Siège de Gaza : témoignage (6) - Rue Abed Rabbo, Jabaliya Est
jeudi 6 mars 2008 - 06h:34
PCHR Gaza
« J’ai entendu des tirs puis des cris. Je me suis précipité en haut pour voir ce qui s’était passé et je les ai trouvés tous deux par terre. Jacqueline était déjà morte mais Iyad vivait encore. Les voisins ont appelé une ambulance et nous avons couru avec lui à l’hôpital mais il est décédé à notre arrivée ».
- Photo de Jaqueline et Iyad Abu Shebak lorsqu’ils étaient petits
Jabaliya Est au nord de la Bande de Gaza a essuyé le choc de la dernière attaque militaire israélienne dans Gaza. L’incursion qui a été lancée aux premières heures du jeudi 28 février a duré 4 jours et 4 nuits, pendant lesquels l’armée israélienne a tué 108 Palestiniens dont 54 civils non armés parmi lesquels 26 enfants.
Les Palestiniens qui vivent dans et autour de la rue Abed Rabbo à Jabaliya Est ont subi des raids aériens intensifs de F16 et d’hélicoptères de combat, des pilonnages de tanks, des postes de snipers. Leurs maisons ont été envahies et vandalisées par des soldats israéliens qui ont attaché avec des cordes les adultes et enfermé des familles entières dans une pièce unique dans le but d’utiliser leurs maisons en tant que tours de snipers afin de viser des combattants palestiniens locaux.
Jacqueline Abu Shebak (16 ans) et son frère de 14 ans Iyad, vivaient tous deux avec leur mère et leurs trois jeunes frères et s ?urs dans la rue Abed Rabbo. Hatem Hosni Abu Shebak, leur oncle, qui vit dans la maison voisine, s’est précipité en haut en entendant les tirs fournis et les cris et a trouvé les corps de Jacqueline et d’Iyad aux premières heures du samedi 1er mars.
« J’ai entendu des tirs et Iyad criait. Je me suis précipité en haut alors que les tirs continuaient. Les deux enfants étaient couchés au sol » raconte-t-il alors que nous étions assis dans la pièce ensanglantée où est morte Jacqueline et où Iyad a été mortellement blessé. « J’ai essayé de les ranimer mais Jacqueline était déjà morte et malgré le fait qu’Iyad était encore en vie et émettait des sons, nous n’avons pu le sauver. Nous avons dû attendre l’ambulance car ma voiture avait été pilonnée par un tank israélien ». Hattim Abu Shebak nous montre les miroirs et les fenêtres fracassées par les balles, les trous de balles dans les murs et le sang des enfants sur les meubles.
Les soldats israéliens qui ont tué Jacqueline et Iyad avaient occupé la maison d’en face et retenaient Ramez Etbail et sa famille en otage afin de pouvoir utiliser la maison pour tirer sur les combattants locaux du Hamas. Les Israéliens ont tiré directement à travers la fenêtre de la cuisine de la maison d’Abu Shabak, touchant Jacqueline et Iyad. La mère était dans sa chambre à coucher en essayant de protéger sont enfant le plus jeune des assauts des balles.
Le père des enfants, Mohammed Hosni Abu Shebak, travaille comme garde de sécurité à Ramallah, Cisjordanie. A cause des bouclages de la Bande de Gaza il n’a pas pu voir Jacqueline et Iyad depuis 9 mois et n’a pas eu le droit de retourner à Gaza pour les enterrer. Nous avons été présentés à la mère de Jacqueline et d’Iyad, mais elle ne pouvait plus parler, étant dans un état catatonique suite à sa douleur.
Dès que l’arme israélienne s’est retirée du nord de la Bande de Gaza vers 6 heures du matin le 3 mars, les gens sont sortis dans les rues de Jabaliya pour commencer à enterrer leurs morts. Alors que nous traversions quelques heures plus tard Jabaliya en voiture, des enterrements se déroulaient partout, rue après rue.
Israël a décrit son incursion dans Gaza comme étant une opération militaire de « routine ». Mais les intentions de l’armée israélienne avaient été claires bien avant l’incursion, quand le ministre de la sécurité interne, Avi Dichter, avait déclaré que les tirs de roquettes illégales des Palestiniens armés devaient être arrêtés « sans tenir compte de ce que cela couterait aux Palestiniens ».
L’utilisation de force meurtrière excessive et le fait de tirer sur les civils lors d’une opération militaire sont illégaux selon la loi internationale des Droits Humains et la Quatrième Convention de Genève. Jabaliya est l’un des endroits les plus peuplés au monde et il est donc impossible pour les troupes israéliennes de distinguer les cibles militaires des cibles civiles. L’utilisation délibérée et incessante de force meurtrière excessive dans des lieux très peuplée de la Bande de Gaza a provoqué la mort cette année de 237 Palestiniens dont 128 civils.
- Majid Abu Jelhum
Majid Abu Jelhum vit dans une petite rue tranquille à environ 1 kilomètre de la rue Abed Rabbo. Samedi matin, Majid et sa femme se trouvaient dans leur maison et leurs 4 enfants jouaient dans le jardin.
La zone était calme ; Majid dit qu’il n’y avait pas eu de combats près de sa maison et qu’il avait pensé que ses enfants seraient en sureté dans leur jardin. Vers 8.30 heures, il a entendu une explosion et son jeune fils s’est mis à crier en demandant de l’aide.
« J’ai couru dans le jardin et j’ai trouvé Selsabil par terre, sans connaissance ; elle avait été touchée par une petite roquette ». Les deux jeunes s ?urs de Selsabil ainsi que son frère qui avait appelé à l’aide avaient également été touchés par la roquette. Les quatre enfants ont été emmenés à toute vitesse à l’hôpital Shifa dans la ville de Gaza, hôpital qui était débordé par les morts et les blessés durant toute l’incursion israélienne. Selsabil est morte une demi-heure après son arrivée ; elle n’avait que 2 ans.
Il y a beaucoup d’autres histoires horribles de cas d’enfants qui ont été tués pendant cette prétendue opération militaire de « routine ». Le 28 février, quatre jeunes cousins ont été touchés par des roquettes israéliennes alors qu’ils jouaient au football dans un terrain près de leur maison dans la rue El-Qerem, Jabaliya Est. Les quatre enfants, Mohammed Na’im Hammouda (9 ans), Ali Munir Dardouna (8 ans, Dardouna Deeb Dardouna (12 ans) et Omar Hussein Dardouna (14 ans) ont été démembrés par les roquettes.
Le père de Mohammed, Naim Hammouda, a raconté à Ibrahim Sourani, un avocat des droits humains du PCHR, que lorsqu’il a trouvé les corps des quatre enfants, il n’a pas été capable de déterminer lequel était son fils car les corps étaient totalement déchiquetés.
Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, a annoncé que l’opération militaire n’était pas terminée mais qu’elle était suspendue et qu’elle reprendrait. La population civile de la Bande de Gaza dont les habitants choqués de la rue Abed Rabbo, attend de voir si Israël va encore lancer des attaques contre eux mais ils espèrent que le monde extérieur va enfin oser parler en leur nom de leur détresse
Lisez les autres témoignages :
4 mars 2008 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.pchrgaza.org/files/campa...
Traduction : Ana Cléja