Adumim est l’exemple le plus flagrant de la volonté israélienne de battre en brèche la population palestinienne.

Maalé Adumim, située à l’est des frontières prolongées de Jérusalem-Est, est la plus grande colonie israélienne. Elle fut bâtie en 1975, sous le premier gouvernement Rabin. Le projet israélien consiste à entourer la population palestinienne de Jérusalem-Est par des colonies juives ; ainsi, la souveraineté juive sera-t-elle légitimée sur l’ensemble de la région de Jérusalem.

Avec une population de 32 000 personnes, la colonie s’étend sur 53 kilomètres carrés, soit une surface plus vaste que Tel-Aviv et équivalante à la moitié de Paris.

Maalé Adumim a été bâtie sur des propriétés prises aux Palestiniens : Abou-Dis, Al-Izriyeh, Al-Issawiyeh, Al-Tour, Anata.

Cette colonie possède énormément d’atouts aux yeux du pouvoir israélien, car elle est située sur la route qui relie Jérusalem et Jéricho, le développement de Maalé Adumim isole Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie et bloque les relations interpalestiniennes entre Ramallah et Bethléem, or en prévenant toute continuité territoriale, Maalé Adumim rend problématique la viabilité de l’éventuel futur Etat palestinien.

Classée comme zone de développement hautement prioritaire, la colonie reçut une myriade de bénéfices tels que des subventions au logement, des réductions d’impôts et des prêts à faible intérêt. Par la suite, tous les gouvernements successifs entreprirent des programmes massifs : des développements des infrastructures, des constructions de routes et des transports urbains.

Cette injection massive de ressources favorisa la croissance rapide du nombre de colons. En octobre 1992, Maalé Adumim devint la première colonie à obtenir le statut de ville.

Le bloc de Maalé Adumim, tel qu’il a été conçu, est censé séparer le nord de la Cisjordanie (Ramallah, Jénine et Naplouse) de son sud, Hébron, Bethléem et Beit Jala. Israël a relié Maalé Adumim à Jérusalem-Ouest par des tunnels construits en dessous de la montagne Al-Macharef. L’objectif étant de regrouper toutes les concentrations démographiques arabes à Jérusalem derrière le mur de séparation et, par conséquent, de s’assurer que les Palestiniens ne deviennent une majorité dans la Ville sainte.

Au fil des années, les autorités civiles et militaires ont publié une myriade de lois et règlements concernant les colons. Deux systèmes législatifs coexistent donc sur le même territoire :

- Les colons ont les mêmes droits que ceux des citoyens d’Israël.

- Les Palestiniens, par contre, sont soumis à la loi militaire et jugés le plus souvent par des cours militaires.

En 2004, un plan d’élargissement de la colonie, baptisé le projet « E1 », a été lancé. La construction de la colonie a été annoncée depuis 1994, à l’époque de Ytzhak Rabin. Elle a ensuite été approuvée en 1997, et en 2004 son infrastructure est lancée. Avec 4 000 logements et 3 hôtels. Le plan « E1 » est considéré comme une partie importante de l’ensemble du projet du « Grand Jérusalem », qui est un projet israélien destiné à annexer une énorme portion de la Cisjordanie et à confirmer son annexion en 1967 de la Jérusalem-Est palestinienne.

Le projet du « Grand Jérusalem » a été approuvé officiellement et publiquement par la Knesset le 28 mai 1997.

Chaimaa Abdel-Hamid

Voir aussi :

- Colonisation juive : Bil’in, un symbole de la lutte populaire

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 11 au 17 juin 2008, numéro 718 (Evènement)


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