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La tragédie de Gaza

samedi 9 février 2008 - 06h:30

Wahid Abdel-Méguid - Al-Ahram/hebdo

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Il n’y a pas moyen de sauver nos frères de Gaza, tout comme de Cisjordanie, sauf si nous luttons contre la disparition de la cause noble principale. Il n’y a pas moyen de sauver la situation sauf si les leaders de Gaza et de Cisjordanie ainsi que les deux principaux mouvements, le Hamas et le Fatah, assument leurs responsabilités nationales.

La scène dans la bande de Gaza est pénible et attristante pour n’importe quelle conscience humaine. Et ceci s’applique sur les 365 km2 et non pas uniquement aux environs du point de passage de Rafah. Rafah qui a vu la sortie des milliers de Palestiniens fuyant une tragédie sans pareille dans le monde d’aujourd’hui.

La situation à Gaza est difficile, même sans blocus. Imaginons alors ce qu’elle peut être lorsque la bande se transforme en une prison, au sens propre du terme. On répète depuis des années que Gaza compte environ un million et demi d’habitants. Mais il est fort probable que ce nombre frôle aujourd’hui les deux millions ou au moins un million et 800 000. Difficile d’imaginer que cette population vit dans « une boîte », d’autant plus que la longueur de la bande ne dépasse pas les 40 km pour une largeur de 10 km.

En plus de cette densité démographique, l’une des plus élevées à l’échelle mondiale, la population vit sur une terre quasiment sans ressources. Seuls quelques lopins de terres sont cultivés, il y a aussi de petites usines qui pour la plupart sont plutôt des petits ateliers dont le nombre ne dépasse pas 300. Il était donc tout à fait naturel que le résultat de cette équation, qui est incontestablement symbole de misère, soit un taux très élevé de chômage et de pauvreté, des plus hauts du monde.

Puisque le secteur de Gaza depuis son occupation en 1967 n’a jamais connu une vie normale, cette équation paraît plus misérable encore, que ce soit dans ses composantes ou dans ses résultats. Combien de feddans (1 feddan = 0,42 ha) cultivés ont été rasés par les forces d’occupation ? Même les fameux oliviers de la région ont été complètement anéantis. Comme si les forces d’occupation trouvaient du plaisir à porter préjudice à tout ce que Dieu a béni. Les petits ateliers sont également devenus la cible des campagnes et des raids féroces d’Israël.

L’Egypte ne peut pas devenir l’acteur d’un blocus

C’est dans ce contexte que s’inscrit la position courageuse de l’Egypte lorsqu’elle a assumé la responsabilité humaine et nationale de sauver Gaza en ouvrant la frontière de Rafah et en permettant le passage d’un grand nombre de ses habitants. Ce après qu’Israël eut isolé Gaza et interdit l’accès des marchandises, des médicaments, des carburants et de l’électricité.

Sur le plan humain, l’Egypte ne peut pas devenir l’acteur d’un blocus qui se transformera en un crime contre l’humanité au cas où il persisterait. Sur le plan national, la bande de Gaza est reliée à la sécurité égyptienne. Si la cause palestinienne représente l’une des facettes de l’intérêt national égyptien et ne s’inscrit pas uniquement dans le cadre de l’engagement de l’Egypte aux causes nationales arabes, le secteur de Gaza se trouve géographiquement et historiquement au c ?ur même de cet intérêt. En plus du Soudan bien sûr.

L’Egypte était directement responsable de ce secteur entre 1948 et 1967. Des relations d’un type que l’on retrouve rarement se sont alors tissées entre les Egyptiens du Sinaï et leurs frères de Gaza.

Le rideau ne peut jamais tomber pour annoncer la fin de cette histoire, parce qu’il s’agit d’une cause noble et liée à des constats et des réalités géographiques. Si les relations géographiques fabriquent l’Histoire dans ce cas particulier, elles déterminent également les destins.

Le plus douloureux dans la scène que vit actuellement la bande de Gaza est l’absence de règlement de la cause noble, qui a engendré toute cette situation et qui pourrait entraîner le pire.

La tragédie humaine de Gaza fait pleurer le monde entier à un moment où la catastrophe politique, dans la bande comme en Cisjordanie, n’est pas moins pénible aux yeux des sympathisants de la cause palestinienne. Cette cause, qui a préoccupé les opinions publiques des décennies durant, s’est perdue dans les méandres de la tragédie humaine pesante à Gaza. Espérons qu’elle ne sera pas oubliée, à l’heure où le facteur humain prédomine aujourd’hui et éclipse tous les autres dossiers. S’il est vrai que le facteur humain prend le dessus ou suspend le politique, la chose ne doit pas être vue sous cet angle dans le cas palestinien. Surtout que depuis toujours le facteur humain et le facteur politique sont les deux facettes d’une même monnaie pour ce qui est de la cause palestinienne. Je dirais alors que la douleur engendrée par la tragédie humaine a été la même que celle ressentie avec l’anéantissement jour après jour de la cause noble de la Palestine.

Nous ne devons pas ignorer toutes ces réalités, même si nous sommes plongés dans la douleur de la tragédie de Gaza. Il n’y a pas moyen de sauver nos frères de Gaza, tout comme de Cisjordanie, sauf si nous luttons contre la disparition de la cause noble principale. Il n’y a pas moyen de sauver la situation sauf si les leaders de Gaza et de Cisjordanie ainsi que les deux principaux mouvements, le Hamas et le Fatah, assument leurs responsabilités nationales. Ces responsabilités tombées dans l’oubli lorsqu’ils se sont noyés dans leurs conflits sur le pouvoir, l’influence, les intérêts et les fonds.

Plus le règlement du conflit palestinien interne prend du retard, plus il se complique. Il prendra progressivement mais rapidement un aspect proche du conflit libanais dont le règlement s’avère impossible sans une entente régionalo-internationale. Si ce scénario prévaut, il est inéluctable que la cause palestinienne se dissipera. Ce qui nécessitera une action arabe rapide pour la sauver de ceux qui sont supposés être ses parrains.

Entre-temps, il est vital de déconnecter immédiatement Gaza d’Israël, surtout en ce qui concerne la fourniture d’électricité et de carburant. Il est clair qu’Israël est capable d’étouffer les habitants de ce secteur même au cas où ils parviendraient à une solution quant aux points de passage. Il est alors probable que le fait d’intégrer Gaza dans le projet d’alimentation électrique de l’est et du sud de la Méditerranée soit un pas dans ce sens. Ainsi sera-t-il possible de sauver les Palestiniens et la Palestine même. La Palestine, cette cause qui se dissipe devant nous jour après jour.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 6 au 12 février 2008, numéro 700] (Opinion)


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