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Les choses vont mieux si on a les droits

vendredi 29 décembre 2006 - 10h:30

Zahi Khouri

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En 1995, j’ai quitté ma vie confortable en Amérique pour Ramallah, en Palestine, et y investir dans le plus américain des business : j’ai été l’instrument de l’introduction de Coca-Cola au Moyen-Orient dans le début des années 1980...

...après la signature des accords de paix d’Oslo, j’avais décidé de lancer la franchise Coke en Cisjordanie et dans Gaza. Durant la décennie écoulée, les affaires ont progressé. Aujourd’hui, Coca-Cola emploie des centaines de Palestiniens et vend 10 millions de caisses de Coke par an.

Pour moi, Américain palestinien, c’était plus qu’une opération pour faire de l’argent. Chaque bouteille rutilante, avec l’étiquette rouge Coca-Cola en arabe et en anglais, devait être l’ambassadrice miniature de l’Amérique. Et chaque investisseur potentiel qui voyait que Coke marchait bien pouvait décider de se lancer. Il semblait que c’était la stratégie idéale : promouvoir les intérêts américains tout en aidant à la construction d’une économie qui pourrait servir à la fondation d’un Etat palestinien, viable et indépendant.

Après les accords de paix, un tas d’Américains palestiniens sont venus en Cisjordanie et à Gaza. Des professeurs sont venus pour enseigner dans les universités. Des médecins sont venus pour contribuer à la modernisation du système de santé et du suivi des patients. Des artistes sont venus pour exposer et exercer leur art. Des hommes d’affaires professionnels divers sont venus pour investir, moderniser l’économie et créer des emplois. Chacun, à sa manière, voulait aider à la construction d’une Palestine indépendante. Chacun était l’ambassadeur véritable de l’Amérique, bien différent des hélicoptères Apache et des chasseurs-bombardiers F-16 made in USA qu’Israël emploie pour procéder à la destruction de l’économie, des villes et des villages palestiniens.

Mais Israël a décidé que nous, les Américains, n’étions pas les bienvenus. Beaucoup, comme moi, ont vécu en Cisjordanie pendant plus de dix ans. Contrairement aux Juifs américains - ou aux Juifs de partout ailleurs - qui recevaient dès leur arrivée la nationalité, nous n’obtenions même pas le droit à résidence. Au lieu de cela, nous, Palestiniens chrétiens et musulmans, devions compter sur nos passeports américains et renouveler nos visas de tourisme tous les trois mois. C’était des complications, oui, mais c’était la seule façon de rester en Palestine, souvent dans les maisons de nos familles, inhabitées depuis des générations.

Depuis que le Hamas assume l’autorité gouvernementale conformément aux élections démocratiques de cette année, Israël refuse aux Américains palestiniens le droit d’entrer. On se demande encore pourquoi. Cette nouvelle politique, c’est peut-être un autre tour de vis pour faire pression sur le Hamas. Peut-être, une concession indolore pour des négociations à venir. Peut-être, une tactique de plus dans la démarche d’Israël - engagée en 1948 par l’expulsion de plus de 700 000 Palestiniens - pour vider davantage de territoire du maximum de Palestiniens possibles.

Nous ne savons pas la raison des refus de laisser passer les Américains palestiniens mais nous en connaissons les résultats. En plus de briser des familles et de les séparer - par exemple, un conjoint et ses enfants sont en Cisjordanie alors que l’autre conjoint n’a pas le droit de revenir les voir des USA - cela décourage les investisseurs. Cela refoule beaucoup de monde du Département d’Etat US, de la Banque mondiale et d’autres organisations internationales qui souhaiteraient revenir. Nous sommes des hommes d’affaires qui construisent, créent des emplois, distillent l’espoir pour un meilleur avenir.

Avec la sécurité comme prétexte, les politiques israéliennes de démolitions, de confiscations de la terre, de restrictions des mouvements et de construction du mur de séparation ont étouffé l’économie palestinienne. Selon les Nations unies, plus de 540 check-points et autres structures empêchent les déplacements en Cisjordanie, et les passages vers Gaza sont rarement ouverts. Gaza représente 30% de l’économie palestinienne. Nous ne pouvons acheminer aucune marchandise de Cisjordanie vers Gaza. Et Gaza ne peut importer les matières premières pour les transformer alors qu’elle possède une main-d’ ?uvre super qualifiée. Israël refuse également de restituer chaque mois, près de 55 millions de dollars en revenu fiscal aux Palestiniens, (ce qui représente maintenant un total approximatif de 400 millions de dollars). Avec l’arrêt des subventions internationales, on connaît maintenant une catastrophe humanitaire. Depuis mars, les salariés de l’Autorité palestinienne - environ le quart de la main-d’ ?uvre - ne reçoivent plus leurs salaires.

Israël ne gagnera pas la sécurité en mettant Mogadishu près de Silicon Valley. Seule, une économie palestinienne ouverte et prospère peut créer la base d’une paix durable. La crise humanitaire ne fait pas suite à une catastrophe naturelle. Il n’y a eu aucun tsunami, aucun tremblement de terre ni aucune sécheresse. Nous avons aidé à construire des nations. Nous avons des ressources naturelles et un capital humain pour construire, de la même manière, une économie palestinienne prospère, stable. Nous n’avons pas besoin d’aumônes internationales. Nous avons besoin de libre circulation des personnes et des marchandises. Nous avons besoin de portes sans gardiens entre les Territoires palestiniens occupés et le reste du monde.

Les politiques américains ont beaucoup d’influence auprès d’Israël. Ils doivent s’en servir pour exiger cette libre circulation des personnes et des marchandises et le maintien de l’accès, pour les Américains palestiniens et les Palestiniens détenteurs de passeports étrangers, afin qu’ils puissent continuer à jouer un rôle dans le développement économique. Une économie palestinienne dynamique sert les intérêts de tous, Palestiniens, Israéliens et Américains.

Wall Street journal -
http://www.imemc.org/content/view/2...
Trad : JPP


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