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Il y a 26 ans, le Sinaï était libéré

mardi 29 avril 2008 - 05h:58

Hasan Afif El-Hasan - Palestine Chronicle

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Le 25 avril fut le 26ème anniversaire de la libération du Sinaï de l’occupation israélienne, et ce jour mérite d’être célébré.

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La guerre de 1973 a sans doute marqué la fin d’un complexe d’infériorité
et du mythe de l’invincibilité israélienne.




Le Sinaï est la seule terre arabe qui a été libérée depuis la guerre israélo-arabe de 1967. Bien que le Sinaï ne soit pas un territoire palestinien et que le président Anouar el-Sadate se soit désolidarisé des Etats arabes et ait fait des concessions majeures, il reste ferme dans ses négociations avec Israël pour libérer son territoire. Il exige que chaque pouce du Sinaï soit revenu sous souveraineté égyptienne avant de signer le traité de paix, en 1979. Est-ce que les dirigeants palestiniens et arabes peuvent apprendre cette leçon de Sadate ?

Sadate succède au président Jamal Abdel-Nasser en 1970 et promet à ses compatriotes qu’il récupèrera le Sinaï, mais il sait aussi qu’il ne pourra tenir sa promesse sans l’aide des Etats-Unis. Dans les deux premières années de son règne, Sadate essaie de résoudre le conflit israélo-arabe de façon pacifique, mais il essuie un refus d’Israël et des USA. Israël est convaincu que l’Egypte et la Syrie ne pourront pas récupérer militairement leurs territoires occupés et que le statu quo est agréé par les USA, étant donné que la mort de Nasser et la défaite de l’OLP (organisation pour la libération de la Palestine) par le roi Hussein de Jordanie ont réduit l’influence de l’Union soviétique dans la région.

Sadate accepte sans réserve la proposition Yaring de 1971 pour engager des négociations de paix avec Israël et il propose d’ouvrir le canal de Suez à la navigation internationale y compris pour Israël, en échange d’un retrait israélien partiel de l’extrémité nord du Canal. Il n’est pas pris au sérieux par les Américains, même quand il renvoie les conseillers militaires soviétiques comme demandé par les USA. Le dirigeant égyptien comprend que ses gestes de paix sont ignorés par les décideurs politiques américains pour des raisons que le secrétaire d’Etat, Henry Kissinger, qualifiera plus tard de « peu clairvoyantes ». Après l’échec de ses tentatives de résolution du conflit par la diplomatie, Sadate décide de se préparer à la guerre, sans déclarations ni fanfare dans les médias. Il fait alliance avec la Syrie et l’Arabie saoudite et il équipe son armée avec un armement soviétique.

Les forces armées égyptiennes surprennent les Israéliens le 6 octobre 1973 en attaquant les défenses de la ligne Berleev, elles traversent le Canal et prennent pied sur le Sinaï. Simultanément, l’armée syrienne attaque Israël sur sa frontière nord l’obligeant à combattre sur deux fronts. Pour la première fois, l’armée égyptienne remporte une victoire sur les Israéliens. Elle détruit la majeure partie de la machine de guerre israélienne dès les deux premiers jours et oblige les USA à intervenir en acheminant du matériel militaire vers les Israéliens. Quand les militaires israéliens se retrouvent en difficulté et commencent à manquer de matériel militaire, le président Nixon fait organiser un immense pont aérien pour leur livrer des équipements militaires, grâce à une subvention d’aide militaire supplémentaire.

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Begin, Carter et Sadate, Camp David, 1978.

La guerre de 1973 a sans doute marqué la fin d’un complexe d’infériorité et du mythe de l’invincibilité israélienne. Cependant, elle reste axée sur la récupération du territoire égyptien, pas sur les questions qui préoccupent les Palestiniens des territoires occupés et, par conséquent, elle diffère des guerres précédentes quant à ses objectifs, sa préparation, son exécution et son résultat. Elle est la plus sanglante de toutes les guerres israélo-arabes et la seule à affaiblir l’hégémonie de l’élite israélienne, et elle aurait pu se terminer par une défaite encore plus cuisante pour Israël si les Etats-Unis n’avaient pas pris parti pour Israël. Les pertes israéliennes se révèlent si élevées que les avions US Galaxie doivent se hâter de remplacer le matériel de guerre directement sur les zones de combat. Le nombre des victimes et le niveau des dépenses de défense d’avant la guerre sont les meilleurs indicateurs de l’intensité de la guerre. Selon l’historien Yair Evron, « le nombre de soldats israéliens tués est de 2 527 durant la guerre de 1973, à comparer aux 777 de la guerre de 1967, aux 190 de celle de 1956 et aux 222 de la guerre d’Indépendance ». Le nombre d’Israéliens blessés est de 840 et le coût de la guerre correspond à peu près au produit national brut annuel de chacun des belligérants. Israël, depuis la guerre de 1973, est encore plus tributaire de l’armée et de l’aide économique américaines. Les dépenses de défense de l’Egypte sont « de 19,9% de son PNB en 1972 et de 31,0% en 1973, à comparer aux 11,7% de 1966 et aux 11,5% de 1967. »

7 mois avant la guerre de 1973, Sadate s’est nommé lui-même Premier ministre. Il est donc président, Premier ministre, président du comité central du parti régnant, l’Union socialiste arabe et chef de l’armée, avec l’objectif non déclaré de préparer la guerre. Sadate s’engage à vaincre car avec un tel pouvoir, c’est sa guerre et s’il échoue, il n’aura personne d’autre à blâmer que lui-même. En bref, à la différence des guerres précédentes, Sadate fait la guerre pour récupérer sérieusement le Sinaï. Il a le soutien du peuple égyptien et des partis politiques et il s’est coordonné avec les Syriens et les Saoudiens.

L’arrogance d’Israël et son mépris implicite pour les Arabes motivent Sadate, en Egypte, et Asad, en Syrie, pour entrer en guerre en 1973 et réfuter l’hypothèse des Israéliens selon laquelle ils peuvent maintenir le statu quo indéfiniment. Contrairement aux guerres précédentes avec Israël, la guerre de 1973 reste limitée dans sa portée, ses objectifs et son résultat. Elle vise à récupérer la péninsule égyptienne du Sinaï et le plateau syrien du Golan, pas les territoires palestiniens occupés.

Sans le soutien militaire américain à Israël, les Egyptiens auraient pu reprendre beaucoup plus du Sinaï par les moyens militaires. Mais la guerre de 1973 révèle la force de l’engagement américain quand il s’agit de défendre Israël contre les Arabes, même si Israël occupe leurs terres. Sadate : « Je me suis trouvé en guerre contre les Etats-Unis ! ». Le sens de la guerre de 1973 apparaît dans la conclusion d’Anouar el-Sadate : il n’y a aucun espoir pour résoudre le conflit avec Israël par les moyens militaires du fait du soutien puissant de l’Amérique à Israël. Le dirigeant égyptien décide de se lancer personnellement dans une mission diplomatique, il part pour Israël et prend la parole à la Knesset en novembre 1977. Finalement, Israël restitue tout le Sinaï en échange de la reconnaissance égyptienne de son existence et de la démilitarisation du Sinaï. Et quelques années plus tard, sous Mubarak, l’Egypte retrouve son leadership dans la région.

Même quand Sadate divise manifestement les rangs arabes et quand sa presse se moque et insulte ses critiques arabes et palestiniens, il prétend se battre pour la cause palestinienne. Dans son discours de mars 1975 à l’Assemblée générale de l’ONU, Sadate déclare que « Jérusalem, Naplouse et Gaza (villes palestiniennes) ne lui sont pas moins chères que l’Egypte et Kantara ». La diplomatie personnelle de Sadate atteint ses objectifs, récupérer le Sinaï et s’assurer d’une aide généreuse des Etats-Unis, mais elle rend plus difficile le retour des territoires aux Palestiniens et aux Syriens. Le traité de paix israélo-égyptien libère le gouvernement israélien et lui permet de renforcer son emprise sur les territoires qui restent occupés. Samuel Lewis, qui connaît bien la politique israélienne, écrit que le traité a même affaibli la position des partisans de la paix en Israël, lesquels font valoir que des concessions territoriales significatives aux Palestiniens sont indispensables pour obtenir la paix avec les Arabes.

La direction palestinienne aurait pu réussir, à l’instar de Sadate, et récupérer la Cisjordanie, Jérusalem et Gaza après la Première Intifada, quand les Palestiniens avaient la sympathie du monde entier. La Première Intifada de 1987 contre l’occupation israélienne est largement non militarisée en dépit de la dure réaction des Israéliens. Les Palestiniens ne recourent pas à la violence à l’intérieur d’Israël et n’utilisent même pas d’armes à feu dans leur soulèvement, gagnant ainsi la sympathie de l’opinion publique mondiale. Les Israéliens, par contre, ne peuvent justifier les meurtres et les blessures des civils non armés, la plupart étant des enfants qui lançaient des pierres pour protester contre l’occupation. Le succès de la Première Intifada dans l’opinion publique mondiale est un triomphe pour les Palestiniens et une défaite pour les Israéliens. Sadate négocie avec les Israéliens dans le cadre d’une victoire après la guerre de 1973. Il insiste sur le fait que chaque pouce du Sinaï doit revenir sous souveraineté égyptienne, mais les dirigeants de l’OLP négocient comme un parti vaincu, ils abandonnent territoire et souveraineté quand ils signent les Accords d’Oslo, au nom des Palestiniens.

Telle est l’histoire. Aujourd’hui, les Palestiniens tiennent avec Israël ce que l’on appelle « des discussions pour la paix », discussions qui ne mènent nulle part, et les Etats-Unis sont le seul pays qui pourrait faire pression sur Israël pour que cet Etat commence à ?uvrer dans l’intérêt de la paix. Mais l’administration Bush n’a pas encore fait preuve de la moindre volonté de faire bouger Israël. Les Palestiniens et les Arabes, aujourd’hui, restent désavantagés quant à leur l’influence sur les décideurs en Occident, surtout aux Etats-Unis. Ils se servent de leur charme pour influencer les politiques d’Israël et des USA. Bush n’a aucune intention de faire pression sur Israël pour l’obliger à faire ce qu’il ne veut pas. Bush a préféré s’engager, par écrit, soutenant Israël dans son refus de reconnaître le droit au retour des réfugiés palestiniens, son refus de se retirer sur les frontières d’avant juin 1967 et son insistance à annexer les colonies juives à Israël.

Les néoconservateurs qui élaborent la politique au Conseil national de la sécurité aux Etats-Unis sont partisans du Grand Israël. Le Quartet pour le prétendu processus de paix, comprenant les Nations unies, l’Union européenne et la Russie, outre les USA, ne s’est pas engagé pour la paix ni même pour les droits de l’homme des Palestiniens, il ne fera rien sans ou contre l’administration Bush.

L’Arabie saoudite à l’époque du défunt roi Faisal s’est servie de l’embargo sur le pétrole comme d’une arme pour soutenir l’Egypte et la Syrie dans la guerre de 1973, et l’Occident l’a noté. Le pétrole du Moyen-Orient, aujourd’hui, est plus demandé qu’en 1973 et l’utiliser comme une arme serait encore plus efficace. Les Arabes pourraient menacer de réduire ou arrêter la production de pétrole et l’Egypte de réduire son approvisionnement en gaz à Israël si Israël continue d’étendre ses colonies et d’entraver tout progrès vers la paix. Mais avant de se confronter aux Etats-Unis et à Israël, les Palestiniens doivent resserrer les rangs et régler leurs différends. Les USA et Israël ne prendront jamais les négociateurs palestiniens au sérieux s’ils ne sont pas soutenus par tout le peuple palestinien et tous leurs partis politiques.


Né à Naplouse, Palestine, Hasan Afif El-Hasan, docteur en philosophie, est analyste politique.

28 avril 2008 - Palestine Chronicle - Traduction : JPP


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