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Sauvegarder les Etats-Unis de l’emprise d’Israël

vendredi 25 avril 2008 - 12h:35

Hassan Nafaa

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Le rôle hégémonique d’Israël dans la formulation de la politique étrangère étasunienne est la plus grande menace pour la paix mondiale

Pendant longtemps, les Etats-Unis ont été un phare, un espoir pour beaucoup. Ceux qu’ils éblouissaient et qui les admiraient trouvaient facilement des raisons pour défendre ce pays qui en deux siècles seulement suivant son indépendance avait accompli plus que n’importe quelle autre nation dans l’histoire.

Cette nouvelle nation brillante et moderne était devenue la plus puissante, la plus riche et la plus influente sur terre. Son système politique, économique et social était un modèle de dynamisme, d’efficacité et de réussite. La manière de vivre étasunienne étonnait, inspirait et attirait des gens du monde entier.
Chose plus importante, la puissance matérielle impressionnante de ce pays restait subordonnée à sa puissance morale. C’était le pays le plus démocratique du monde, le plus respectueux du droit, le plus vigilant pour la défense des libertés humaines et du droit des peuples à l’autodétermination.

Cette image ne fascinait toutefois pas tout le monde. Pour certains, l’image des USA était sinistre et n’avait rien d’admirable. Pour eux, l’histoire des États-Unis était une suite ininterrompue d’expansionnisme colonialiste, de violence et de racisme. Le train de la violence avait été mis en marche avant même la création de l’État avec le génocide systématique de la population autochtone ; il a poursuivi sa course par le lancement de deux bombes atomiques sur des villes japonaises sans aucune justification militaire que ce soit.
Le racisme étasunien a commencé par l’importation de millions d’Africains vendus en esclavage et ne s’est absolument pas arrêté lors de l’assassinat d’Abraham Lincoln et de Martin Luther King.

Les États-Unis ont commencé leur expansionnisme impérialiste en repoussant leurs frontières Ouest jusqu’au Pacifique ; ils ont continué en étendant leur sphère d’influence et de contrôle d’abord sur l’hémisphère occidental (conformément à la doctrine Monroe de 1823) pour finalement essayer d’assurer leur hégémonie actuelle sur l’ordre international.

Les deux images s’opposent, mais elles ne démentissent pas le fait qu’après la seconde guerre mondiale, les États-Unis étaient de loin moins coupables que l’Europe colonialiste et l’Union soviétique stalinienne. Assurément, la présence de rivaux sur la scène internationale a freiné la soif de pouvoir et de contrôle de Washington, peu importe qu’il ait compté hériter les zones d’influence de ses rivaux ou se soit efforcé de les contenir.

Il préparait la voie vers le pouvoir de forces politiques plus libérales qu’elles fussent républicaines ou démocrates. Pourtant, une fois l’Europe poussée de côté, après la crise de 1956, et les Soviets bloqués au Moyen- Orient, après la guerre de 1973, la droite étasunienne a gagné du terrain et s’est finalement installée à la Maison Blanche en 1980.

Ensuite, après l’élimination définitive du rival soviétique, une extrême droite encore plus raciste et fanatique est devenue si puissante qu’elle a réussi à prendre le contrôle de la Maison Blanche et à installer dans le Bureau Ovale, un alcoolique repenti appelé George W. Bush.

C’est à ce moment que la poussée étasunienne vers l’hégémonie globale est passée à la vitesse supérieure.

Personne ne peut maintenant se leurrer sur l’influence internationale des USA. Le loup a laissé tomber ce qui lui restait de sa laine de mouton et il s’est déchainé ; les ravages perpétrés en Irak et en Palestine notamment témoignent d’une férocité à côté de laquelle palissent même les périodes les plus brutales du colonialisme.

Une puissance qui dévaste un pays avec une civilisation aussi ancienne que l’Irak, qui cause la mort de plus de un million de ses habitants et déplace le quart de sa population ; qui autorise un blocus visant à soumettre une population sans défense par la famine ; qui commet des violations horriblement brutales des droits humains à Guantanamo, Abu Ghraib et dans les prisons secrètes de la CIA dans le monde, ne peut pas être appelée démocratique ou civilisée, tant s’en faut.

Il est difficile d’imaginer comment une société aussi vibrante que celle des États-Unis ait pu produire une administration aussi imprudente, brutale et méprisante. En supposant que le peuple n’ait pas eu les idées très claires en 2000, comment a-t-il pu commettre la même erreur et voter pour Bush une seconde fois en 2004, malgré toutes les preuves de son incompétence et de ses tromperies criminelles ?

La seule explication possible est qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la société étasunienne, que le phénomène Bush n’est pas une anomalie passagère, qu’il reflète par contre un courant d’opinion profond et puissant et qu’il correspond aux intérêts de cette société.

Il est vrai que la société étasunienne a fini par se réveiller, encore que bien tard, et qu’elle a sanctionné Bush lors des élections législatives de novembre 2006 en le privant de sa majorité au Congrès. Cela ne veut toutefois absolument pas dire qu’il y ait eu une révolution pour redresser la situation ou que Barack Obama ait déjà un pied dans le Bureau Ovale.

La société étasunienne est toujours profondément divisée et tout est possible, y compris la victoire du candidat républicain, John McCain, qui est le prolongement rationnel de tout ce que Bush défend, et par conséquent, plus dangereux encore.

En outre, malgré son revers au Congrès, Bush continue à se montrer tellement arrogant de suffisance vis-à-vis de sa base de soutien qu’il est impossible d’exclure que son administration se lance dans une autre folie dangereuse, comme une attaque contre l’Iran.

Dans un article publié sur internet le 12 avril, l’ancien candidat à la Présidence Pat Buchanan a énuméré les raisons pour lesquelles « les néoconservateurs pourraient avoir gain de cause dans leur guerre contre l’Iran » avant que Bush ne quitte la Maison Blanche.

Il signale, qu’au début de 2007, Nancy Pelosi a retiré une résolution qui aurait privé Bush du pouvoir d’attaquer l’Iran sans l’approbation du congrès.

En septembre, les deux chambres ont adopté la résolution Kyl-Lieberman classant parmi les organisations terroristes, la Garde révolutionnaire iranienne. « C’était un cadeau du Congrès », écrit-il. « Bush a donc un chèque en blanc pour lancer une guerre contre l’Iran. Des signes de plus en plus nombreux montrent qu’il a l’intention de remplir le chèque et de l’encaisser ».

Parmi ces signes figurent les grandes man ?uvres militaires qui ont été organisées dans la région après la tournée de Cheney. Mis à part les ennuis que l’Iran cause ostensiblement aux USA en Iraq, Buchanan signale que Bush a un autre motif pour lancer la guerre : celle-ci creuserait un fossé entre les candidats démocrates, entre Hillary Clinton - qui a voté pour la résolution Kyl-Lieberman- et Obama. L’empoignade entre les démocrates ouvrirait à McCain la voie de la Maison Blanche.

Que ce scénario se concrétise ne me surprendrait pas car il semble refléter une facette profonde et troublante de la société étasunienne. Toutefois, pourquoi cette faim vorace du pouvoir a-t-elle choisi pour cible de son agression la plus brutale le Moyen-Orient ainsi que les peuples arabes et musulmans ?

Le facteur israélien et sioniste fournit certainement une des clés les plus évidentes et il serait naïf de l’écarter. Je ne suis pas enclin à attribuer l’orientation de la politique moyen-orientale des USA au seul lobby sioniste, mais celui-ci exerce une influence indéniable.

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Lobby

Phénomène relativement nouveau aux USA, un secteur de l’opinion étasunienne se rend lentement mais sûrement compte du pouvoir de ce lobby et de la mesure dans laquelle il compromet les intérêts stratégiques étasuniens.
Ce n’est pourtant pas la première fois que des voix se sont élevées aux États-Unis contre la manière dont le lobby sioniste influence les centres de décision étasuniens et harcèle ses adversaires.

Nous avons tous en mémoire le livre de Paul Findley They Dared to Speak Out (1982) qui démasquait les tactiques utilisées par le lobby sioniste pour, notamment, lui faire perdre son siège au Congrès lors des élections de 1982.
Toutefois, il ne s’est jamais trouvé jusqu’ici autant de noms prestigieux dans les milieux politiques et universitaires étasuniens pour commencer à critiquer ouvertement et durement Israël et ceux qui le défendent aux USA. Le moindre d’entre eux n’est pas l’ancien Président Jimmy Carter qui a publié, il y a deux ans : Palestine : Peace not Apartheid, ainsi que Stephen Walt et John Mearsheimer qui ont publié ensemble : The Israeli Lobby and US Foreign Policy, étude longue et sérieusement documentée sur la mesure dans laquelle ce lobby a façonné la politique étasunienne au Moyen-Orient afin de promouvoir les intérêts israéliens avant ceux des USA.

Le titre du livre de Carter se passe d’explications. Carter critique la politique israélienne d’expansion des colonies et la construction du mur d’apartheid qui rappelle les politiques racistes de l’ancienne Afrique du Sud.
L’ancien président semble avoir résisté à la tempête déclenchée par son livre et à la campagne de dénigrement qui l’accuse - comme c’était à prévoir - d’antisémitisme.
Il se prépare à présent à visiter Damas pour rencontrer le leader du Hamas, Khaled Meshaal, autre initiative importante, selon moi, pour briser les tabous sionistes.

Le livre The Israeli Lobby and US Foreign Policy a été initialement publié dans la London Review of Books, après avoir été refusé par Harvard University Press. Malgré les attaques féroces du lobby sioniste, l’ouvrage est devenu un bestseller de 500 pages.

L’ouvrage est valable non seulement par ce qu’il approfondit la question de façon professionnelle, mais aussi en raison de la place éminente qu’occupent ses auteurs dans le milieu universitaire ; le premier est le doyen de la Kennedy School of Government à Harvard et professeur de relations internationales, et le second est professeur de science politique à l’Université de Chicago.
Le livre confirme largement comment l’influence du lobby sioniste s’est étendue jusqu’à la Maison Blanche, au Congrès, aux centres de recherche, aux médias, aux universités et à d’autres forums importants qui influent sur les décideurs et sur l’opinion publique étasunienne.

Parmi leurs conclusions les plus importantes, Walt et Mearsheimer disent que le lobby sioniste a contribué dans une grande mesure à attirer les USA dans la guerre contre l’Irak et qu’il fait maintenant campagne pour précipiter le pays dans une autre guerre, cette fois-ci contre l’Iran.

Ce livre est une bouffée d’air frais dans la manière de concevoir la politique moyen-orientale étasunienne dans les cercles universitaires aux USA et il est en train de s’attirer la faveur de partisans respectables. Le Washington Quarterly, revue d’affaires internationales, a récemment publié un article intitulé "After Iraq : Future US military posture in the Middle East". Ecrit par Bradley L. Bowman , l’article conclut - peut-être à la surprise des Etasuniens - que la présence militaire des USA dans la région est la source principale de l’augmentation et de l’expansion inouïes du terrorisme.

Toutefois, on ne gagne pas grand-chose à chasser des chimères. Le soutien étasunien aveugle à Israël est trop fort pour être ébranlé : à preuve, la résolution 185 récemment adoptée par la Chambre des Représentants reconnaissant les droits des « Réfugiés juifs » du Moyen-Orient. La résolution n’a pas un caractère contraignant, mais elle est symptomatique de ce qui nous attend à moins que quelqu’un ne vienne sauver les USA d’eux-mêmes et d’Israël et sauver ainsi l’humanité.

L’auteur est professeur de science politique à l’Université du Caire.

L’original de cet article peut être consulté ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2008/893...
Traduction : amg


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