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De la méthadone pour le peuple ?

jeudi 3 janvier 2008 - 06h:43

Jeremiah Haber - The Magnes Zionist

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Le « Guide rabbinique pour 40 ans d’occupation » du Brit Tzedek v’Shalom.

Sam Bahour * a fait circuler la brochure de Brit Tzedek v’Shalom, curieusement intitulée « Rabbinic Guide to 40 years of Occupation » (ils voulaient dire : « Un Guide à destination des Rabbins »). La brochure est « destinée à encourager des centaines de rabbins, à travers les Etats-Unis, à profiter du 40e anniversaire de la guerre des Six Jours pour amener leurs congrégations à réfléchir aux implications de l’occupation israélienne ».

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Brit Tzedek v’Shalom

J’ai parcouru le Guide rapidement et j’ai été, comme d’habitude, traversé de sentiments mêlés. D’un côté, on trouve l’habituel credo sioniste libéral selon lequel la disgrâce d’Israël aurait commencé en 1967 ou plus précisément, avec le début du mouvement de colonisation, le Péché originel. La nostalgie du « paradis » d’avant 1967 est palpable dans la brochure.

Le Guide présente des poèmes, des mémoires et des exposés de seize Juifs et deux Palestiniens. Sans surprise, les deux seules mentions de 1948 sont le fait des Palestiniens, l’un d’eux relevant, à juste titre, que la tragédie de 1967 est issue de celle de 1948. En fait, ces chiffres ne sont pas tout à fait corrects : un des Juifs mentionne 1948 en écrivant que « la période allant de 1948 à 1967 a établi Israël comme un fait ».
Voilà pour la Naqba et l’éradication de la Palestine par l’Etat juif à l’intérieur des lignes de l’armistice.

Pourtant... il y a beaucoup à louer dans cet opuscule. Brit Tzedek v’Shalom se règle sur une large part de l’activisme à l’ ?uvre en Israël et fait joliment appel à leurs connaissances. La raison d’être de la brochure tient dans la liste qui est fournie d’organisations israéliennes parrainant des visites dans les Territoires occupées. (L’organisation « Encounter » n’est pas reprise. Pourquoi ?) Certes, le discours est tout entier sioniste libéral — le bref historique présenté par le Professeur Irwin Wall cite à l’occasion le point de vue palestinien, mais par sa sélectivité et son choix langagier, c’est clairement un document partisan. Toutefois, la communauté juive organisée est à ce point à droite que n’importe quoi se situant à sa gauche est digne de louange.

A parler franchement, je regarde des documents comme ceux-là - et autres prises de position de sionistes libéraux aux Etats-Unis - comme apparentés à la méthadone. Ils sont utiles pour sevrer les Juifs américains de la mythologie et de la confusion mentale israéliennes vraiment dangereuses. Mais ils sont aussi, par eux-mêmes, dangereux et source de dépendance. Si les auteurs se disent « Bon, eh bien, il nous faut paraître ?impartiaux’ pour être entendus », je peux serrer les dents et soutenir l’effort. Libéral velléitaire de toujours (j’ai décidé de soutenir Obama plutôt qu’Hillary : vous voyez à quel point je suis à gauche), je peux encore nourrir l’espoir qu’en dépit de leurs quarante années d’échecs répétés, les sionistes libéraux feront une entaille dans l’occupation.

Mais si les auteurs croient vraiment que 1967 est la racine de tous les maux, et que 1947, ou 1917, ou même 1897, n’ont rien à voir avec 1967, alors ils sont eux-mêmes un élément du problème et non la solution. Et, comme si souvent dans le passé, la prochaine Intifada les assommera en les prenant au dépourvu, les décevra - vous souvenez-vous de la « gauche déçue », la dernière fois ? - et les renverra à la tente tribale, d’où ils ne réémergeront qu’après la prochaine période de calme.

Car rappelez-vous : vous pouvez être contre l’occupation, considérer que c’est un désastre pour Israël, vous sentir désolé pour les Palestiniens, et être néanmoins un faucon libéral, ou un néocon. Quelques-uns de mes pires ennemis sont opposés à l’occupation.

Vous, les sionistes libéraux, comptez-vous vous joindre à eux quand les choses tourneront au vinaigre, comme vous l’avez fait durant ces soixante dernières années, reflétant l’effondrement récurrent de la « gauche » israélienne à l’appui de la politique à courte vue et désastreuse du « centre chauviniste » d’Israël, pour reprendre la formule heureuse de Hayim Baram ?

Ou bien vous joindrez-vous aux Palestiniens et aux Israéliens qui mettent tout sur la table, y compris le sionisme, et qui veulent une réconciliation historique basée sur 1897, et non pas 1967 ?



* Sam Bahour est un homme d’affaires palestinien de nationalité américaine (Ndt).



Du même auteur :

- La critique « sioniste libérale » de Walt et Mearsheimer
- Lundi prochain : électricité coupée à Tel Aviv et Jérusalem - ’Mazel tov’ aux militants et aux Anarchistes

Jeremiah Haber - The Magnes Zionist, le 30 décembre 2007
Traduit de l’anglais par Michel Ghys


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