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Quelle sera la prochaine étape logique pour Israël ?

lundi 18 février 2008 - 14h:05

Ali Abunimah - The Electronic Intifada

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Etats-Unis mis à part, Israël est le seul pays pour qui l’assassinat de dirigeants étrangers est une option politique ouvertement discutée.

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Police israélienne des frontières, déployée pour contrer une manifestation contre le mur d’Apartheid dans le village d’al-Khader en Cisjordanie - On remarquera que pour s’opposer à une manifestation pacifique, cette police connue pour sa violence et sa cruauté dispose d’armes de guerre - Photo : Luay Sababa/MaanImages

« Logiquement, l’étape suivante pour le gouvernement israélien sera de décider s’il ciblera la haute direction politique » du Hamas. Cette déclaration émane d’un officiel israélien cité dans The Jerusalem Post. Tzahi Hanegbi, membre supérieur du parti Kadima du Premier Ministre Ehud Olmert, et président du Comité des affaires étrangères et de la défense à la Knesset, s’est fait l’écho de cet appel en prétendant que : « il n’y a pas de différence entre ceux qui portent une veste d’explosifs et ceux qui portent un costume de diplomate ». Après une réunion du cabinet le 10 février, le Ministre de l’intérieur israélien Shimon Sheetrit a expressément recommandé l’exécution d’Ismail Haniyeh, premier ministre démocratiquement élu du Hamas et a ajouté - pour ne pas faire les choses à moitié - « Nous devons prendre un quartier de Gaza et l’effacer de la carte ».

En septembre dernier, Yossi Alpher, cofondateur de la publication Bitterlemons financée par l’Union européenne, a écrit un article préconisant qu’il fallait « décapiter la direction du Hamas, tant la direction militaire que la « direction civile ». Alpher, ancien conseiller spécial auprès du ministre israélien de la défense, Ehud Barak quand ce dernier était premier ministre craignait qu’Israël « ne paie le prix d’une telle action du fait de la condamnation internationale qui s’ensuivrait » puisqu’Israël « viserait des officiels du Hamas légalement élus ayant remporté des élections honnêtes » ; toutefois, dans l’ensemble cela en vaudrait bien la peine.

Exécuter des dirigeants démocratiquement élus peut exiger plus de chutzpah que même Israël n’en a montré, mais la possibilité et les conséquences désastreuses qui en découleraient doivent être prises au sérieux vu les antécédents d’Israël. En 2004, ce dernier a exécuté le Sheikh Ahmed Yassin, cofondateur du Hamas, vieux, quadriplégique et confiné dans une chaise roulante et peu de temps après, son successeur à la tête du mouvement, le Dr Abdel Aziz Rantisi.

Etats-Unis mis à part, Israël est le seul pays pour qui l’assassinat de dirigeants étrangers est une option politique ouvertement discutée.

La propagande officielle d’Israël présente toutes ses récentes actions comme des mesures de défense nécessaires afin d’arrêter les tirs de roquettes provenant des combattants palestiniens de Gaza. Toutefois, si l’objectif d’Israël était d’obtenir le calme et d’arrêter la violence, le premier pas logique serait de ne pas envisager de nouvelles atrocités ; il lui faudrait plutôt réagir positivement aux propositions répétées du Hamas pour un cessez-le-feu.

Après son élection en janvier 2006, le Hamas a observé un cessez-le-feu unilatéral pendant plus de un an. Les dirigeants du Hamas ont proposé une trêve de longue durée, sur le modèle d’autres groupes militants, notamment l’Armée républicaine irlandaise (IRA) dont le cessez-le-feu de 1994 a préparé la voie pour un accord de paix en Irlande du Nord. (En décembre, le Président américain, George W. Bush, a reçu à la Maison blanche Martin McGuinness, ancien commandant en second de l’IRA, et à présent Vice Premier Ministre d’Irlande du Nord).

En décembre dernier, Haaretz a signalé que le Hamas avait obtenu l’accord de toutes les factions pour qu’elles cessent de tirer des roquettes sur Israël, à condition que ce dernier fasse de même. Le Hamas avait aussi entrepris des négociations indirectes pour la libération de prisonniers politiques palestiniens en échange d’un prisonnier de guerre israélien détenu à Gaza.

Olmert a rejeté l’offre de cessez-le-feu de décembre. « L’Etat d’Israël » a-t-il dit « ne s’intéresse pas à des négociations avec des entités qui ne reconnaissent pas les exigences du Quartette ». En d’autres termes, il ne pouvait pas y avoir de cessez-le-feu à moins que le Hamas n’accepte unilatéralement toutes les exigences israéliennes avant même le début des négociations.

Le problème n’était pas que les officiels israéliens ne croyaient pas le Hamas capable de faire cesser les hostilités. Barak aurait été en faveur d’une hudna - une trêve renouvelée, et un « important officiel israélien de la sécurité » a déclaré à Haaretz : « Il n’y pas de doute que le Hamas est capable de forcer le Jihad islamique et les autres petites factions de la Bande de Gaza à suspendre les hostilités...Ce ne sera pas un arrêt complet ; toutefois, même à 98% la baisse serait un grand changement ». (« Olmert rejette l’offre de cessez-le-feu du Hamas, Haaretz, 25 décembre 2007).

Si même Israël croyait le Hamas capable de faire appliquer une trêve, pourquoi refuse-t-il de l’accepter ? Pourquoi a-t-il refusé d’engager le Hamas à l’instar des responsables politiques américains et britanniques avec l’IRA ?

Pour Israël, la possibilité de voir le Hamas faire un virage vers la politique est une menace et non pas une chance. Israël n’a aucune envie de faire face à des dirigeants palestiniens qui, tout à la fois, luttent pour obtenir les droits fondamentaux des Palestiniens, qui sont capables de légitimité et qui bénéficient du soutien populaire.

Donc, au lieu d’engager le Hamas, les USA et Israël ont annoncé un boycott complet dans le but de dresser la population palestinienne contre le mouvement.

Simultanément, le spectacle du processus de paix a été relancé à Annapolis en novembre dernier. Cette conférence a été suivie par la réunion internationale de donateurs à Paris au cours de laquelle des promesses de fonds ont inondé l’Autorité palestinienne afin de rehausser aux yeux des Palestiniens le prestige du « gouvernement » de Ramallah, non élu et appuyé par Israël que dirigent Mahmoud Abbas et Salam Fayyad. Sous ce patronage renouvelé, Abbas et compagnie ont été pressés de signer un marché par lequel ils renonçaient aux droits des réfugiés palestiniens et acceptaient un Bantoustan palestinien sous la domination permanente d’Israël.

Evidemment, que d’autres que le Hamas s’opposent à l’accomplissement de cette lubie israélienne. Le peuple palestinien s’unirait contre un tel marché. Mais le Hamas est l’obstacle le plus visible et le mieux organisé.

Plutôt que de plier sous la pression, le Hamas a réalisé certains gains tactiques impressionnants, malgré l’agonie montante de Gaza. Même les sondages douteux produits par des organisations non gouvernementales financées par l’Union européenne montrent que le Hamas connaît un regain de soutien après que la frontière entre Gaza et l’Egypte eut été forcée. Toutefois, comme Israël et ses partisans refusent obstinément de donner un rôle politique au Hamas, même pas celui de contrôler le passage des frontières, le mouvement n’a aucun moyen de concrétiser ces victoires tactiques en gains stratégiques. Sauf dans un domaine : celui de l’opinion publique mondiale.

Israël et l’Egypte, principaux responsables du blocus de Gaza, ont été très embarrassés par l’élan populaire qui a temporairement rompu le siège. Aucun événement récent n’a à ce point attiré l’attention sur le sort des Palestiniens et exposé les crimes israéliens sous les projecteurs internationaux. Mais, une telle initiative ne suffit pas ; déjà, Israël et l’Egypte, avec le soutien du régime collaborateur de Ramallah, l’UE et les USA essaient de réintroduire le blocus. (Se faisant l’écho répugnant d’Ytzhak Rabin qui avait donné l’ordre aux soldats israéliens pendant la première intifada de casser les os des Palestiniens, Ahmed Aboul Gheit a promis de faire de même aux Palestiniens s’ils continuent à entrer en Egypte).

Certains dirigeants du Hamas semblent comprendre la nécessité, et en fait les risques, d’une résistance de masse non violente. « La prochaine fois qu’il y a une crise dans la Bande de Gaza, Israël aura à faire face à un million de Palestiniens qui marcheront sur Erez [le passage avec Israël], » a dit Ahmed Yousef, conseiller principal de Ismail Haniyeh. « Ce n’est pas un scénario imaginaire et beaucoup de Palestiniens seraient être prêts à sacrifier leur vie ». Si elles sont convenablement planifiées, de nouvelles actions de masse comme celles-là, pourraient galvaniser l’opinion publique dans les pays arabes et européens et même en Amérique du Nord, forçant certains gouvernements à abandonner leur consensus pro-israélien.

Toutefois, c’est là que réside le plus grand danger : avec l’escalade à Gaza et le refus d’accepter un cessez-le-feu, Israël essaie de provoquer plus d’attaques à la roquette et de forcer le Hamas à abandonner complètement sa stratégie politique obtenant ainsi le prétexte nécessaire pour « décapiter » l’organisation. Malheureusement, certains indices montrent que le Hamas saute actuellement dans le piège.

Certains dirigeants politiques du Hamas semblent avoir été pris par surprise quand l’aile militaire du mouvement a revendiqué l’opération suicide en Israël, la première depuis 2004. L’attaque dans la ville israélienne de Dimona, le 6 février, a tué une vieille femme et le poseur de bombe. Comme Israël et la « communauté internationale » rejettent toutes les initiatives politiques du Hamas, les membres de l’organisation qui plaident en faveur d’une reprise de la lutte armée totale sont peut-être en train d’avoir le dessus.

Si le Hamas commet cette tragique erreur de calcul, les dirigeants israéliens pousseront un soupir de soulagement. Après tout, Israël préfère de loin que des roquettes tombent sur Sederot plutôt que de voir des centaines de milliers de civils palestiniens marcher sur les postes de contrôle de Gaza ou de Cisjordanie.

Logiquement, l’étape suivante est que tous les dirigeants palestiniens restés loyaux à la cause de leur peuple travaillent ensemble à la mobilisation de la population, non pas au profit de leur faction, mais pour exposer le régime d’apartheid d’Israël à un élan soutenu et irrésistible de pouvoir populaire.

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Ali Abunimah

Ali Abunimah est cofondateur de The Electronic Intifada et l’auteur de One Country : A Bold Proposal to End the Israeli-Palestinian Impasse (Metropolitan Books, 2006)

Du même auteur :

- Débattre avec le Hamas et le Hezbollah
- Et le spectacle continue...
- Déshumaniser les Palestiniens
- La guerre de Mahmoud Abbas contre le peuple palestinien

11 février 2008 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : amg


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