Siège de Gaza : témoignage (11) - Des enfants privés d’école à cause du blocus
mercredi 21 mai 2008 - 05h:58
PCHR Gaza
« Ce que vous devez comprendre au sujet d’Atfaluna c’est que pour nos enfants l’école n’est pas simplement leur école : pour beaucoup d’entre eux, c’est toute leur vie. Mais nous ne sommes pas capables d’envisager la réouverture de l’école en ce moment ».
- A caude de la pénurie de carburant, il n’y a plus de moyens de transport pour emmener les enfants à l’école, laquelle reste vide...
Chaque jour les parents téléphonent à l’Institution Atfaluna* pour les enfants sourds de Gaza et demandent à Suad Lubbad quand l’école va ré-ouvrir. Suad est la directrice administrative de l’école qui reçoit 275 enfants âgés de 4 à 17 ans et qui a été obligé de fermer sans avis préalable au milieu du mois d’avril. Suite au déficit chronique de carburants, les autobus qui transportent normalement les enfants à l’école n’ont subitement plus été capables de rouler. 90% des voitures privées dans la Bande de Gaza ne roulent toujours pas et les tarifs des taxis ont doublé ces dernières huit semaines. Il n’y a donc plus d’alternatifs pour les élèves qui sont maintenant bloqués chez eux.
Suad dit que beaucoup des élèves d’Atfaluna dépendent de l’école pour leurs contacts sociaux. « Beaucoup d’entre eux sont très isolés car ils n’ont littéralement personne avec qui communiquer » raconte-t-elle. « Ils sentent qu’ils font partie de l’école car nous les respectons vraiment. Tout le personnel utilise le langage des signes et nous travaillons aussi à les soutenir chez eux en apprenant à leurs parents le langage des signes et en les encourageant à l’utiliser ».
La majorité des élèves sont d’origine très pauvre et Atfaluna leur apporte un repas chaud chaque jour ce qui selon Suad a énormément amélioré leur capacité à se concentrer. L’école offre aussi aux élèves des appareils auditifs avec les piles appropriées. Les appareils auditifs coutent cher, chaque appareil coute au moins 1.300 shekels (près de 400$). Mais Atfaluna n’a plus reçu d’appareils auditifs ni de piles depuis que les autorités israéliennes ont empêché un convoi d’entrer à Gaza il y a six mois de ça pour soi-disant des motifs de « sécurité ».
« Il ya maintenant un déficit aigu d’appareils auditifs et de piles appropriées à Gaza « raconte Suad. « Si un enfant utilise un appareil et que les piles sont finies, sa capacité à entendre commence à se détériorer. Finalement ce sera comme s’il n’avait rien appris. La grande majorité des enfants qui viennent dans notre école ont été diagnostiqué comme étant des sourds profonds et ils dépendent donc d’appareils. Et aujourd’hui ils sont punis à cause du blocus ».
Il y a environ 25.000 sourds et de malentendants dans la Bande de Gaza et beaucoup d’entre eux n’ont pas de service de soutien de spécialistes. L’Institution Atfaluna pour les Enfants Sourds a été crée à Gaza en 1992 par un américain, Gerry Shawa, qui vit à Gaza depuis 1971. La société a débuté dans une maison louée avec une petite équipe de volontaires qui s’occupait de 27 enfants sourds et malentendants. Seize ans plus tard, l’Institution a 168 employés et dirige une école à plein temps ; elle possède une équipe dévouée et spécialisée de travailleurs sociaux qui sont tous experts en langage de signes arabes. En plus de l’école, Atfaluna dirige aussi un programme d’études avancées pour 88 élèves plus âgés qui avaient du mal au sein du courant principal de l’éducation et qui veulent maintenant améliorer leurs compétences en lecture et écriture.
Ce programme a dû aussi être suspendu suite à la crise des combustibles mais le programme a recommencé il y a une semaine malgré le fait que l’école principale reste fermée.
Iman (18 ans) et Fadwa (21 ans) suivent toutes deux le programme d’études supérieures. Utilisant le langage des signes, les jeunes femmes expliquent ce qu’Atfaluna représente pour elles : « Quand nos classes ont été suspendues, je suis restée bloquée à la maison » dit Fadwa. « Mes frères et mes s ?urs allaient à l’école du quartier et je suis restée seule à la maison et je commençais à me sentir déprimée.
- Iman (à gauche) et Fadwa
Quand ils sont revenus, ils avaient pleins de choses à se raconter mais moi je n’avais rien fait de la journée. Parfois je n’ai pas l’impression de faire partie de ma propre communauté. Mais on me respecte beaucoup à l’école et j’y ai beaucoup d’amis. Je suis heureuse d’y retourner ».
« La vie devient de plus en plus difficile à Gaza à cause du siège » raconte Iman. « Ma famille vit péniblement et quand je suis coincée à la maison toute la journée, cela met encore plus de pression sur eux et sur moi. Ils ne veulent pas toujours me parler par signes alors je me sens seule. Je suis très contente d’être revenue à l’école et j’espère que nous ne serons pas obligées de fermer à nouveau nos classes ».
La punition collective d’une population civile est illégale selon la loi internationale des droits humains. La crise des combustibles imposée par Israël, crise qui interrompt l’éducation dans les écoles dans toute la Bande de Gaza et touche très durement les besoins spéciaux des élèves particuliers, est une punition collective.
Les écoles luttent pour faire face aux ressources insuffisantes, aux coupures d’électricité, au moral qui est bas et au système des transports publics qui ne peuvent plus répondre aux demandes de la population. Suad Lubbad et ses collègues ne savent pas quand elles pourront ré-ouvrir leur école. Entre temps, 275 élèves ont leur droit à l’éducation nié et restent coincées chez elles à attendre.
« Nos élèves plaisantent souvent en disant qu’Atfaluna est leur école, pas la nôtre » raconte Suad. « Elles ont chacune un grand potentiel et nous voulons tout simplement qu’elles puissent revenir dès que possible ».
* Institution Atfaluna :
http://www.atfaluna.net/en/abouta/i...
Lisez les autres témoignages :
19 mai 2008 - Palestinian Centre for Human Rights [PCHR] - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/files/campa...
Traduction de l’anglais : Ana Cléja