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Un ministre israélien menace d’ “holocauste” mais l’opinion veut un cessez-le-feu

samedi 1er mars 2008 - 17h:31

Ali Abunimah - The Electronic Intifada

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La question reste de savoir pourquoi, quand la grande majorité des Israéliens et des Palestiniens, et les dirigeants du Hamas, sont prêts à discuter d’un cessez-le-feu, les gouvernements israéliens et américains le refusent.

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Un médecin palestinien porte un bébé blessé par un missile israélien qui a détruit le siège du syndicat, à Gaza, le 28 février 2008.




Les responsables israéliens ont tenté de limiter les dégâts après la déclaration du vice-ministre de la Défense, Matan Vilani, menaçant d’« holocauste » les Palestiniens de la bande de Gaza occupée.

Ces propos ont été tenus le lendemain de l’assassinat, par les forces d’occupation israélilennes, de 31 Palestiniens, dont 9 enfants, l’un n’ayant que 6 mois, lors d’une série de raids sur la bande de Gaza. Israël a prétendu qu’il s’agissait de représailles après une pluie de roquettes tirées par des combattants de la résistance de la bande de Gaza qui avaient tué un Israélien à Sderot, le mercredi 27 février. D’après les groupes de la résistance palestinienne, dont le Hamas, les roquettes venaient en représailles en réponse à l’exécution extrajudiciaire de 5 membres du Hamas, perpétrée par Israël, ce mercredi matin. Les forces d’occupation israéliennes ont tué plus de 200 Palestiniens depuis le sommet d’Annapolis, organisé par les USA en novembre dernier. Dans la même période, 5 Israéliens ont été tués par les Palestiniens.

S’exprimant à la radio de l’armée israélienne le 29 février, Vilnai a déclaré « Plus les tirs de Qassam s’intensifieront et la portée des roquettes s’allongera, et plus forte sera la shoah qui s’abattra sur eux, car nous utiliserons toute notre force pour nous défendre ». (1)

Un article sur le site de la BBC News, intitulé Israël menace Gaza d’« holocauste, indique que le mot « holocauste » - shoah en hébreu - est un « terme rarement utilisé en Israël en dehors des discussions sur le génocide nazi de la Deuxième Guerre mondiale. »

La BBC précise ensuite : « De nombreux collègues de Mr. Vilnai ont rapidement pris leurs distances avec ses paroles et tenté de les minimiser, disant qu’il n’avait pas voulu parler de génocide. » Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, Arye Mekel, prétend que Vilnai a utilisé le mot « dans le sens de désastre ou de catastrophe, et pas celui d’holocauste. »

Cette velléité de limiter les dégâts causés par les paroles de Vilnai n’est pas pour surprendre. Il a été révélé récemment comment un autre officiel israélien, le major-général Doron Almog, avait échappé de peu à l’arrestation sur l’aéroport Heathrow de Londres, en septembre 2005, suite à allégations de crimes de guerre perpétrés contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée. La police britannique avait craint un affrontement armé au cas où elle tenterait d’embarquer dans l’avion civil de la compagnie El Al qui avait amené Almog, et dans lequel il s’est terré jusqu’à ce qu’il puisse quitter le Royaume-Uni et rentrer en Israël, fuyant la justice.

L’incitation au génocide est un crime punissable en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948 après l’holocauste nazi [Assemblée générale des Nations unies du 9 décembre 1948, résolution 260 A (III)].

Les 8 étapes du génocide, écrit par Greg Stanton, président de Genocide Watch, énonce un certain nombre de signes avant-coureurs de l’imminence d’un génocide, notamment la « déshumanisation » des groupes de victimes potentielles et sa préparation où les victimes potentielles « sont souvent isolées dans des ghettos, déportées dans des camps de concentration, ou enfermées dans une région frappée par la famine et où l’on meurt de faim. »

La menace d’holocauste par Vilnay, même si les officiels israéliens tentent de la requalifier, s’inscrit dans un ensemble cohérent de déclarations et d’actions agressives des responsables israéliens. Israël a tenté d’isoler la population de Gaza, restreignant délibérément les approvisionnements vitaux, tant en nourriture, en médicaments qu’en énergie, une politique approuvée par la Haute Cour israélienne mais condamnée par les responsables internationaux en tant que punition collective illégale.

Comme The Electronic Intifada l’a rapporté précédemment, les déclarations déshumanisantes des responsables politiques et religieux israéliens dirigées contre les Palestiniens sont coutumières (voir Top Israeli rabbis advocate genocide, 31 mai 2007, et Déshumaniser les Palestiniens, Ali Abunimah, 21 septembre 2007).

Le 28 février, les collègues de Vilnai y ajoutent leurs propres paroles incendiaires. Meir Sheetrit, du cabinet du Premier ministre, déclare qu’Israël doit « frapper tout ce qui bouge » dans Gaza « avec armes et munitions », ajoutant, « Je ne pense pas que nous ayons à faire preuve de pitié à l’égard de quiconque cherche à nous tuer ».

Et aujourd’hui, Tzachi Hanegbi, ancien membre du parti Kadima du Premier ministre israélien, Ehud Olmert, dit qu’Israël doit envahir Gaza pour « renverser le régime terroriste du Hamas » et que les forces israéliennes qui renforcent actuellement l’occupation de Gaza depuis sa périphérie et par l’aviation, doivent se préparer à rester à l’intérieur de ce territoire « pour des années ».

Pendant que les dirigeants israéliens font monter la violence et les menaces, d’autres, de haut rang, et une grande majorité de l’opinion israélienne, souhaitent des négociations directes avec le Hamas pour arriver à un cessez-le-feu réciproque, ce que le Hamas ne manque pas de proposer depuis des mois.

« Pour 66% des Israéliens, le gouvernement doit engager des pourparlers avec le gouvernement Hamas à Gaza afin d’obtenir un cessez-le-feu et la libération du soldat Gilad Shalit », indique le quotidien israélien Ha’aretz le 27 février, citant un sondage de l’université de Tel Aviv. L’article note que la moitié des sympathisants du Likud et la grande majorité des électeurs du Kadima et de ceux du Parti travailliste approuvent de tels pourparlers, 28% seulement des Israéliens s’y opposant encore.

Yossi Beilin, député à la Knesst, dirigeant du parti sioniste de gauche Meretz-Yahad, a appelé à un cessez-le-feu négocié avec le Hamas, notant qu’« il y a eu au moins deux demandes de cessez-le-feu de la part du Hamas, par l’intermédiaire de tiers », indique le Ha’aretz de ce 29 février. Le ministre à la Sécurité publique israélien, Avi Dichter, en visite hier à Sderot, a critiqué l’escalade militaire d’Israël, disant : « Certains parlent d’entrer et d’occuper la bande de Gaza, ce sont des idées populistes auxquelles je ne m’associe pas et à mon avis, elles ne viennent pas de personnes intelligentes. » Et, lors d’une interview au magazine Mother Jones du 19 février, l’ancien chef du Mossad, les renseignements israéliens, Efraim Halevy, a répété ses appels à Israël et aux USA pour négocier un cessez-le-feu avec le Hamas. Rejetant la rhétorique épouvantable sur le collectif, Halevy a déclaré : « le Hamas n’est pas al-Qaida », « il n’est pas inféodé à Téhéran ».

La question reste de savoir pourquoi, quand la grande majorité des Israéliens (dont certains hauts responsables) et des Palestiniens, et les dirigeants du Hamas, sont tous prêts à discuter d’un cessez-le-feu, pourquoi le gouvernement israélien le refuse et pourquoi les USA refusent d’appeler à un cessez-le-feu. La secrétaire d’Etat US, Condoleezza Rice, fait porter la responsabilité de l’escalade sanglante entièrement sur le Hamas, et elle n’a pas appelé à un cessez-le-feu. Ceci fait écho à son soutien au bombardement impitoyable du Liban par Israël, en 2006, et on se souvient qu’elle l’avait célébré ouvertement comme « les douleurs de l’enfantement d’un nouveau Moyen-Orient ».

Les populations palestiniennes et israéliennes en ont assez des bains de sang incessants, quoique inégaux. Elles paient le prix d’un échec politique essuyé par Washington et ses fidèles régionaux, dans leurs tentatives de diaboliser, d’isoler et de détruire tout mouvement qui s’oppose à l’ordre que les Etats-Unis cherchent à imposer dans la région.


(1) - Voir aussi Ha’aretz, 1er mars 2008 (ndt)


Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006)

Du même auteur :

- "Quelle sera la prochaine étape logique pour Israël ?",
18 février 2008.

- "La démocratie : une menace existentielle pour Israël ?", 5 janvier 2008

- "Débattre avec le Hamas et le Hezbollah",
7 novembre 2007.

29 février 2008 - The Electronic Intifada - Image : Wissam Nassar/MaanImages - Traduction : JPP


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