16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Les Etats-Unis devraient-ils arrêter leur aide à Israël ?

mercredi 9 avril 2008 - 06h:12

Alison Weir

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Nous finançons notre déclin

Le 1er avril, j’ai participé à un débat à San Francisco au cours duquel les participants ont évoqué l’aide étasunienne à Israël.

Le moment était bien choisi puisque le débat se tenait à deux semaines du Tax Day (jour où les Etasuniens paient leurs impôts) et que pendant les soixante années de l’existence d’Israël, celui-ci a reçu plus d’argent du contribuable étasunien que n’importe quel autre pays au monde.

Pendant nos périodes de récession, alors que les Etasuniens perdent leur travail, que leurs maisons sont saisies, que les budgets scolaires sont comprimés et que les entreprises sont en faillite, le Congrès continue à donner à Israël une grosse partie de nos impôts, soit actuellement environ 7 millions de dollars par jour.

Qui plus est, les États-Unis achètent la coopération de l’Égypte et de la Jordanie avec Israël à coups de grosses sommes d’argent (1/20ème de ce que reçoit Israël par habitant) ; les Palestiniens aussi reçoivent des fonds du contribuable (1/23ème de la part d’Israël) pour réparer l’infrastructure que les forces israéliennes ont détruite, pour financer les projets humanitaires nécessaires du fait des destructions infligées par l’armée israélienne, et pour convaincre les officiels palestiniens de prendre des mesures profitant à Israël. Dans ces sommes il faudrait aussi inclure les dépenses faites pour le compte d’Israël.

Au total, il s’avère que depuis de longues années, plus de la moitié de l’argent du contribuable dépensé à l’étranger est allé à un pays de la taille du New Jersey.

Le moment est venu d’entreprendre le débat sur le décaissement de l’argent que nous avons gagné à la sueur de notre front. Il est absolument possible d’en faire un meilleur usage.

Pour savoir si les États-Unis doivent continuer à fournir une aide militaire à un quelconque pays, il est essentiel d’examiner la nature et l’histoire du pays bénéficiaire et comment ce pays a utilisé notre aide militaire par le passé. Il faut déterminer si l’usage qui en est fait correspond à nos valeurs, et si le contribuable américain qui fournit ces fonds en profite.

1. Quelle est l’histoire et le caractère d’Israël ?

Décrire Israël est toujours difficile. On peut, soit s’en tenir au discours habituel, soit dire la vérité. Je choisis la vérité.

A en croire une foule de livres d’écrivains divers, les faits sont très clairs : Israël a été créé au prix d’une des opérations de nettoyage ethnique la plus massive, la plus impitoyable et la plus longue de l’histoire moderne. En 1947-49 près de 750.000 musulmans et chrétiens, qui constituaient 95 pour cent de la population vivant dans la région que les sionistes voulaient pour un État juif, ont été brutalement expulsés de leurs terres ancestrales. Il y a eu 33 massacres ; plus de 500 villages ont été totalement détruits et les sionistes se sont efforcés d’effacer tous les vestiges de l’histoire et de la culture palestiniennes.

Il faut dire que l’identité fondamentale d’Israël repose sur la discrimination ethnique et religieuse pratiquée par un groupe colonial immigré ; ce groupe n’a pu maintenir son exclusivisme qu’en exerçant une violence continue contre ceux qu’il a dépossédés et contre d’autres qui leur ont donné refuge.

2. Comment Israël a-t-il utilisé notre aide militaire par le passé ?

Dans toutes les guerres, sauf une, Israël a attaqué le premier.

Violant la loi sur le contrôle de l’exportation des armes qui stipule que les armes étasuniennes ne peuvent être utilisées que pour une « autodéfense légitime », Israël a utilisé l’équipement étasunien pendant ses deux invasions du Liban, tuant 17.000 personnes la première fois et 1.000 personnes plus récemment, dont la majorité étaient des civils. Il a utilisé des bombes à sous-munitions fabriquées aux États-Unis dans les deux invasions, encore une fois au mépris des lois étasuniennes, et causant selon un médecin américain, des « blessures, absolument les plus atroces » qu’il ait jamais vues ; en 1982, ces bombes ont mutilé plus de mille personnes en une seule journée.

Israël a utilisé l’aide militaire étasunienne pour continuer à confisquer illégalement des terres en Cisjordanie et sur les hauteurs du Golan et il a utilisé des F-16 ainsi que des hélicoptères Apache étasuniens contre une population civile en majorité non armée.

Selon Defence for Children International, Israël a “commis de graves violations des droits humains et du droit international”. De 1967 à 2003, il a détruit plus de 10.000 maisons et les destructions qui se poursuivent aujourd’hui. Une coalition de groupes de défense des droits humains du Royaume-Uni a récemment publié un rapport selon lequel le blocus israélien de Gaza constitue une punition collective frappant 1,5 million de personnes. Le rapport a prévenu : « A moins de mettre immédiatement fin au blocus, on ne pourra pas ramener Gaza du bord de l’abîme et on détruira tout espoir de paix dans la région ».

Israël utilise en outre l’aide militaire étasunienne pour financer son industrie d’armement qui concurrence les sociétés étasuniennes. Selon un rapport demandé par le US Army War College, « Israël utilise approximativement 40 pour cent de notre aide militaire, ostensiblement réservée aux achats d’armes étasuniennes, pour acheter du matériel fabriqué en Israël. Il a aussi obtenu le droit d’exiger que le Département de la Défense ou les entreprises étasuniennes de défense achètent de l’équipement ou des sous-systèmes israéliens qui représentent entre 50 et 60 cents de chaque dollar que les USA donnent à Israël pour sa défense ».

Israël a utilisé l’aide étasunienne pour tuer et blesser des Palestiniens non violents, des militants étasuniens et internationaux ainsi que des militaires étasuniens. Des soldats israéliens ont écrasé Rachel Corrie, 23 ans, avec un bulldozeur Caterpillar fabriqué aux USA ; un franc-tireur israélien a tiré sur Tom Hurndall, 21 ans, le touchant à la tête. Des soldats israéliens ont visé Brian Avery, 26 ans, au visage. En 1967, Israël a utilisé des avions français financés par les USA pour attaquer un navire étasunien, tuant 34 militaires et en blessant 174.

Israël a utilisé l’aide étasunienne pour emprisonner sans jugement des milliers de personnes, Palestiniens et autres ; selon le London Times et Amnesty International, Israël torture systématiquement les prisonniers et, selon le Foreign Service Journal, notamment des citoyens étasuniens.

3. Ces fonds sont-ils utilisés conformément à nos valeurs nationales et personnelles ?

A mon avis, non.

4. Ces fonds d’aide étasunienne sont-ils dépensés au profit du contribuable étasunien ?

Même si certaines actions israéliennes ont servi les intérêts étasuniens, le bilan est évident : l’usage que fait Israël de l’aide étasunienne porte systématiquement préjudice aux États-Unis, compromet notre économie et met les Étasuniens en danger.

En fait, cette issue extrêmement négative était tellement prévisible qu’avant même la création d’Israël, pratiquement tous les spécialistes du Département d’État et du Pentagone s’étaient énergiquement opposés à la création d’un État sioniste au Moyen-Orient. Réponse du Président Harry Truman : « Messieurs, je regrette, mais j’ai des comptes à rendre à des centaines de milliers d’électeurs qui veulent voir triompher le sionisme et parmi mes électeurs il n’y a pas des centaines de milliers d’Arabes ».

Au fil des années, comme je l’ai fait remarquer ci-dessus, notre aide à Israël n’en a pas fait un allié sûr.

En 1954, Israël a essayé d’attaquer les bureaux du gouvernement US en Égypte, dans l’intention d’en imputer la responsabilité à des musulmans.

En 1963, le Sénateur William Fulbright a découvert que par le biais d’opérations clandestines, Israël acheminait nos fonds vers des groupes pro-israéliens qui utilisaient cet argent pour financer des campagnes de presse et des groupes de pression en vue d’extraire encore plus d’argent au contribuable étasunien.

JPEG - 13.2 ko
USS Liberty

En 1967, les forces israéliennes ont mené une attaque aérienne de deux heures contre le USS Liberty, entraînant la mort de 200 personnes. Les partisans d’Israël ont prétendu que c’était une erreur, mais cette assertion est démentie par de nombreux témoignages directs et par une commission indépendante présidée par l’ancien Président des chefs d’état major, l’amiral Thomas Moorer, qui a fait rapport à Capitol Hill en 2003.

En 1973, Israël a utilisé le plus grand pont aérien de matériel étasunien dans l’histoire pour battre les forces arabes qui essayaient de recouvrer leurs terres, provoquant un embargo arabe sur le pétrole qui a plongé les USA dans une récession et a coûté leur emploi à des milliers d’Etasuniens.

Pendant son invasion du Liban dans les années 80, Israël a systématiquement harcelé les troupes étasuniennes qui y avaient été envoyées pour le maintien de la paix et a créé, selon le Général R.H. Barrow, commandant des Marines, « des situations mortellement dangereuses, aggravées d’insultes aux officiers, à leur uniforme et à leur pays ».

Pendant des années, Israël a régulièrement espionné les États-Unis. Selon la cour des comptes étasunienne, « parmi tous ses alliés, c’est Israël qui mène les opérations d’espionnage les plus agressives contre les États-Unis ». Caspar Weinberger, Secrétaire à la Défense, a dit de l’espion israélien, Jonathan Pollard, « Il m’est difficile d’imaginer des dommages plus importants à la sécurité nationale ». L’affaire Pollard n’est que la pointe de l’iceberg ; tout récemment, deux importants officiels du Comité américain pour les affaires publiques israéliennes (AIPAC) ont été impliqués dans une opération d’espionnage. L’AIPAC est le puissant lobby étasunien pro-israélien.

Ce qui précède n’est guère brillant, mais ce n’est rien comparé aux dommages indirects que cause aux Etasuniens notre aide à Israël. Le financement étasunien des violations flagrantes des droits humains palestiniens par Israël figure en tête de la liste des raisons de l’hostilité à laquelle les USA sont en butte.

Les médias étasuniens étouffent régulièrement les actions israéliennes, mais ceux d’entre nous qui ont visité la région ont vu de première main un niveau de cruauté israélienne, financée par les États-Unis, qui nous fait pleurer sur les victimes et qui nous fait craindre pour notre pays. La plupart des Étasuniens ne savent pas comment Israël utilise notre argent, mais dans le monde, on sait très bien que ce sont les USA qui financent les crimes israéliens.

La Commission 9/11 signale que l’animosité de Khalid Sheikh Mohammed envers les États-Unis provenait de son « violent désaveu de la politique étrangère étasunienne en faveur d’Israël ». L’Economist dit que la « notion de rétribution pour les injustices subies par les Palestiniens est peut-être le fil rouge le plus fort dans les discours de Bin Laden ».

Au bout du compte

En somme, l’aide étasunienne à Israël a déstabilisé le Moyen-Orient ; elle a étayé un système national axé sur la discrimination ethnique et religieuse et elle a permis une agression sans frein. Notre aide a parfois été dirigée contre les Etasuniens eux-mêmes et elle a financé des industries d’armes qui concurrencent les sociétés étasuniennes. Elle a appuyé un schéma de dépossession qui a engendré de la haine envers les États-Unis et elle a créé un conflit permanent qui a coûté la vie à 384 Palestiniens et 13 Israéliens en 2007 et qui a tué, les dernières 7 années 1/2, plus de 982 enfants palestiniens et 119 enfants israéliens.

En fournissant des fonds massifs à Israël sans égard à ses actes, l’aide étasunienne donne du pouvoir aux suprématistes israéliens qui prônent une campagne permanente de nettoyage ethnique tout en désarmant les Israéliens qui reconnaissent que la moralité, la justice et la raison sont la seule voie vers la paix.

Le moment est venu de mettre un terme à notre aide.

JPEG - 9.7 ko
Alison Weir

* Alison Weir est directrice exécutive de " Si les Américains savaient ". Pour plus d’information sur les rapports Etats-Unis/ Israël, elle recommande spécialement les ouvrages de Donald Neff, Paul Findley, Kathleen Christison, Stephen Walt, John Mearsheimer, Grant Smith, Stephen Green, George Ball, et John Mulhall

USA - Article publié le 04/04/08 dans Counterpunch.
Vous pouvez le consulter ici :
http://www.counterpunch.org/weir040...
Traduction : amg


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.