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Sarkozy aime les Libanais, comme il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais et les Marocains

mardi 10 juin 2008 - 12h:22

Loubnan ya Loubnan/Mahmoud Harb

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« En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates. »- Mahmoud Harb

Alors, tu es content, Mahmoud ? L’Homme blanc (avec un grand H) est venu t’apporter les Lumières (avec un grand L) de la République (avec un grand R) ? C’est dommage qu’il ne soit pas venu avec son grand ami Johnny, qui t’aurait en même temps appris l’amour avec un petit Q.

Est-ce que ça n’est pas le plus beau jour de la vie de ton joli pays, Mahmoud ? Ton mignon petit pays que la France éternelle, dans son incommensurable grandeur, a choisi d’aimer. Oui Mahmoud, Saïd Sarkozy aime ton petit pays et ses joyeuses peuplades folkloriques. Et tous les Français aiment aussi ta riante petite contrée et ses tribus bariolées.

C’est pour cela que Saïd Sarkozy, il est venu chez toi (et comme ta peuplade est très hospitalière, il a tout de suite compris qu’il était chez toi chez lui ; mais ne va pas t’imaginer que tu serais chez toi chez nous sans visa, notre grandeur d’âme a tout de même des limites). Il est venu chez toi non pas avec quelques milliards d’aide au développement, ni avec des annonces de mesures économiques pour aider ton petit pays, il n’est même pas venu pour t’annoncer que notre politique inepte à l’encontre de ton pays allait changer (au contraire, avec Saïd Hollande, il est venu répéter que la politique de la France au Liban ne changerait pas, et ça, ça valait bien la peine de se déplacer).

Non, Saïd Sarkozy aime tellement ton pays, Mahmoud, qu’il est venu pour t’offrir sa seule présence. Et celle des autres saïd français. Comme ça, tu as pu approcher la République avec un grand R, et rêver à la Liberté, à l’Égalité et à la Fraternité (avec un grand LEF). Et même, Mahmoud, il a accepté de se faire prendre en photo avec toi. Tu sais, c’est une photo de toi avec le représentant sur Terre de la philosophie des Lumières, tu penseras bien à la mettre dans un cadre avec autour une guirlande qui clignote.

Mahmoud, je sais que la politique internationale de notre grand et beau pays dont le R majuscule nous rend si fiers est un peu compliquée pour toi. Je m’en vais donc te livrer cette citation d’un grand film philosophique de chez nous, et tu vas tout comprendre :

« C’est notre Raïs à nous, c’est monsieur René Coty. Un grand homme, il marquera l’histoire. Il aime les Cochinchinois, les Malgaches, les Sénégalais, les Marocains... C’est donc ton ami. Ce sera ton porte-bonheur. » OSS 117 - le film

Et maintenant, Mahmoud, je ne résiste pas au bonheur de reproduire (intégralement) ce que tu as écris dans ton journal, L’Orient-Le Jour (grand L, grand O, grand L, grand J), à la suite de la visite du Président Coty Sarkozy. C’est à mon avis le plus bel hommage que tu pouvais rendre aux scénaristes d’OSS 117. J’apprécie aussi le fait que ce soit qualifié, par ton journal, d’« ANALYSE » (en majuscules).

ANALYSE

De l’union sacrée tricolore pour le Liban

L’article de Mahmoud HARB

Nicolas Sarkozy, président « d’ouverture », aime à citer Jean Jaurès et le fait bien plus que les éléphants du parti de la rose rouge. Il est quasiment impossible aujourd’hui de résister à la tentation de contourner les failles de l’anachronisme, pour suivre son exemple en saluant l’union sacrée - expression chère au leader de la SFIO - des dirigeants français pour le Liban. En saluant la visite à une Beyrouth martyrisée par ceux-là qui prétendent la défendre, de cette colossale délégation des plus hauts responsables de l’État français. En reconnaissant que si Nicolas Sarkozy est - et doit être - quelque part gêné aux entournures par l’échec de sa diplomatie à obtenir ce que le petit Qatar a réussi, par le piège dans lequel Bernard Kouchner a poussé le patriarche Sfeir, il s’est très bien rattrapé hier, sans même avoir à battre sa coulpe. En montant cette union sacrée, pour le Liban, de la République dont la majuscule est l’objet de la fierté des Français, des francophones, des démocrates.

En France, Nicolas Sarkozy est souvent accusé de verser dans la communication volubile plutôt que dans l’action efficace. Sa visite au Liban serait-elle pour autant un coup de com’ d’un président en quête de cote de popularité, d’une hausse dans les sondages, d’une petite place sur la scène internationale ? La réalité semble être tout le contraire. Car si le président B.C.B.G. voulait faire dans la publicité, il se serait probablement contenté de se faire accompagner par les ténors de son parti ou par les gardes rapprochés de sa « task force » ministérielle.

Bien au contraire, Nicolas Sarkozy a tenu à associer à sa démarche « toute la France, pour dire que le Liban a le droit de penser à l’avenir ». À commencer par son Premier ministre François Fillon, même si les relations entre les deux hommes seraient houleuses, même s’il n’est pas coutume que le président de la Ve République voyage avec le chef de son gouvernement. Et puis François Hollande, même si le PS et l’UMP sont deux formations adversaires. Et encore François Bayrou, même si son Modem rachitique tente désespérément de chasser sur le territoire du parti de la majorité présidentielle. Sans oublier la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, ni le président des Radicaux de gauche, Jean-Michel Baylet. Ni Marie-Georges Buffet, même si la présence de cette dernière n’a ravi que Khaled Hdadé, chef du Parti communiste - fantôme - libanais, même si le PCF continue de soutenir des positions tiers-mondistes anachroniques et des résistances souvent obscurantistes, comme s’il incombait aux seuls habitants du tiers-monde de combattre le « Léviathan » de la mondialisation, sans pouvoir aspirer à la démocratie républicaine. Et certainement pas « populaire ».

Et si tous ces dirigeants de l’opposition ont bien voulu se ranger sous la houlette de Nicolas Sarkozy, si le président français a enfreint aux coutumes protocolaires de la République, c’est parce que la France nous a très bien compris, comme aurait dit le général de Gaulle. C’est dire que Paris a réalisé que « la partie qui se joue actuellement au Liban intéresse de près tous les Européens », selon les mots de Régis Debray. Et il est vrai que, sur ces modestes 10 452 kilomètres carrés morcelés en périmètres de sécurité, se joue une lutte féroce entre les Lumières et l’obscurantisme, la pluralité éclairée et l’homogénéisation totalitaire, entre la nahda et l’inhitat, entre la parole et le kalachnikov, entre la démocratie confessionnelle bariolée et la théocratie monochrome, entre la croissance durable - même si souvent inéquitable - et la révolution permanente, le massacre perpétuel.

« Il n’y aura pas de paix et de stabilité dans la région s’il n’y en a pas au Liban. » Sarkozy l’a souligné fort à propos. Si la liberté perd la bataille au Liban, les Barbares - au sens où l’entendaient les historiens antiques, c’est-à-dire ceux qui se trouvent ou se placent à l’extérieur du règne de la civilisation de l’époque - viendront frapper aux portes des Romes modernes. D’où l’importance cruciale de l’union sacrée de la France - et des puissances démocratiques - pour le Liban.

Ces Libanais désunis n’ont pas de comptes à demander à une France à laquelle ils doivent déjà beaucoup. Néanmoins, au nom des valeurs tricolores de la liberté, de l’égalité et de la fraternité desquelles « procède l’attachement particulier du Liban à la France », comme l’a merveilleusement affirmé le président de la République Michel Sleiman, il est des inquiétudes libanaises que Paris devrait lever. Et notamment en ce qui concerne « cette nouvelle page (qui) est peut-être en train de s’ouvrir avec la Syrie ».

Nicolas Sarkozy a déjà lancé quelques signes réconfortants à cet égard, en se situant dans la continuité de la politique libanaise de Jacques Chirac et en conditionnant l’amorce de la normalisation des relations entre Paris et Damas à l’ouverture d’une ambassade syrienne à Beyrouth et au respect de la paix civile et de la stabilité au Liban. Mais les Libanais ont vécu beaucoup trop de déceptions pour savoir qu’un petit accord entre l’Occident et les Assad entraîne souvent une grande hécatombe au Liban. Il incombe à la France qui partage avec le Liban « les grandes valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques » - encore une excellente expression de Michel Sleiman - de briser cette règle assassine de l’histoire de la région. En attendant une union sacrée des Libanais, pour le Liban...

Loubnan ya Loubnan - 8 juin 2008


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