16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Et que fait-on maintenant, Abbas ?

lundi 5 mai 2008 - 06h:43

Khaled Amayreh

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Après sa douche froide à Washington, le président Abbas ne peut refuser plus longtemps l’impératif de rétablir l’unité nationale palestinienne, écrit Khaled Amayreh depuis Ramallah

JPEG - 17.5 ko
Suite au blocus israélien et international, les pénuries se multiplient dans la bande de Gaza. Ici un jeune garçon attend de pouvoir récupérer une bonbonne de gaz destinée à la cuisson des aliments - Photo : AP/Hatem Moussa

L’échec évident de la dernière visite du président de l’Autorité Palestinienne [AP] Mahmoud Abbas à Washington a eu un impact dans la société palestinienne, beaucoup d’intellectuels et de pontifes conseillant à Abbas de « quitter » ou au moins d’arrêter d’obéir au doigt et à l’ ?il du gouvernement des États-Unis. Quelques critiques ont même réclamé le démantelement de l’AP et l’abandon de la stratégie basée sur une solution à deux-états au profit d’une solution à seul état, démocratique pour tous les citoyens.

Abbas, avec une franchise remarquable, a expliqué aux journalistes qui couvraient sa rencontre avec le président Bush à la Maison Blanche la semaine dernière qu’il n’avait pas obtenu un engagement du gouvernement des États-Unis à faire pression sur Israël pour que celui-ci stoppe sa vague de constructions de colonies juives dans Jérusalem-est et en Cisjordanie. Cette expansion coloniale intensive remet gravement en cause les efforts pour la paix sponsorisés par les Etats-Unis ainsi que la feuille de route reprise par le Quartet et la conférence d’Annapolis l’an passé.

Pour leur part, les Israéliens nient renoncer à leurs engagements ou promesses. Les dirigeants israéliens arguent du fait qu’ils répondent uniquement aux besoins de logement liés « à la croissance naturelle » dans des colonies existantes. Ils citent également un « accord » privé contenu dans une lettre envoyée par le président Bush à l’ancien premier ministre Ariel Sharon dans lequelle Israël a obtenu le feu vert pour continuer à étendre ses colonies indépendamment des pourparlers de paix avec les Palestiniens.

L’administration Bush a été hésitante à reconnaître cet « accord ». Cependant, son refus persistant de réprimander l’Israël pour sa colonisation sans interruption de la terre palestinienne souligne l’ampleur de la connivence entre les Etats-Unis et Israël contre les intérêts palestiniens et met au grand jour la duplicité des calculs politiques américains en ce qui concerne la question israélo-palestinienne.

Les sources palestiniennes qui ont suivi de près les entretiens entre l’AP et les israéliens ont rapporté la semaine dernière que les négociateurs israéliens ont rebuffé à beaucoup d’occasions leurs contre-parties palestiniennes avec une série « d’engagements » écrits et de « lettres » venant de l’administration Bush et assurant Israël que les principales colonies juives, au minimum, seraient annexées à Israël dans le cadre d’un accord avec les Palestiniens pour un statut final. Par conséquent, selon les négociateurs israéliens, rien ne justifiait les « bruyantes » protestations palestiniennes chaque fois qu’Israël décidait d’établir des unités d’habitations coloniales supplémentaires en Cisjordanie.

Abbas aurait été également particulièrement déstabilisé par le refus du président Bush de mettre en gage que n’importe quel « Etat » palestinien considéré serait créé sur 100% des territoires palestiniens occupés par Israël en 1967. Les implications du refus de Bush sont aussi claires qu’elles sont douloureuses pour la direction palestinienne, à savoir que les Palestiniens devraient cesser de rêver d’un plein et total retrait israélien de Cisjordanie et Jérusalem-est.

Selon des sources en provenance du cercle rapproché d’Abbas, le chef de l’AP en est arrivé à se sentir « trahi » et « trompé » par l’administration Bush. « Nous avions pensé qu’il y avait seulement une règle en jeu, et que c’était la feuille de route, » a révélé à Al-Ahram, sous couvert de l’anonymat un officiel de l’AP. « Mais il s’est avéré que l’administration de Bush avait donné à Israël toutes sortes d’assurances et d’engagements derrière notre dos, en violant et annulant l’essence même de la feuille de route. »

Interrogé pour savoir ce que pouvait maintenant faire l’AP, l’officiel frustré à déclaré : « Je vous mentirais si je vous disais que je connais la réponse. »
Al Ahram Weekly a demandé à Hatem Abdul-Qader, un des hauts responsables du Fatah, quel était son point de vue sur ce que devait faire l’AP à la lumière des refus américains de faire pression sur Israël pour que cesse l’expansion des colonies en Cisjordanie. « Je pense qu’il est temps pour nous tous, y compris le président Abbas, de comprendre qu’il est probablement trop tard pour la création d’un état palestinien, » dit-il. « Tous les entretiens avec Israël semblent avoir été un colossal fiasco — un échec total et un énorme mensonge. »

Comme beaucoup de monde dans l’AP et dans le Fatah, Abdul Qader croit qu’Abbas fait face à un vrai dilemme en étant obligé de choisir entre plaire aux Etats-Unis en compromettant la cause palestinienne, ou reconstruire l’unité nationale palestinienne avec le Hamas, ce qui déplairait à Israël et aux Etats-Unis et pourrait conduire à la réactivation de sanctions américaines à l’encontre de l’AP. « Il est clair que les entretiens avec Israël sont dans un cul-de-sac. Il est également clair qu’Israël exploite la division nationale entre le Fatah et le Hamas pour nous imposer ses conditions, » ajoute Abdul-Qader.
« Tous les promesses et engagements que l’administration de Bush nous a prodigués se sont évaporés, » poursuit Abdul-Qader. « Les Etats-Unis ont seulement ouvert un processus sans fin de déception uniquement pour donner à Israël le temps qu’il lui faut pour établir plus de colonies et rendre l’objectif de créer un état palestinien viable peu réaliste, voir irréalisable. »

Questionné sur ce qu’il conseillerait Abbas de faire vu le peu de chances de réaliser une avancée avant la fin de 2008, Abdul-Qader a répondu qu’il conseillerait au président de l’AP « de prêter attention à notre situation interne et de cesser de compter sur des entretiens stériles avec Israël. Abbas devrait être assez courageux pour faire savoir aux Américains qu’il ne sacrifiera pas les intérêts nationaux palestiniens tout à fait primordiaux au profit des intérêts américains et israéliens. »

Abdul-Qader ajoute que pour qu’Abbas puisse dire « non » aux Etats-Unis et à Israël, le Hamas « devra faire le premier pas en acceptant l’initiative yéménite ». Le Fatah pourrait faciliter cette avancée en s’abstenant de « poser d’impossibles conditions préalables à la réconciliation nationale ».

Plus tôt cette semaine, les officiels du Hamas dans la bande de Gaza ont invité Abbas « à tirer les bonnes conclusions » de « la rebuffade » qu’il a subie à Washington. « Nous faisons appel au président Mahmoud Abbas pour qu’il cesse de chercher l’eau dans le mirage américain. Nous l’invitons à s’engager immédiatement dans des démarches concrètes pour rétablir l’unité nationale. C’est seulement par l’unité nationale que nous pouvons restaurer nos droits et sauvegarder les intérêts essentiels de notre peuple. »

Abbas n’a pas dit ce qu’il ferait ensuite à part poursuivre des entretiens avec Israël. Hani Al-Masri, un analyste politique connu dans Ramallah, a expliqué à Al Ahram quel le dilemme d’Abbas « réside principalement dans le fait qu’il manque d’un plan-b. » Abbas « a trop fait confiance aux Américains, et trop longtemps. Il devrait avoir étudié des solutions de rechange à ce processus complètement futile. »

« Il devrait tendre la main au Hamas et rétablir l’unité nationale palestinienne, indépendamment des réactions américaines et israéliennes. Il devrait arrêter ce processus sans objet grâce auquel Israël liquide la cause palestinienne, » ajoute Al-Masri.

Al-Masri reconnaît que si Abbas se coupait du soi-disant « processus de paix », les Etats-Unis et Israël utiliseraient toutes sortes de sanctions, y compris affamer la population palestinienne, pour le remettre à la botte. « Mais à la longue, [les Etats-Unis] accepteraient le fait accompli. Après tout, si nous nous restons unis, le monde entier nous respectera, y compris les américains. La balle est dans notre camp, et dans celle de personne d’autre. »

Du même auteur :

- "Abbas : Ultime effort"
- "Encore des entretiens inutiles"
- "L’attentat amène un répit"
- "C’est le moment de dissoudre l’Autorité palestinienne"

2 mai 2008 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/895...
Traduction : Claude Zurbach


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.