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Attentat de Jérusalem : mêmes cause et mêmes effets

mercredi 19 mars 2008 - 23h:40

Caelum Moffatt - MIFTAH

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Avec tous les objectifs possibles à la disposition d’Abu Dheim, pourquoi a-t-il choisi l’école religieuse de Merkaz Harav ?

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Une fillette de la famille d’Abu Dheim tient un portrait de celui-ci - Photo : Reuters/Ammar Awad

Le 7 mars, alors que des milliers de personnes en deuil suivaient le cortège funéraire des huit personnes tuées à Jérusalem, le domicile de celui qui à réalisé l’attentat était couvert des drapeaux jaunes et verts du Hizbollah et du Hamas afin de célébrer sa mémoire.

L’assaillant, Abu Dheim qui vivait à Jérusalem-est, est entré le 6 mars à 20h30 dans l’école religieuse Merkaz Harav dans la zone de Kiryat Moshe à Jérusalem-ouest, utilisant une kalachnikov, six recharges et un pistolet. Ce qui a suivi était la plus grande attaque dans le territoire israélien depuis une attaque-suicide à Tel Aviv le 17 avril 2006 lorsque 11 personnes avaient été tuées, et depuis une attaque-suicide contre des Israéliens dans Jérusalem avec la mort de huit personnes le 22 février 2004.

Ala Abu Dheim n’était cependant pas un attaquant-suicide et il n’a pas non plus tenté de protéger son identité ou de se conformer à l’image d’un tueur en portant un passe-montagne ; il s’est simplement déguisé en étudiant d’une école religieuse. Ce jeune homme de 25 ans est ouvertement entré dans le séminaire par la bibliothèque et il a commencé à tirer dans une salle remplie de 80 étudiants qui faisaient des préparatifs pour célébrer le nouveau mois du calendrier juif, moment des vacances de Purim.
L’homme armé a tué huit des étudiants du séminaire âgés de 15 à 26 ans et en a blessé neuf autres avant qu’un officier israélien ait scellé le destin de l’attaquant en lui tirant à deux reprises dans la tête alors qu’il essayait de fuir les lieux.

L’événement a été rapidement condamné par une multitude de dirigeants autour du monde ainsi que par les Nations Unies, l’Union Européenne, la Grande-Bretagne et la France condamnant tous deux le crime et l’effet négatif qu’il pourrait avoir sur le « processus de paix ». Le président américain George Bush a déclaré que l’acte était « une attaque barbare et vicieuse » tandis que les représentants israéliens qualifiaient l’évènement de massacre « abominable ». De son côté, le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné les massacres de tous les civils innocents, que ce soit des Israéliens ou des Palestiniens.

Le motif pour une telle attaque est facile à discerner. Bien que la réaction d’Abu Dheim à la situation politique est impardonnable, elle doit être étudiée et replacée dans son contexte. La ministre israélienne des affaires étrangères Tzipi Livni a affirmé qu’il ne peut y avoir « aucune cause qui puisse justifier cette action ». Cependant, Ala Abu Dheim était un Palestinien habitant le secteur de Jabal al-Mukaber au sud-est de Jérusalem et qui vivait entourée de colonies israéliennes dans une zone que les Palestiniens considèrent comme étant la capitale d’un futur état palestinien indépendant. En outre, il avait déclaré à sa soeur Iman qu’il « ne pouvait pas dormir en raison du chagrin » qu’il ressentait après l’incursion israélienne de deux semaines dans Gaza et qui avait provoqué la mort de 129 Palestiniens. Bouleversé et mis en colère par le traitement qu’Israël inflige aux Palestiniens, l’envie et le prétexte étaient tout trouvés.

Une des principales dissuasions pour les Palestiniens qui viseraient à appliquer des représailles contre Israël est le soin méticuleux que met ce dernier à assurer sa sécurité. Les Palestiniens de Gaza sont dans une prison complètement verrouillée alors qu’en Cisjordanie, leurs mouvements et leur accès aux divers endroits sont limités à cause des points de contrôle et du mur de séparation qui représentent des obstacles omniprésents pour le succès de n’importe quelle opération. Abu Dheim n’a pas eu ce problème. En tant que résidant palestinien dans Jérusalem avec une carte d’identité israélienne (couleur bleue), il a eu la liberté de s’aventurer dans n’importe quelle partie de la ville.

Pourquoi la Yeshida Merkaz Harav ?

Avec tous les objectifs possibles à la disposition d’Abu Dheim, pourquoi a-t-il choisi l’école religieuse de Merkaz Harav ? Une raison a pu être qu’il était familier des lieux. Les voisins d’Abu Dheim prétendent qu’il a travaillé comme chauffeur dans cette « yeshiva », bien que ce fait ait été contesté par l’école qui affirme qu’ils n’engagent pas d’Arabes. Ce ne serait pas étonnant vu la nature de l’établissement visé - sa raison d’être et sa fonction expliquent de façon convaincante pourquoi elle a été choisie.

Le séminaire Merkaz Harav est connu comme l’exemple parfait du mouvement sioniste religieux en Israël. Ce centre d’études qui revendique 1000 étudiants [beaucoup d’entre eux sont armés], a été fondé par le rabbin Abraham Isaac Kook, un membre du mouvement Gush Emunim, groupe qui incite fortement les colons israéliens à voler la terre en Cisjordanie [que les juifs voient comme leurs terres saintes de Judée et de Samarie]. Selon Ali Abunimah, co-fondateur de The Electronic Intifada, c’est dans Hébron que les membres du Gush Emunim écrivent « les Arabes aux chambres à gaz » sur les maisons palestiniennes. Le centre vénère même des individus comme Baruch Goldstein qui s’est introduit dans la mosquée d’Ibrahim à Hébron en 1994 et a assassiné 29 Palestiniens alors que ceux-ci priaient dans ce lieu saint.

Cette mixture de sionisme et de ses valeurs les plus extrémistes n’a pas de mal à provoquer des conflits avec les habitants Arabes Palestiniens au vu de sa croyance et de ses enseignements. Après qu’Abu Dheim ait été tué, les membres du séminaire ont crié à l’extérieur : « mort aux Arabes ».

Comme toujours avec ces attaques, la question persistante de la responsabilité doit toujours être abordée de sorte que l’incident puisse être attribué à un groupe spécifique. Abu Dheim étant parvenu à s’infiltrer dans un centre juif de prière à Jérusalem et à tuer un certain nombre d’étudiants juifs, il y a eu comme à chaque fois un certain nombre de groupes revendiquant l’ouverture de cette brêche dans la sécurité israélienne afin de gagner en crédibilité. La discussion sur la responsabilité a rapidement suivi.

Tout d’abord, Ahrar al-Jalil [le Bataillon de la Liberté en Galilée] a été crédité de l’attaque. Le groupe se composant de Palestinien-israéliens qui sympathisent avec Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hizbollah, et plutôt inconnu, a été lié précédemment au meurtre en 2003 d’un soldat israélien et au kidnapping d’une fille israélienne. Ahrar al-Jalil a déclaré que l’opération a été préparée pendant 10 jours et exécutée par leur groupe avec l’aide d’un membre du Hamas. Ils ont également déclaré qu’un autre groupe était impliqué mais qu’ils ne pouvaient pas le mentionner pour des raisons de « sécurité ».

Plus tard, la chaîne de télévision Al Manar du Hizbollah a fait savoir qu’un nouveau groupe appelé « les martyres d’Imad Mughniyeh » avait organisé l’attaque. Imad Mughniyeh était le responsable des opérations spéciales pour le Hizbollah et il a été tué par une bombe dans sa voiture le mois dernier. Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hizbollah avait proclamé qu’Israël était le coupable. Cependant le groupe n’a pas encore confirmé qu’il ait assisté cette opération d’une façon ou d’une autre.

Que va dire le Hamas ?

Il serait étonnant qu’une attaque aussi audacieuse sur le territoire israélien puisse être attribuée à des groupes peu connus. Pour cette raison, les gens étaient attentivement à l’écoute de ce que le Hamas dirait.
Le 7 mars un officiel du Hamas a prétendu que le groupe était responsable [de l’attentat]. Les gens à Gaza sont descendus dans les rues pour le célébrer et les divers responsables du Hamas « ont béni » l’attaque « héroïque », mais le responsable de plus haut niveau du Hamas, Ismail Radwan, a signalé que l’aile politique du Hamas ne pouvait pas confirmer sa responsabilité sans disposer d’un rapport en provenance des Brigades Al-Qassam[l’aile militaire].

Une fois interrogée, l’aile militaire a souligné que l’attaque était « une réaction normale à l’immensité des crimes sionistes nazis et barbares qui ont visé des femmes, des enfants, des mosquées et des habitations... dans la bande de Gaza et en Cisjordanie ».

S’il était responsable, pourquoi le Hamas ne l’annoncerait-il pas publiquement ? Peut-être est-ce une politique de l’organisation ? Il a fallu deux jours au Hamas pour admettre sa responsabilité dans l’attentat-suicide à Dimona alors que dans ce dernier cas l’organisation est restée longtemps sans répondre. D’un autre côté, le Hamas est peut être victime de sa propre renommée et n’est peut-être pas vraiment celui qui est à blâmer bien qu’on dise que le famille de l’attaquant avait des liens étroits avec le Hamas. Le Hamas peut en revanche craindre une réplique à grande échelle contre Gaza ou une fin aux entretiens concernant un cessez-le-feu ; mais le Hamas sait aussi qu’il sera constamment visé dans Gaza et il est réaliste quant à la possibilité d’un éventuel cessez-le-feu.

Peut-être le Hamas ne le se sait pas lui-même. Il est clair que la partie responsable a été Abu Dheim lui-même - il n’était pas apparemment lié à un groupe spécifique et pourrait avoir agi de son propre chef [son attaque a été exécutée d’une façon peu usuelle]. Abu Dheim a pu simplement avoir eu besoin de quelqu’un pour lui fournir l’arme [les kalachnikovs sont pratiquement impossibles à acquérir à Jérusalem et même si Abu Dheim y est parvenu, il lui en aura coûté environ de 3000 à 3500 dollars - beaucoup d’argent pour un jeune homme à Jérusalem-est]. Ce scénario rendrait très difficile de trouver quelles parties seraient impliquées à la fois dans la préparation aussi bien que la réalisation.

Il est possible qu’Abu Dheim ait pris la décision lui-même et ait été approché, à travers des contacts familiaux, par une organisation qui l’aurait aidé, que ce soit le Hizbollah, ou le Hamas ou des tous les deux. Après tout, Khaled Me’shaal, responsable [en exil en Syrie] du bureau politique du Hamas Hamas et Hassan Nasrallah du Hizbollah sont financés par les mêmes bailleurs de fonds - la Syrie et l’Iran. Il n’est pas inconcevable qu’ils se coordonnent les uns avec les autres. Cette opération aurait eu un double objectif tout en les affranchissant de revendiquer la responsabilité complète [de l’attentat]. Ce serait une réponse à la mort d’Imad Mughniyeh et/ou à l’assaut sur Gaza, les deux possibilités montrant que les deux groupes peuvent frapper Israël n’importe quand et partout où ils le souhaitent.

Que va faire Israël ?

Avec la question de la responsabilité toujours quelque peu ambiguë, quelles implications aura la riposte d’Abu Dheim sur la situation difficile qui est celle des Palestiniens ? Des représailles sont attendues du côté de certains secteurs du public israélien et l’histoire a montré que Israël ne s’en privera pas.

Premièrement il y a les mesures immédiates mises en application par un état israélien de plus en plus anxieux. Une attaque dans Jérusalem a envoyé un message fort à Israël selon quoi sa sécurité n’est pas impénétrable et peut être déjouée, même au coeur de Jérusalem-ouest. Cependant, et de façon frustrante pour Israël, le groupe responsable doit encore être identifié, ce qui peut ralentir Israël dans sa revanche instinctive. Pour l’instant, à la suite de l’attaque, Israël en a été réduit à appliquer les procédures standard. L’état sioniste a interdit aux personnes de moins de 45 ans de pénétrer sur le site d’Al-Aqsa à Jérusalem et a laissé supposer que le Hizbollah pouvait être impliqué en envoyant des avions de guerre au-dessus de Beyrouth pour envoyer un message au groupe shiite libanais sur ce qu’il peut attendre.

Deuxièmement, Abu Dheim a provoqué une crise morale à l’intérieur du Conseil de sécurité des Nations Unies qui réfléchissait sur la façon dont des attaques israéliennes contre Gaza peuvaient être comparées à des attaques individuelles par des Palestinians contre Israël. La Libye, peu après l’incident, a bloqué une motion à ce sujet au Conseil de Sécurité, demandant que les résolutions passées soient « équilibrées » plutôt que des condamnations des attaques palestiniennes par fusée et des différentes opérations individuelles [qui se produisent] à la suite des invasions régulières et des assauts israéliens contre Gaza.

L’action d’Abu Dheim a également donné des soucis en ce qui concerne le processus de paix. Le premier ministre israélien Ehud Olmert a affirmé que les entretiens pour la paix continueront avec le Président Abbas mais il a à nouveau saboté le processus en confirmant qu’Israël avait autorisé plus de 750 permis de construire pour l’expansion de la colonie Givat Ze’ev en Cisjordanie, une violation du premier paragraphe de la feuille de route et une initiative qui a mené l’équipe de négociation palestinienne à douter encore plus du sérieux d’Israël quant à conclure un accord pour la paix d’ici la fin 2008. Les colons ont menacé de construire un nouvel avant-poste colonial pour chaque victime de l’école religieuse de Jérusalem, ce qui a pu être une manière d’obliger Olmert à accéder à cette demande.

L’Egypte, avec l’appui des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de l’Autorité Palestinienne, essaye de favoriser un cessez-le-feu entre le Hamas et le Jihad islamique d’un côté et Israël de l’autre. Si l’une de ces organisations palestiniennes est considérée comme responsable d’avoir contribué à l’opération d’Abu Dheim, alors ce possible cessez-le-feu n’aboutira pas.
Tout aussi notable mais également dommageable est l’effet psychologique que cette attaque a eu des deux côtés, plantant la graine interne et externe de la division.

L’action d’Abu Dheim à Jérusalem pourrait encore approfondir le gouffre existant entre les Palestiniens « modérés », luttant pour la paix, et ceux qui croient que les Palestiniens devraient continuer à résister. Le souci pour Israël est que l’acte d’Abu Dheim pourrait inspirer les 250 000 citoyens Arabes vivant dans Jérusalem-est, avec pour eux une possibilité illimitée d’agir de même.
En attendant, du côté israélien, le ministre de la sécurité publique Avi Dichter, a déclaré qu’Israël devrait trouver un moyen « légitime » d’expulser les Arabes de Jérusalem-est qui penseraient à effectuer de telles attaques. En outre le public israélien perd progressivement patience vis-à-vis de son gouvernement. À l’enterrement des victimes, Rabbi Ya’akov Shapira a souligné dans son homélie le besoin d’une « bonne direction, plus forte, plus croyante ».

On peut se demander, au cas où les Israéliens perdraient foi dans la coalition d’Olmert et voteraient pour Benjamin Netanyahu pour le remplacer, si les attaques sur le territoire israélien n’augmenteront pas après l’arrivée d’un nationaliste du Likud encore plus extrémiste ?

11 mars 2008 - MIFTAH - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach


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