Siège de Gaza : témoignage (2) - Beit Hanoun, au nord de la bande de Gaza
vendredi 1er février 2008 - 05h:51
PCHR Gaza
« C’est notre terre et nous allons y rester ».
- la famille Swailem est inflexible : on ne les fera pas partir de leurs terres.
Beit Hanoun, au nord de la Bande de Gaza
Chaque fois qu’il se tient sur le pas de sa porte d’entrée ou qu’il regarde par la fenêtre du premier, Jamal Swailem voit clairement le point de passage d’Erez. Sa maison n’est qu’à 400 mètres d’Erez, suffisamment proche pour voir les piétons marcher à travers le passage pour entrer à Gaza et assez proche aussi pour permettre aux forces d’occupation israéliennes de voir chaque mouvement de la famille Swailem.
Jamal Swailem a vécu dans cette maison toute sa vie. Il a aujourd’hui 49 ans et a 6 enfants qui, tous, vivent à la maison avec lui et sa femme. Son père, Abu Jamal (90 ans) à vécu dans la maison voisine toute sa vie. Deux autres frères et leurs familles vivent juste à quelques mètres de là. En tout, 40 membres de la famille Swailem vivent dans quatre maisons côte à côte, touchant presque le passage frontalier d’Erez. Ils possèdent entre eux un petit peu de terres, environ 1,7 hectares et ils la cultivent ensemble.
« Nous avions des agrumes » dit Jamal Swailem. « Nous avions des bocages d’orangers et de citronniers ainsi que de pamplemousses et de goyaves car la terre ici est très riche. Certains de ces arbres avaient 50 ans. La première fois que les Israéliens ont déraciné au bulldozer nos arbres, nous les avons immédiatement replantés. Quand ils ont recommencé, nous les avons à nouveau replantés. Les Israéliens endommagent et détruisent et nous reconstruisons. C’est notre vie. Mais la troisième fois qu’ils ont déraciné nos arbres, nous avons décidé de faire pousser des légumes à la place des arbres ».
La destruction de propriétés de civils, y compris de terres agricoles, est illégale selon la loi internationale et la loi humanitaire, et selon la Quatrième Convention de Genève. Le Centre Palestinien pour les Droits Humains (PCHR) enquête et consigne les violations des droits humains dans tous les territoires palestiniens occupés, y compris les destructions par l’armée israélienne des terres agricoles dans la Bande de Gaza. Depuis 2000, les forces d’occupation israéliennes ont détruit plus de 380 hectares de terres agricoles à Gaza, privant délibérément des milliers de familles palestiniennes de pouvoir subvenir correctement à leurs besoins.
La famille Swailem gagne aujourd’hui sa vie en faisant pousser des tomates, des pommes de terre et d’autres légumes. La maison de Jamal est couverte d’impactes de balles. Il raconte que l’armée tire aveuglement sur leur maison chaque fois qu’elle envahit la zone. Sa famille a survécu aux nombreuses incursions israéliennes et Jamal raconte qu’ils vivent sous la menace constante d’encore une autre incursion.
« L’armée arrive avec des tanks » raconte-t-il. « Parfois ils ne font que venir dans cette zone, parfois ils se dirigent vers la ville de Beit Hanoun mais ils passent toujours par ici. Il arrive parfois que ma famille soit obligée de rester dans une seule pièce pendant plus de 2 jours pour essayer d’être à l’abri. C’est extrêmement dangereux. » Imad, le fils de 15 ans de Jamal, est assis à côté de lui. « Notre vie ici n’est que tension, peur et déstabilisation totale » dit-il. « Je m’attends à ce que la mort nous frappe à tout moment ».
Imad raconte que la famille ne peut pas sortir après 17 heures parce que les incursions se passent principalement la nuit. « Nous fermons la porte à clef et restons à l’intérieur » dit-il. « Personne ne vient nous rendre visite car les gens ont peur de venir ici ». Il y a deux ans, l’armée a tiré et tué un voisin qui vivait en face de leur maison. Mais la famille Swailem est inflexible : on ne les fera pas partir de leurs terres. « J’ai vécu ici près de cinquante ans et mon père est ici depuis presque cent ans » dit Jamal. « C’est notre terre et nous allons y rester ».
A juste quelques champs de la famille Swailem, une femme, Samara, est chez elle, allaitant un petit miracle. Samara qui vit dangereusement près du passage frontalier d’Erez, était enceinte de huit mois quand elle est tombée malade et ne pouvait plus respirer. Son mari a appelé une ambulance mais les infirmiers ont refusé de venir. Selon Samara, ils avaient peur que les soldats ne tirent sur eux car ils les avaient prévenu de ne pas s’approcher de la frontière après la tombée de la nuit. Les infirmiers ont dit qu’ils l’attendraient à 800 mètres de chez elle. La famille de Samara l’ont « empaquetée » dans un chariot trainé par un âne et l’ont lentement emmenée vers l’ambulance. « J’ai commencé à perdre du sang et avais perdu beaucoup de sang avant d’arriver à l’ambulance » raconte-elle. « J’allais très mal et étais inconsciente. Mais, Dieu merci, mon bébé a survécu et il va bien ». Son fils, Nahed, est aujourd’hui âgé de 2 semaines.
Les droits humains internationaux et la loi humanitaire stipulent que le personnel médical ne doit sous aucun prétexte subir des attaques militaires. Néanmoins, malgré leur statut protégé selon la loi internationale, le PCHR a enregistré de nombreuses attaques contre le personnel médical palestinien.
L’expérience de ces deux familles montre les dangers et les violations auxquels font face des douzaines de familles palestiniennes ainsi que les petites communautés vivant dans le nord de la Bande de Gaza.
Mais, malgré le fait de vivre dans un des endroits les plus dangereux de Gaza, Samara et sa famille, tout comme Jamal Swailem et sa famille, restent inflexibles : ils ne partiront pas. Le PCHR continue à enregistrer les violations de droits humains dans tous les territoires palestiniens occupés et demande que les droits fondamentaux de vivre en sécurité sur leur propre terre soient accordés aux civils.
Lisez les autres témoignages :
28 janvier 2008 - PCHR (pdf) - Traduction : Ana Cléja