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Retour à Rafah

dimanche 24 décembre 2006 - 05h:42

Dr Bill Dienst - USA

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Cette séparation forcée de la ville de Rafah était triste en 1985, mais à y penser maintenant, c’était une époque bien meilleure que celle d’aujourd’hui.

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A l’entrée de Rafah.

19 novembre 2006, au sud de Gaza

Hier, à Gaza, j’ai rencontré Scott Kennedy, ancien maire de Santa Cruz, Californie. Il est venu au Moyen-Orient avec le sénateur de l’Etat de Californie, Joe Semidian, et sont allés en Cisjordanie et en Israël. Malheureusement, seul Scott Kennedy est venu ici, à Gaza. Le sénateur a pris peur suite à des avertissements dissuasifs du gouvernement israélien et du Département d’Etat US.

Aujourd’hui, Mr Kennedy se fait escorter pour visiter Rafah, à partir de son hôtel El Deira à Gaza ville, par un convoi de l’Autorité palestinienne, et j’ai décidé d’aller avec lui. Nous irons aussi à Khan Younis et sur les ruines des anciennes colonies côtières israéliennes de Gush Katif, qui prenaient plus d’un tiers du front de mer de la Bande de Gaza. Nous n’aurons pas le temps de sortir du convoi cependant.

Nous sommes ensemble dans une voiture, avec des gardes palestiniens sérieusement armés qui nous suivent et nous précèdent de près ; Nous c’est deux Américains et Mr Husam El Nou-Nou, un de nos confrères palestiniens du Programme de psychiatrie de la communauté de Gaza. Nous nous rendons à Rafah sous une totale protection policière, à grande vitesse, avec sirènes et gyrophares. L’Autorité palestinienne nous protège des Etats-Unis.

Toute cette sécurité de VIP a été considérée comme nécessaire à cause des politiques excessives et cruelles de notre gouvernement américain sous l’administration Bush... politiques qui ont provoqué la guerre, l’obstruction, le mécontentement et la non démocratie.

L’Autorité palestinienne a été humiliée et maintenant il y a le blocus contre le Hamas. Bush a profondément détruit le niveau de vie du peuple palestinien en général.
Nous devons être protégés juste pour le cas où il y aurait quelqu’un dans cet enfer terrestre, de surpeuplements, d’obstructions, de destructions, ici à Rafah, quelqu’un qui voudrait dénoncer l’appui inconditionnel de notre gouvernement à Israël, malgré tant d’atrocités récentes et passées contre le peuple palestinien de Gaza. Ce pourrait être quelqu’un qui soit armé et en colère, maintenu trop longtemps sous pression. Quelqu’un dont la vie aurait été détruite par l’indifférence d’Israël et de notre gouvernement, et qui pourrait chercher à se venger sur Scott Kennedy ou sur moi, comme symboles de cette oppression, simplement parce que nous sommes des citoyens américains.

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La peine de femmes à Rafah, 8 h après que les chars et les bulldozers israéliens aient détruit leurs maisons où vivaient 40 membres de la famille.

En raison de la cruauté du gouvernement US envers le peuple palestinien, l’Autorité palestinienne doit prendre des mesures exceptionnelles pour nous protéger pendant que nous séjournons à Rafah. Quelle ironie ! Et quelle hospitalité exceptionnelle ! Je préfèrerais simplement que tout cet argent soit dépensé pour aider ces gens si pauvres que nous voyons à travers les vitres de la voiture autour de nous, alors que nous traversons Khan Younis et Rafah à toute allure...

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La région frontière à Rafah, en 1985.

Je suis déjà venu deux fois à Rafah. La première était en 1985 alors qu’une porte de fer et deux barrières avec des piquets de fer séparaient la partie palestinienne de la partie égyptienne de la ville de Rafah. Alors, les parents de chaque côté pouvaient encore se voir et communiquer en criant depuis leur côté respectif de la porte et de la barrière. Cette séparation forcée était triste en 1985, mais à y penser maintenant, c’était une époque bien meilleure que celle d’aujourd’hui.

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La région frontière à Rafah, en 1985.

Je suis venu à Rafah une deuxième fois en novembre 2003, deux semaines après que l’ancien Premier ministre israélien, Ariel Sharon, ait ordonné la destruction des logements le long de l’énorme mur de fer qui a remplacé les barrières et la frontière avec l’Egypte. La route du vieux Salah Al Din et les quartiers de Salam ont été supprimés pour élargir ce mur, qui dans un double langage orwellien, est appelé maintenant, le « Couloir de Philadelphie ». A l’époque, plus de 2 000 personnes se sont retrouvées sans abris du jour au lendemain, les appartements de davantage de personnes encore, toujours habitables, ont été partiellement détruits et les gens très effrayés. Beaucoup de ces logements furent complètement détruits par la suite. Est-ce ce que vous appelez ça l’amour fraternel ?

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Destruction sur la frontière à Rafah en novembre 2003.

Aussi horrible qu’elle ait pu être, la persécution de Rafah n’en était qu’à ses premiers stades. Depuis lors, plus de 2 500 maisons ont été détruites ici à Rafah et 4 000 familles, environ 20 000 habitants, sont sans toit en raison des mesures dites « de sécurité » d’Israël.

Toute cette destruction se produit dans l’un des secteurs les plus densément peuplé de la terre ; ce surpeuplement existe depuis « la Catastrophe », c’est-à-dire la création d’Israël sur la terre de Palestine en 1948. Huit camps de réfugiés ont été créés alors à Gaza, faisant de ce paysage plat, aride et sablonneux, un lieu extrêmement surpeuplé.

Israël a retiré ses 8 000 colons de Gaza il y a un an, en 2005. Leur départ a libéré 40% du territoire de Gaza pour les 1,5 million de Palestiniens d’ici. Gush Katif, l’énorme bloc de colonie dans le sud recouvrait un tiers du territoire littoral de Gaza et ressemblait à la Côte d’Azur française avant sa démolition totale qui a précédé le retrait. Gaza a beaucoup de potentiel commercial et résidentiel.
Malheureusement, cette terre reste inutilisée à cause du manque d’argent pour son développement.

L’économie palestinienne à Gaza dépend en grande partie des institutions, qui elles-mêmes dépendent de l’aide internationale, car Gaza est petite, surpeuplée et nettement limitée en ressources naturelles. Les Palestiniens d’ici souffrent maintenant d’une politique d’étranglement économique.

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Destruction sur la frontière à Rafah en novembre 2003.

Ils sont collectivement punis pour avoir ouvertement pratiqué la démocratie. Qu’on agrée l’idéologie du Hamas ou non, il n’en est pas moins vrai que le peuple a élu le Hamas avec une majorité au Conseil législatif lors d’élections honnêtes, et sa décision doit être respecté. Malheureusement, elle ne l’est pas.

Et maintenant, parce que le Hamas a été déclaré organisation « terroriste » par Israël, il n’y a plus de diplomatie du tout. Les fermes, les usines, les ateliers et les bateaux de pêche sont systématiquement détruits par les forces d’occupation israélienne, ou sont détériorés, privant les habitants de leurs ressources pour vivre. Les salariés du gouvernement n’ont pu être payés depuis des mois, Israël retenant les revenus fiscaux qu’ils doivent à l’Autorité palestinienne, et même les ONG subissent des retards dans leur financement. Les gens ici sont totalement maltraités par Israël et ses financiers d’Occident. Que peuvent-ils faire ?

Notre première visite à Rafah est pour le centre médical d’Al Awda, parrainé par l’Union des comités de travail de la santé, une ONG. Ce centre assure le service total de premiers soins, dont les appels à domicile. Ces visites sont faites à la fois chez ceux qui bloqués à leur domicile pour des raisons médicales et aussi pour ceux qui risquent l’arrestation ou un assassinat ciblé par les forces d’occupation israéliennes et qui se cachent.
A l’étage, se trouve le centre Rachel Corrie, qui reçoit un soutien d’Olympia, ville jumelée avec Rafah, et aussi d’autres sources. Son directeur, Mr Sa’id Sekweil nous emmène visiter.

On estime que 27,5% des enfants de Rafah souffrent actuellement de handicap pour apprendre et qu’il y a un taux élevé de retard à parler. Un taux élevé aussi d’énurésie, de malnutrition, de perturbations pendant le sommeil et de comportements violents et agressifs.

Le centre Rachel Corrie assure des services pour les enfants qui ont des besoins particuliers. Nous sommes introduits dans une pièce où un orthophoniste palestinien s’occupe de deux jeunes garçons souffrant d’un retard important de la connaissance et du langage à cause de désordres nerveux chroniques. Leur expression est très déprimée comparée à des enfants en situation normale du même âge. Les expositions répétées à des explosions fortes produisent aussi chez beaucoup d’enfants des déficits d’audition.

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A l’école primaire du centre Rachel Corrie.

Dans une autre pièce, il y a une école où on dispense des cours d’anglais afin de créer « un lien entre les enfants de Rafah et le monde ». Il y a également une salle d’ordinateurs pour l’accès à Internet et pour en enseigner la technique aux enfants.

Le printemps dernier, l’école a tenu à célébrer la Fête des mères. Les élèves avaient organisé un tribunal fictif qui a jugé George Bush, Condi Rice et les dirigeants israéliens coupables de crimes de guerre.

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Programme d’habilitation des Femmes au centre Rachel Corrie.

A l’étage au-dessus du centre Rachel Corrie, il y a le Programme pour l’habilitation des Femmes (WEP). Le directeur en est Mme Manal Awwad. Elle est assistée de Mme Bothaina Soboh, psychiatre et directrice, pour la ville de Rafah, du Programme de psychiatrie de la Communauté de Gaza. Elles sont là pour nous parler des problèmes que rencontrent les femmes, particulièrement des problèmes psychologiques spécifiques aux femmes d’ici.

Rafah a une culture islamique traditionnelle et est soumise actuellement à une tension immense. Les hommes, qui sont traditionnellement les soutiens de leur famille dans cette société, sont sans emploi à 70% et ressentent une forte humiliation. La violence domestique s’accroît dans une telle situation. Les femmes ici subissent la violence domestique dans plus de situations de ruptures que jamais auparavant, mariées, divorcées, séparées ou veuves.

Depuis 2005, dans le cadre d’un projet stratégique, un programme pour les victimes de violence a été développé. C’est actuellement un programme d’une année avec deux années de prévues. Actuellement, 48 femmes par an sont inscrites. Le programme possède une phase psychologique, une phase économique et une phase sociale.

Il y a les classes groupées et des thérapies individuelles conçues à partir des besoins de chaque femme, de son niveau éducatif et de bien d’autres facteurs. Il y a un programme formel qui dure 6 mois avec un suivi de plusieurs mois pour les troubles continus.

Le WEP a également des programmes d’enseignement dans six écoles de la région où les problèmes de violences, des droits de femmes, et où des questions plus sensibles comme l’éducation sexuelle qui était jusqu’ici tabou, sont abordés.

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Destruction au bloc « O » à la frontière de Rafah avec l’Egypte.

Il y a aussi un travail de conseil où WEP interagit avec le système judicaire traditionnel. Dans l’environnement négatif actuel, les meurtres d’honneur deviennent plus fréquents qu’avant.

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Destruction au bloc « O » à la frontière de Rafah avec l’Egypte.

Ensuite, nous nous rendons dans un quartier, le block « O », construit par l’UNRWA et qui a, depuis, eu 700 maisons détruites. Nous visitons aussi le quartier Salam construit il y a 20 ans par les autorités locales et qui, depuis 2003, a été totalement détruit. C’est ici que Rachel Corrie a été tuée.

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Destruction au bloc « O » à la frontière de Rafah avec l’Egypte.

En remontant vers le nord, nous traversons Khan Younis et allons vers la plage où les blocs de colonies israéliennes de Gush Katif se trouvaient. Ce secteur a été complètement rasé avant le retrait des colons ; seules restent quelques serres. Aujourd’hui, ce secteur est une immense terre en friche attendant que l’embargo contre l’Autorité palestinienne prenne fin pour être exploitée.


Le Dr. Bill Dienst est médecin de famille rural et du services des urgences d’Omak, Washington, USA.

Rafah, Bande de Gaza occupée - Live from Palestine - 22 décembre 2006
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : JPP


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