Il est difficile de savoir s iJimmy Carter pensait que ses dernières rencontres au Moyen-Orient avec les responsables du Hamas seraient réellement utiles.

Jimmy Carter à Ramallah - Photo : Reuters

Etant donné son expérience politique, il ne pouvait pas avoir imaginé que son voyage à Damas était susceptible de réussir à activer un processus qui inclurait rapidement le Hamas dans de réelles négociations de paix. Plus probablement, il a décidé qu’il était dans une position privilégiée pour concentrer l’attention de l’Ouest sur les possibilités de discuter avec le Hamas, arrivant à la conclusion que la provocation était son arme la plus efficace, comme il avait déjà procédé en intitulant son livre paru en 2006 : « Palestine : la Paix, pas l’Apartheid ». La colère qui a suivi ces deux évènements était la même. A présent, il nous a permis de distinguer plus clairement les actuelles lignes rouges du Hamas dont il faudra bien tenir compte lors de futures négociations.

Il est notable que peu des critiques de Carter semblent capables de proposer une alternative réaliste pour traiter avec le Hamas. Aucun ne semble imaginer que le Hamas disparaisse, ou qu’une action militaire détruirait ou dompterait l’organisation politique. En fait, certains reconnaissent facilement que tôt ou tard Israël devra traiter avec le Hamas - qu’il n’a pas le choix. Alors pourquoi attaquer Carter si violemment ?

La raison qui vient à l’esprit est qu’il a rompu les rangs avec le consensus international qualifiant le Hamas d’organisation terroriste, que son voyage a fourni au Hamas une légitimité internationale de fait. La vue de Carter posant une couronne sur la tombe de Yasser Arafat, et son étreinte publique avec Khaled Meshal, le responsable du Hamas, ont donné du blé à moudre à eux qui affirment qu’il est anti-israélien et qu’il soutient en réalité le Hamas. Le Professeur Alan Dershowitz de Harvard a également laissé supposer que le fait que le Centre Carter reçoive de l’argent de donateurs arabes motivait ses initiatives « anti-israéliennes ». Un nombre étonnant de ses détracteurs semblent uniquement capables de reprendre des insultes basées sur une pure aversion pour l’homme.

Ce qui est plus important est qu’un nombre significatif d’Israéliens - parmi lesquels les précédents dirigeants des services de sécurité - a exhorté le gouvernement d’accepter la réalité qu’est le Hamas et de trouver une voie pour traiter avec lui. Dans un récent sondage, 64%du public israélien montrait une disposition à discuter avec le Hamas. Seule aux Etats-Unis l’opinion parait presque uniformément négative.

Ainsi où en sommes nous en ce qui concerne le processus de paix au Moyen l’Orient ?

Il semble maintenant établi que le Hamas ne disparaîtra pas, quoi que fassent Israël, les Etats-Unis ou la communauté internationale. La popularité du Hamas provient de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci l’aversion des Palestiniens pour la corruption dans le Fatah, la montée de l’Islam politique à travers le Moyen Orient, la perception (partagée par la plupart des observateurs) que le processus qui a suivi Annapolis ne réussira pas, et une conviction générale des Palestiniens (qu’elle soit vraie ou fausse) qu’Israël n’acceptera jamais pacifiquement un Etat palestinien basé sur les frontières de 1967.

De plus, le succès du Hamas dans ses confrontations politiques et militaires avec le Fatah et l’impatience internationale grandissante quant au blocus israélien de Gaza ont aidé le Hamas à jouer un rôle dont il ne serait pas facilement délogé.

Le Hamas a donné de timides indications d’une certaine hésitation par rapport à sa traditionnelle obstination à dire que la reconnaissance formelle ou l’acceptation de la légitimité d’Israël est théologiquement interdite. Il semble essayer véritablement de développer des arguments théologiques et politiques qui lui permettent de traiter avec la forte et indéniable réalité qu’ est l’état juif aujourd’hui.

Cela constitue un progrès dans le contexte actuel.

Ce qui est inéluctable est que le Hamas a déjà établi sa "légitimité" de la façon utilisée par chaque nouvelle force politique : en cumulant les pouvoirs politique et militaire de telle sorte qu’il devient impossible de l’ignorer. Ce n’est plus une option de le nier ; la question pour Israël, les Etats-Unis et l’Ouest est de quelle façon l’accepter. Ce n’est pas du machiavélisme sans moralité, c’est accepter la réalité.

Il y a des fois où même le puissant doit prendre le taureau par les cornes - et c’est le cas aujourd’hui. Alors que le voyage de Carter continue à provoquer des prises de positions politiques, les réalités sont en cours d’être reconnues. Le 30 Avril, l’Egypte a annoncé que le Hamas et 11 petites factions palestiniennes avaient accepté de suivre une trêve de six mois avec Israël. Elle ne couvrirait d’abord que Gaza, mais pourrrait être étendue à la Cisjordanie. Le puissant chef des services de renseignements égyptiens, Omar Suleiman, essaie actuellement d’obtenir l’accord israélien.

Si ce cessez-le-feu s’installe, alors les autres possibilités peuvent s’ouvrir, même si un accord formel de paix ne peut être atteint maintenant. Il existe des précédents significatifs de coexistence entre des ennemis jurés. En 1948, les quatre voisins d’Israël juraient de le détruire, mais aujourd’hui deux d’entre eux ont signés des traités de paix et le troisième soutient qu’il est prêt à en signer un. De même, l’URSS et les Etats-Unis (et leurs alliés) se sont faits face pendant des décennies de Guerre Froide et, à la surprise de beaucoup, ils ont su éviter une conflagration générale.

Lorsque les tueries cessent, tout devient possible.

* Paul Scham est professeur-assaistant à l’Institut pour le Moyen-Orient et co-éditeur de l’ouvrage « Histoires partagées : un dialogue palestino-israélien ».

9 mai 2008 - Ma’an News Agnecy - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/en/index.ph...
[Traduction : info-palestine.net]