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Que ferait Martin Luther King Jr ?

jeudi 22 mai 2008 - 05h:48

Ibrahim Fawal - CounterPunch

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Peut-être est-ce à cause des progrès que j’ai constatés en un demi-siècle là où j’ai vécu, à Birmingham, que je me sens espérer avec impatience un avenir plus radieux dans lequel Juifs et Palestiniens pourraient vivre côte à côte, à égalité.

Birmingham, Israël et la Nakba

La fédération juive de Birmingham va être accueillie ce week-end en Israël pour son 60è anniversaire avec un circuit dans les villes israéliennes, mais il est une réalité irréfutable que les festivités vont probablement dissimuler. Alors que les habitants de Birmingham vont traverser ces villes, ils feraient bien de demander à leurs hôtes comment de telles villes ont pu se construire sur les ruines de la vie palestinienne.

La plupart des Américains qui soutiennent l’Etat d’Israël semblent complètement inconscients du fait que, lorsque Israël a été établi en 1948, plus de 700 000 Palestiniens furent chassés de leurs foyers, avec guère plus que ce qu’ils portaient sur eux.

C’était des médecins, des agriculteurs, des étudiants et des hommes d’affaires qui devinrent instantanément des réfugiés. Les forces israéliennes ont vidé plus de 450 villages et centres urbains de leur population. La plupart ont été détruits. Dans ceux qui sont restés, des immigrés juifs se sont installés dans leurs maisons, ils ont cuisiné dans leurs cuisines, ils se sont assis à l’ombre de leurs citronniers et se sont endormis dans leurs lits, pendant que les Palestiniens dépossédés franchissaient péniblement collines et vallées à la recherche d’une nouvelle vie.

Nous, Palestiniens, quand nous parlons de la perte de notre patrie, nous disons Nakba (le mot arabe pour « catastrophe »). J’avais 15 ans en 1948, et pas un jour ne passe sans que je me souvienne de ces dizaines de milliers de réfugiés palestiniens affluant dans ma ville natale, Ramallah, qui n’avait pas été intégrée dans le nouvel Etat d’Israël. La femme qui est devenue par la suite mon épouse, Rose Rahib, a été chassée de sa maison à Lydda, alors qu’elle avait 6 ans. Rose et sa famille ont marché sous une chaleur étouffante quelque 30 milles pour arriver jusqu’à Ramallah. Son père avait réussi dans une affaire de transport et il avait construit une belle maison pour sa famille. Mais les soldats israéliens sont venus, ils ont pointé leurs armes sur leur visage et les ont chassé à coups de pied de leur maison, leur disant « Allez chez Abdullah », c’est-à-dire en Jordanie qui était sous le règne du Roi Abdullah.

Pendant six décennies, des milliers de familles palestiniennes spoliées ont rêvé de revenir dans leur foyer. Alors que la résolution des Nations unies de 1947 pour la partition allouait 57% de la Palestine à Israël, à la fin de la guerre Israël occupait 78% du territoire. Et lors de sa guerre préventive de 1967, il a occupé le reste, c’est-à-dire la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza.

Ce qui s’est passé depuis lors fait que les perspectives de paix et de justice ne semblent être qu’illusion.

En Cisjordanie, Israël a construit plus de 200 colonies illégales (certaines assez grandes pour y installer 50 000 résidents), il a mis en place un réseau de 742 miles de routes modernes qui desservent uniquement les colonies juives de peuplement, il a agrandi considérablement Jérusalem et l’appelle « la capitale éternelle d’Israël » et il a monté un mur de béton imposant qui serpente à travers la terre palestinienne, s’emparant de miles et de miles de propriétés et de terres agricoles, séparant les maisons des écoles, les commerçants de leurs magasins. A Bethléhem, le mur dépasse de 12 pieds la hauteur du Mur de Berlin. Pire, Israël a installé plus de 550 postes de contrôle (check-points) en Cisjordanie, rendant le commerce et le déplacement presque impossible pour les Palestiniens.

Ainsi, la Nakba se poursuit à ce jour pour les 2 millions cinq cent mille Palestiniens de Cisjordanie qui vivent sous l’occupation militaire israélienne. Israël utilise tout un dispositif de lois pour les Juifs et un autre pour les Palestiniens. La « loi du retour » permet à un Juif, où qu’il soit dans le monde, de venir en Israël et d’y recevoir instantanément la nationalité, alors que les réfugiés palestiniens - qui possèdent toujours les clés de leurs maisons dont on les a spoliés - ne le peuvent pas.

Aujourd’hui, la population palestinienne dans le monde dépasse les 10 millions, dont 4 millions de réfugiés environ. Tous les réfugiés sont réputés internationalement avoir le droit au retour dans les lieux d’où ils ont été expulsés. Cependant, les Palestiniens n’ont jamais été autorisés à y revenir ni reçu la moindre indemnisation.

Un avenir plus radieux

Peut-être est-ce à cause des progrès que j’ai constatés en un demi-siècle là où j’ai vécu, à Birmingham - une cité dont l’histoire est profondément enracinée dans le mouvement des droits civiques - que je me sens espérer avec impatience un avenir plus radieux dans lequel Juifs et Palestiniens pourraient vivre côte à côte, à égalité. Je reste convaincu que si les Américains avaient vraiment compris et comprenaient ce que le peuple palestinien avait enduré et endure des mains d’Israël - en 1948, en 1967 et aujourd’hui - ils désapprouveraient fortement le soutien financier et diplomatique de leur gouvernement à la discrimination et à l’oppression systématiques des Palestiniens par Israël.

Les paroles du révérend Martin Luther King Jr, retentissent en moi avec force : « Nous devons voir que l’issue que nous recherchons est une société en paix avec elle-même, une société qui peut vivre avec sa conscience. Et ce jour sera ni le jour de l’homme blanc, ni celui de l’homme noir. Ce sera le jour de l’homme, en tant qu’homme. »

Dans une cité comme Birmingham, nous devrions célébrer ceux travaillent pour l’égalité entre Palestiniens et Israéliens, pas l’Etat d’Israël qui persiste dans la ségrégation et la cruauté.

Ibrahim Fawal, docteur en philosophie, de Birmingham, (Alabama -USA) est l’auteur d’un roman primé : On the Hills of God (NewSouth Books, 2006), écrit à partir de son expérience de la Nakba.

Fiche d’identité de l’auteur (Wikipedia).

***

Ndt : Birmingham a joué un rôle crucial dans la lutte nationale pour l’égalité raciale aux Etats-Unis. Le Rd Martin Luther King Jr y est lui-même arrêté le 13 avril 1963, c’est là qu’il écrit la célèbre Lettre de la prison de Birmingham, un traité définissant sa lutte contre la ségrégation. Voir ci-dessous des extraits de cette lettre magnifique.

Que ferait Martin Luther King Jr pour la Palestine ? Il écrirait sans doute la même lettre. Et cette lettre épouse admirablement le présent texte d’Ibrahim Fawal.

Martin Luther King,

Lettre de la geôle de Birmingham

extraits

(Source : La recherche du bonheur)

Parce que Martin Luther King n’a pas fait "qu’un rêve", voici un extrait de la magnifique lettre de la geôle de birmingham, écrite en prison le 16 avril 1963.

Elle est disponible dans l’autobiographie De Luther King, aux éditions Bayard.

" (...) Nous avons douloureusement appris que la liberté n’est jamais accordée de bon gré par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé. Franchement, je ne me suis jamais engagé dans un mouvement d’action directe à un moment jugé « opportun », d’après le calendrier de ceux qui n’ont pas indûment subi les maux de la ségrégation.

Depuis des années, j’entends ce mot : « Attendez ! ». Il résonne à mon oreille, comme à celle de chaque Noir, avec une perçante familiarité.

Il nous faut constater avec l’un de nos éminents juristes que « justice trop tardive est déni de justice ».

Nous avons attendu pendant plus de trois cent quarante ans les droits constitutionnels dont nous a dotés notre Créateur. Les nations d’Asie et d’Afrique progressent vers l’indépendance politique à la vitesse d’un avion à réaction, et nous nous traînons encore à l’allure d’une voiture à cheval vers le droit de prendre une tasse de café au comptoir.

Ceux qui n’ont jamais senti le dard brûlant de la ségrégation raciale ont beau jeu de dire : « Attendez ! » Mais quand vous avez vu des populaces vicieuses lyncher à volonté vos pères et mères, noyer à plaisir vos frères et s ?urs ; quand vous avez vu des policiers pleins de haine maudire, frapper, brutaliser et même tuer vos frères et soeurs noirs en toute impunité ; quand vous voyez la grande majorité de vos vingt millions de frères noirs étouffer dans la prison fétide de la pauvreté, au sein d’une société opulente ; quand vous sentez votre langue se nouer et votre voix vous manquer pour tenter d’expliquer à votre petite fille de six ans pourquoi elle ne peut aller au parc d’attractions qui vient de faire l’objet d’une publicité à la télévision ; quand vous voyez les larmes affluer dans ses petits yeux parce qu’un tel parc est fermé aux enfants de couleur ; quand vous voyez les nuages déprimants d’un sentiment d’infériorité se former dans son petit ciel mental ; quand vous la voyez commencer à oblitérer sa petite personnalité en sécrétant inconsciemment une amertume à l’égard des Blancs ; quand vous devez inventer une explication pour votre petit garçon de cinq ans qui vous demande dans son langage pathétique et torturant : « Papa, pourquoi les Blancs sont si méchants avec ceux de couleur ? » ; quand, au cours de vos voyages, vous devez dormir nuit après nuit sur le siège inconfortable de votre voiture parce que aucun motel ne vous acceptera ; quand vous êtes humilié jour après jour par des pancartes narquoises : « Blancs », « Noirs » ; quand votre prénom est « négro » et votre nom « mon garçon » (quel que soit votre âge) ou « John » ; quand votre mère et votre femme ne sont jamais appelées respectueusement « madame » ; quand vous êtes harcelé le jour et hanté la nuit par le fait que vous êtes un nègre, marchant toujours sur la pointe des pieds sans savoir ce qui va vous arriver l’instant d’après, accablé de peur à l’intérieur et de ressentiment à l’extérieur ; quand vous combattez sans cesse le sentiment dévastateur de n’être personne ; alors vous comprenez pourquoi nous trouvons si difficile d’attendre.

Il vient un temps où la coupe est pleine et où les hommes ne supportent plus de se trouver plongés dans les abîmes du désespoir. J’espère, Messieurs, que vous pourrez comprendre notre légitime et inévitable impatience (...)

Vous exprimez une grande inquiétude à l’idée que nous sommes disposés à enfreindre la loi. Voilà certainement un souci légitime.

Comme nous avons si diligemment prôné l’obéissance à l’arrêt de la Cour suprême interdisant, en 1954, la ségrégation dans les écoles publiques, il peut sembler paradoxal, au premier abord, de nous voir enfreindre la loi en toute conscience. On pourrait fort bien nous demander : « Comment pouvez-vous recommander de violer certaines lois et d’en respecter certaines autres ? » La réponse repose sur le fait qu’il existe deux catégories de lois : celles qui sont justes et celles qui sont injustes. Je suis le premier à prêcher l’obéissance aux lois justes. L’obéissance aux lois justes n’est pas seulement un devoir juridique, c’est aussi un devoir moral. Inversement, chacun est moralement tenu de désobéir aux lois injustes. J’abonderais dans le sens de saint Augustin pour qui « une loi injuste n’est pas une loi ».

Quelle est la différence entre les unes et les autres ? Comment déterminer si une loi est juste ou injuste ? Une loi juste est une prescription établie par l’homme en conformité avec la loi morale ou la loi de Dieu. Une loi injuste est une prescription qui ne se trouve pas en harmonie avec la loi morale. Pour le dire dans les termes qu’emploie saint Thomas d’Aquin, une loi injuste est une loi humaine qui ne plonge pas ses racines dans la loi naturelle et éternelle. Toute loi qui élève la personne humaine est juste. Toute loi qui la dégrade est injuste. Toute loi qui impose la ségrégation est injuste car la ségrégation déforme l’âme et endommage la personnalité. Elle donne à celui qui l’impose un fallacieux sentiment de supériorité et à celui qui la subit un fallacieux sentiment d’infériorité.

Pour employer les termes de Martin Buber, le grand philosophe juif, la ségrégation substitue à la relation entre « moi et toi » une relation entre « moi et celui-là » qui finit par reléguer des personnes au rang de choses. Aussi la ségrégation n’est-elle pas seulement malsaine du point de vue politique, économique et sociologique, elle est également mauvaise du point de vue du péché. Paul Tillich a dit que le péché c’est la séparation. La ségrégation n’est-elle pas l’expression existentielle de la tragique séparation de l’homme, une expression de son épouvantable bannissement, de son terrible état de péché ? Aussi puis-je pousser des hommes à respecter l’arrêt de la Cour suprême de 1954, car il est moralement juste, et d’enfreindre les ordonnances sur la ségrégation, car elles sont moralement mauvaises (...)

Nous ne pourrons jamais oublier que tous les agissements de Hitler en Allemagne étaient « légaux » et que tous les actes des combattants de la liberté en Hongrie étaient « illégaux ». Il était « illégal » d’aider et de réconforter un juif dans l’Allemagne de Hitler. Mais je suis sûr que si j’avais vécu en Allemagne à cette époque-là, j’aurais aidé et réconforté mes frères juifs même si c’était illégal. Si je vivais aujourd’hui dans un pays communiste où certains principes chers à la foi chrétienne sont abolis, je crois que je recommanderais ouvertement la désobéissance aux lois antireligieuses.

Je dois vous faire deux aveux sincères, mes frères chrétiens et juifs.

Tout d’abord je dois vous avouer que, ces dernières années, j’ai été gravement déçu par les Blancs modérés. J’en suis presque arrivé à la conclusion regrettable que le grand obstacle opposé aux Noirs en lutte pour leur liberté, ce n’est pas le membre du Conseil des citoyens blancs ni celui du Ku Klux Klan, mais le Blanc modéré qui est plus attaché à l’« ordre » qu’à la justice ; qui préfère une paix négative issue d’une absence de tensions, à la paix positive issue d’une victoire de la justice ; qui répète constamment : « Je suis d’accord avec vous sur les objectifs, mais je ne peux approuver vos méthodes d’action directe » ; qui croit pouvoir fixer, en bon paternaliste, un calendrier pour la libération d’un autre homme ; qui cultive le mythe du « temps-qui-travaille-pour-vous » et conseille constamment au Noir d’attendre « un moment plus opportun ». La compréhension superficielle des gens de bonne volonté est plus frustrante que l’incompréhension totale des gens mal intentionnés. Une acceptation tiède est plus irritante qu’un refus pur et simple (...)

Dans votre déclaration, vous affirmez que nos actions, bien que pacifiques, doivent être condamnées car elles précipitent la violence.

Mais peut-on procéder à une telle assertion en bonne logique ? Cela ne revient-il pas à condamner la victime d’un vol sous prétexte qu’en ayant de l’argent elle a poussé le coupable à commettre un acte de malhonnêteté répréhensible ? Cela ne revient-il pas à condamner Socrate sous prétexte que son inébranlable attachement à la vérité et ses réflexions philosophiques ont poussé une opinion publique dévoyée à lui faire boire la ciguë ? Cela ne revient-il pas à condamner Jésus, sous prétexte que son souci sans pareil de Dieu et sa soumission incessante à la volonté de celui-ci ont précipité le geste pervers de ceux qui l’ont crucifïé ? Comme les juges fédéraux l’ont sans cesse affirmé et comme nous devons l’admettre : il est immoral de demander à un individu qu’il renonce à s’efforcer d’obtenir ses droits constitutionnels fondamentaux sous prétexte que sa quête précipite la violence. La société doit protéger la victime et châtier le voleur.

J’avais également espéré que les Blancs modérés rejetteraient le mythe du « temps-qui-travaille-pour-vous ». J’ai reçu ce matin une lettre d’un de nos frères blancs au Texas. Il me dit : « Tous les chrétiens savent que les personnes de couleur obtiendront un jour l’égalité des droits, mais il est possible que votre hâte religieuse soit trop grande. Il a fallu près de deux mille ans à la chrétienté pour accomplir ce qu’elle a accompli. Il faut du temps pour que l’enseignement du Christ s’impose ici-bas. » Tout ce que dit mon correspondant résulte d’une conception tragiquement erronée de l’action du temps. Prétendre que le temps, à lui seul, guérira inéluctablement tous les maux, voilà une idée étrangement irrationnelle. En réalité, le temps est neutre ; il peut être utilisé pour construire ou pour détruire. J’en suis venu à penser que les hommes de mauvaise volonté l’ont mis à profit bien plus efficacement que les hommes de bonne volonté. Notre génération ne doit pas se reprocher seulement les actes et les paroles au vitriol des méchants, mais aussi l’effrayant silence des justes. Nous devons admettre que le progrès de l’humanité ne roule jamais sur les roues de l’inéluctabilité. Il n’est amené que par les efforts inlassables et persistants des hommes qui ont la volonté de collaborer à l’oeuvre de Dieu. Sans ce dur labeur, le temps lui-même devient l’allié des forces de stagnation sociale. Il nous faut user du temps dans un esprit créateur et bien comprendre que le temps est toujours venu d’agir dans le bon sens. C’est maintenant qu’il faut honorer les promesses de la démocratie et transformer notre sempiternelle élégie nationale en un psaume à la fraternité. Le moment est venu de tirer notre politique nationale des sables mouvants de l’injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la dignité humaine.

Vous qualifiez d’extrémiste l’action que nous avons menée à Birmingham. Au début, j’étais assez déçu de voir certains de mes confrères pasteurs considérer notre effort de non-violence comme une initiative émanant de milieux extrémistes (...)

Les opprimés ne peuvent demeurer dans l’oppression à jamais. Le moment vient toujours où ils proclament leur besoin de liberté. Et c’est ce qui se produit actuellement pour le Noir américain. Quelque chose, au-dedans de lui-même, lui a rappelé son droit naturel à la liberté et quelque chose en dehors de lui-même lui a rappelé que cette liberté, il pouvait la conquérir. Consciemment ou inconsciemment, il a été saisi par ce que les Allemands appellent le Zeitgeist et, avec ses frères noirs d’Afrique, ses frères bruns ou jaunes d’Asie, d’Amérique du Sud et des Antilles, il avance avec un sentiment d’urgence cosmique vers la Terre promise de la justice raciale. En observant cet élan vital qui s’est emparé de la communauté noire, chacun devrait aisément s’expliquer les manifestations qui ont lieu sur la voie publique. Il y a chez le Noir beaucoup de ressentiments accumulés et de frustrations latentes ; il a bien besoin de leur donner libre cours. Qu’il manifeste donc ; qu’il aille en pèlerinage prier devant l’hôtel de ville ; qu’il se mue en « Voyageur de la Liberté » et qu’il comprenne pourquoi il doit le faire. S’il ne défoule pas, par des voies non violentes, ses émotions réprimées, celles-ci s’exprimeront par la violence ; ce n’est pas une menace mais un fait historique. Je n’ai pas demandé à mon peuple : « Oublie tes sujets de mécontentement. » J’ai tenté de lui dire, tout au contraire, que son mécontentement était sain, normal, et qu’il pouvait être canalisé vers l’expression créatrice d’une action directe non violente. Cette attitude est dénoncée aujourd’hui comme extrémiste.

Je dois admettre que j’ai tout d’abord été déçu de la voir ainsi qualifiée. Mais en continuant de réfléchir à la question, j’ai progressivement ressenti une certaine satisfaction d’être considéré comme un extrémiste. Jésus n’était-il pas un extrémiste de l’amour - « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui vous maltraitent » ? Amos n’était-il pas un extrémiste de la justice - « Que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable » ? Paul n’était-il pas un extrémiste de l’Évangile de Jésus Christ - « Je porte en mon corps les marques de Jésus » ? Martin Luther n’était-il pas un extrémiste - « Me voici, je ne peux faire autrement, et que Dieu me vienne en aide » ? John Bunyan n’était-il pas un extrémiste - « Je resterai en prison jusqu’à la fin de mes jours plutôt que d’assassiner ma conscience » ? Abraham Lincoln n’était-il pas un extrémiste - « Notre nation ne peut survivre mi-libre, mi-esclave » ? Thomas Jefferson n’était-il pas un extrémiste - « Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes : tous les hommes ont été créés égaux » ? Aussi la question n’est-elle pas de savoir si nous voulons être des extrémistes, mais de savoir quelle sorte d’extrémistes nous voulons être. Serons-nous des extrémistes pour l’amour ou pour la haine ? Serons-nous des extrémistes pour la préservation de l’injustice ou pour la cause de la justice ? Au cours d’une scène dramatique, sur la colline du Calvaire, trois hommes ont été crucifiés.

Nous ne devons pas oublier que tous trois ont été crucifiés pour le même crime - le crime d’extrémisme. Deux d’entre eux étaient des extrémistes de l’immoralité et s’étaient ainsi rabaissés au-dessous de leur entourage. L’autre, Jésus Christ, était un extrémiste de l’amour, de la vérité et du bien, et s’était ainsi élevé au-dessus de son entourage (...) "

20 mai - CounterPunch - Traduction du texte d’Ibrahim Fawal : JPP


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