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Liban : à quand le tour des Palestiniens ?

dimanche 6 janvier 2008 - 23h:51

Christopher Brown - The Electronic Lebanon

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Deux jeunes amis, dans le camp de Shatila - décembre 2007 - Photo : Christopher Brown

Nous étions assis tous les quatre dans le local restreint d’une boutique située dans les allées tordues de Shatila, un camp de réfugiés palestinien qui avait été crée pour loger les familles qui avaient fui en 1948 la Palestine historique. Il y a 25 ans de ça, ce petit camp peu connu (ainsi que la zone voisine appelée Sabra) avait aussi été le lieu d’un massacre sanglant pendant lequel plus de 2.000 Palestiniens avaient été tués par les milices phalangistes appuyées par l’armée israélienne.

Mais tout cela n’était pas présent à l’esprit de mes trois hôtes. Nous étions trop occupés à parler de choses plus importantes.

« Inta mitjowez ? » (es-tu marié ?), m’a demandé l’un d’entre eux.

« Lo » (non) ai-je répondu, devinant tout de suite la question qui allait suivre.

« Lesh ? » (pourquoi ?), m’a demandé mon « inquisiteur.

« Inch Allah » (si Dieu de veut), ai-je répondu mettant fin ainsi à l’interrogatoire. Un nouveau sujet a démarré. Mon ami Salah s’est penché vers moi et m’a dit « peu importe où tu vas, tu tomberas sur un Palestinien et il te posera cette question ».

La conversation est passée d’un sujet à un autre : le sport, les relations, et le fait de fumer. Pendant tout ce temps je restais assis à écouter, ajoutant de temps à autre un commentaire.

Je suis venu au Liban pour enregistrer les histoires orales de ceux qui se souviennent d’avoir été expulsés de la Palestine en 1948. Hammed, le propriétaire de la boutique, est né à Shatila mais avait entendu parler de la Palestine à travers son père et sa mère qui avaient tous deux fui quand les sionistes (soutenus par les britanniques) sont arrivés et ont expulsé sa famille de leur terre. Aujourd’hui, à près de 60 ans, il me dit qu’il veut voir l’endroit d’où sont venus ses parents, ses origines mais aussi le pays qu’il n’a jamais vu.

« Parle-moi de la Palestine » me demande-t-il d’un ?il attentif, « raconte-moi tout ».

J’essaye de trouver les mots justes, mais pour une raison ou une autre, je n’y arrive pas. C’est trop difficile de tout expliquer en une seule fois. Mais je lui parle des terrasses sur les collines et de leurs vergers de vignes, d’oliviers et d’orangers le long de la route 60 qui relie Jérusalem à Hébron, une route réservée uniquement aux juifs. Je lui parle de la beauté de la Mosquée Ibrahimi de Hébron surtout pendant le Ramadan moment où le rassemblement de gens est si important que lors des prières du vendredi, les croyants débordent dans les rues de la Vieille Ville. Je lui raconte le plaisir que j’éprouve à récolter les olives malgré les problèmes aux quels sont confrontés les fermiers afin d’avoir accès à leurs terres à cause des forces d’occupation israéliennes et des colons.

Hammed écoute avec attention, mais ses yeux se tournent rapidement vers la télévision. Je la regarde pour comprendre ce qui l’intéresse tellement et remarque une histoire sur Al-Jazeera autour des Juifs de toute la diaspora qui émigrent en Israël. Nous regardons tous les quatre les images montrant de petits drapeaux israéliens qui sont agités pour les nouveaux citoyens d’Israël arrivant à l’aéroport Ben Gurion à Tel Aviv. D’autres images montrent des hommes, des femmes et des enfants qui pleurent, qui serrent dans leurs bras leurs êtres aimés et qui baisent le sol en sortant de l’avion.

« Je suis venue ici pour soutenir Israël », s’exclame une jeune femme de New York.

« Nous avons le devoir et l’obligation d’être aux côtés d’Israël », dit un autre.

Dans le fond, à l’intérieur de l’aéroport, se trouve une grande bannière avec écrit dessus : « Welcome home » (bienvenue à la maison) en anglais et en hébreu

Alors que l’histoire se poursuit, la pièce devient silencieuse. Nous fixons l’écran, personne ne fait de bruit. Finalement, l’histoire se termine et nous nous regardons, en souriant d’une manière affectée en faisant des commentaires sarcastiques et en éclatant de rire en voyant tout ça. Que pourrions-nous faire d’autre à ce moment précis ? Puis l’un d’entre nous dit à personne en particulier : « A quand notre retour au pays ? »

* Christopher Brown est le producteur et le présentateur de « Crossing The Line : Life In Occupied Palestine ». Il est le fils d’un combattant résistant noir sud-africain qui avait été arrêté et torturé sous le régime de l’apartheid. Il est retourné en Afrique du Sud en 1990 et a été emprisonné et torturé pendant 500 jours par la police des forces de sécurité.
Il a vécu et travaillé dans la Vielle Ville de Hébron en Palestine pendant 3 années, de 2002 à 2004. Il est actuellement en mission au Liban afin de recueillir les histoires orales des Palestiniens qui ont fui en 1948. On peut le joindre sur : christo@riseup.net


Du même auteur :

- Une voix rare : Ilan Pappé

2 janvier 2008 - Live from Lebanon - The Electronic Lebanon - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Ana Cléja


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