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Gaza n’a plus d’essence

jeudi 1er mai 2008 - 07h:08

Juan Miguel Muñoz

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Le gouvernement israélien est en train d’écraser Gaza. Le blocus économique cause des ravages dans la population, qui résiste, stoïque, coup après coup.

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Partisans du mouvement Hamas convergeant vers le lieu d’une manifestation - Photo : Reuters

Sans travail, les pénuries d’aliments de plus en plus chers, enfermés dans la bande de Gaza, avec des coupures de courant pendant de trop nombreuses heures chaque jour, et des coupures d’eau pendant 3 heures par jour dans beaucoup de villes et de villages, le million et demi de résidents de Gaza est confronté désormais à un autre défi : les impressionnantes files de voitures qui remplissaient il y a un mois les stations essence ont disparues.

Il n’y a plus ni essence, ni gasoil, ni gaz. Il faut faire preuve d’ingéniosité pour pallier à la pénurie dans un territoire où le prix des ânes a augmenté de 50%, jusqu’à 150 euros. C’est ce que font le chauffeur de taxi Ahmed Zabed et quelques dizaines de ses collègues. « Je mélange 16 litres d’huile de tournesol avec 2 litres de dissolvant. La voiture ne marche pas bien jusqu’à ce qu’elle soit chaude, et je sais que le moteur s’abîmera vite », commente t-il dans la ville de Gaza avant de partir pour le Sud. Il faut manger.

Il est facile de reconnaître ceux qui roulent avec ce combustible, autant familial que polluant. Leurs véhicules libèrent une odeur de fumée noire qui ajoute à celle des poubelles brûlées. Les quelques privilégiés qui ont pu faire une réserve d’essence sont devenus transporteurs.

Les rues et avenues de Gaza sont pleines de gens qui lèvent le pouce. Ce n’est pas non plus facile de se déplacer comme ça, parce que les véhicules sont souvent remplis. Des autobus arrêtés qui ont épuisé leur réservoir, des voitures abandonnées au milieu de la route, des gens attendant au bord de la route que quelqu’un passe avec une place vide, ce sont les images du quotidien. Le premier ministre Ehud Olmert l’a dit il y a quelques mois : « Pour moi , ils n’ont qu’à marcher ». L’approvisionnement en Gasoil a chuté de 57% l’année dernière, et l’essence de 80%.

Personne n’est épargné par la pénurie. Munir Abu Hazira, propriétaire d’un restaurant de poissons, souhaiterait bien offrir son menu habituel. « Je n’ai pas de calamar » se plaint-il. « Nous pêchons seulement avec les filets le long de la côte et pour le calamar il faut aller au large. Le pire c’est que la saison des sardines vient de commencer et que pour beaucoup elle constitue une bonne partie des revenus du moment. J’ai tout perdu. »

Le rationnement est suivi à la lettre dans les rares stations ouvertes. On sert les ambulances et les organismes officiels. Liste en main, l’employé d’une station-service, prend tout son temps pour vérifier le nom du candidat au ravitaillement de carburant. Maximum : 20 litres.

Reste l’option du marché noir. Mais les tunnels frontaliers avec l’Egypte, paradis de la contrebande, ne donnent pas pour rien. Et pour que les malins fassent leur beurre, le litre d’essence se vend jusqu’à 25 shekels (environ 4,50 euros).

L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés Palestiniens (UNRWA), qui a cessé jeudi la distribution alimentaire et la collecte des ordures pour la première fois depuis des années, s’est ravitaillée hier en essence.

Seulement pour 5 jours. Ses responsables travaillent au jour le jour sans savoir ce qui se passera ensuite. John Ging, le britannique qui dirige UNRWA met l’accent dans son bureau sur un point crucial : ni Israël, ni le Hamas ne se conforment au droit international.
« Il y a de quoi faire » assure t-il, en ce qui concerne la légalité. Qu’un camp fasse quelque chose d’illégal ne dispense pas l’autre de sa responsabilité. L’occupation est illégale, mais ceci ne justifie pas le lancement de roquettes contre Israël ; les roquettes sont illégales, mais cela ne justifie pas le siège. Dans la guerre il y a des lois. Ils ne peuvent pas oublier les droits fondamentaux. Les problèmes politiques persisteront, mais on ne peut pas échapper à la légalité jusqu’à ce qu’ils se résolvent. »

Rafik Maliha, directeur de l’unique centrale électrique de Gaza, est également confronté, angoissé, à des pièges sans fin. L’usine permet d’alimenter en énergie 500 000 personnes. « En octobre, Israël a diminué les livraisons en pétrole industriel. Il y a un mois ils l’ont diminué encore de moitié. Dimanche nous étions presque fermés. Les réservoirs de 20 millions de litres destinés à faire face aux situations d’urgence, qui devraient toujours être pleins, sont vides.

Maliha montre une profonde déception : « L’Union européenne paie la facture, mais Israël décide quand arrêter la distribution. C’est une arme politique. En réalité, c’est Israël qui dirige la centrale, pas moi. Les promesses de l’Union européenne et des Etats-Unis sont fausses. L’aspect humanitaire ne les intéresse pas. »

Bien que dans certains foyers on se mette à faire la cuisine au feu de bois, malgré le fait que des milliers d’étudiants ne vont pas à l’université ; que personne ne célèbre les mariages ou le font sans invités aux festivités, bien qu’Internet est utilisé plus que jamais parce que les relations sociales ont été suspendues, il y a toujours ceux qui s’efforcent de voir le côté positif. « Il n’y a pas de circulation. C’est une excellente journée pour me promener avec mon bébé dans sa poussette », sourit Amal, mère de quatre enfants.

Du même auteur :

- Les Nations Unies ont suspendu la distribution de nourriture dans Gaza
- Israël se retranche dans ses colonies
- De la poésie avec des chars sous les fenêtres
- Célébrations en Palestine occupée de l’attentat de Jérusalem

29 avril 2008 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction de l’espagnol : Charlotte


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