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Guerre sale entre Palestiniens

lundi 31 décembre 2007 - 08h:12

Juan Miguel Muñoz

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Le Fatah et le Hamas se livrent une guerre sans merci dans leurs bastions de Cisjordanie et de Gaza. Les deux factions recourent à la répression et à la torture pour éliminer leur adversaire.

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22 décembre 2007 - Imitant des soldats israéliens kidnappant un résistant, de jeunes Palestiniens de Jénine "jouent" à la guerre - Photo : Reuters

Quinze mois de lutte pour le pouvoir après le triomphe électoral du Hamas se sont conclus en juin lorsque les islamistes ont pris la main sur Gaza et que la rupture avec le Fatah, le parti du président Mahmud Abbas a été consommée. Ils ne sont pas encore entretués. Mais la bataille se poursuit. Souterraine. Sale. Des Palestiniens poursuivent d’autres Palestiniens dans une lutte qui écoeure les peu nombreux défenseurs des droits de l’homme.

En Cisjordanie, Abbas ne laisse pas souffler tout ce qu’il perçoit comme islamisme et « met toute la viande dans la rôtissoire » [expression idiomatique que l’on peut traduire par ?mettre tous ses ?ufs dans le même panier ? - N.d.T] afin de déstabiliser le gouvernement islamique d’Ismail Haniya. « Nous devons renverser la clique qui a pris Gaza par les armes », menace Abbas. Dans le territoire de Gaza, le Hamas ne baisse pas les bras et réprime avec une sévérité croissante le parti ennemi dont les plus radicaux posent des bombes et incitent à la grève.

A Tulkarem [Cisjordanie], les agents de la sécurité [d’Abbas] vérifient les coffres de tous les véhicules dans la ville appauvrie. Ils patrouillent à travers le marché. Si on regarde d’un peu loin, le contrôle policier à l’est de Tulkarem s’apparente à celui de l’armée israélienne. Taufik Tirawi, chef des services de renseignements de l’Autorité Palestinienne [AP] a fait savoir : « Je promets que les services de sécurité ne toléreront pas que le Hamas répète en Cisjordanie ce qui est arrivé à Gaza. Ils ne se réarmeront pas ».

Plus d’un millier de dirigeants et simples militants du mouvement fondamentaliste ont été arrêtés lors des derniers six mois par la police d’Abbas ; le premier ministre Salam Fayad a ordonné la fermeture d’une centaine d’institutions caritatives liées au Hamás et le gel de leurs comptes courants, pour assécher ainsi les sources de financement du parti islamique en Cisjordanie. Des hommes cagoulés ont déposé dans des hôpitaux plusieurs militants islamiques avec des signes évidents de torture, et ceux en uniformes ont pris d’assaut la résidence des étudiantes de l’Université An Najah de Naplouse et ont frappé plusieurs locataires.

Il devient très difficile de reconnaître son appartenance au Hamas. Il n’y a pas de répit dans la persécution subie par le mouvement. Bien qu’ait autorisé à Gaza la manifestation en mémoire de Yasser Arafat en novembre, Abbas a interdit au Hamas de commémorer en Cisjordanie le vingtième anniversaire de sa création. Lors d’une manifestation à Ramallah contre la conférence d’Annapolis, des civils pistolet en main frappaient les manifestants islamiques avec une telle fureur que les policiers eux-mêmes devaient les freiner. Si on pose la question à Tulkarem, Kalkilia ou Ramallah, personne n’avouera sympathiser avec les islamiques. « Ils ne parlent pas. Ils ont peur », dit Shadi, un jeune partisan du président. C’est comme s’ils avaient disparu en fumée. On ne voit plus même un drapeau vert accroché à un lampadaire.

Mauvaise période pour le mouvement fondamentaliste qui subit le harcèlement en Cisjordanie et le blocus économique dans Gaza. Mais ils ont déjà eu à souffrir de moments semblables. Dans son bureau au Parlement dans la ville de Gaza, le dirigeant du Hamas Salah Bardawil explique : « Ce qui arrive en Cisjordanie nous est déjà arrivées ici en 1996 et 1997. Et cela avait été beaucoup plus dur. Ils ont alors cru que nous avions disparu. Mais nous sommes resurgis. Nous savons rester tranquilles un certain temps. Il y a maintenant des ordres stricts pour ne pas bouger même un doigt ». Pas plus [qu’il n’est recommandé] de parcourir les pages du périodique publié par le Hamas et censuré dans les secteurs dominés par Abbas.

Dans Gaza en effet on peut lire les journaux du Fatah et les drapeaux jaunes du parti ondulent sur les toits. Le militant laïque Raji Sourani, président du Centre Palestinien des Droits Humains (PCHR) et critique tenace du Hamas, explique dans son bureau de Gaza que les militants de son organisation souffrent de menaces continuelles en Cisjordanie. « Nous pouvons ici discuter avec l’esprit tranquille. Mais en Cisjordanie la police sait comment terroriser les gens. Les tortures sont graves. Les persécutions sont beaucoup plus répandues en Cisjordanie que dans Gaza ».

En réalité, c’est seulement une question de calcul politique qui pousse le Hamas à faire preuve d’une plus grande retenue à l’heure de la vengeance. Mais quand il dira que c’est assez, il appliquera la répression avec les mêmes niveaux de brutalité. Dans le territoire dominé par le mouvement fondamentaliste les dénonciations du PCHR sur les cas de tortures dans les commissariats sont fréquentes. « Oui, on a tiré dans les pieds de plusieurs de ceux qui étaient à l’origine du chaos et d’autres excès ont été commis », admet quelqu’un appartenant au parti islamique.

Aujourd’hui les cibles ne sont, pour l’instant, que les meneurs qui favorisent le désordre. La majorité des dirigeants du Fatah ont abandonné Gaza. Et son retour pense peu probable. « Si Abbas essaye de revenir dans la bande de Gaza monté sur un char israélien et avec un drapeau palestinien, il ne trouverait plus de dirigeant du Fatah pour remplacer Haniya ». Le message fait froid dans le dos : rouleraient les têtes des quelques chefs du Fatah qui ne se sont pas enfuis à Ramallah !

Personne ne parie sur la réunification

La Communauté internationale en bloc vient de s’impliquer à Paris dans l’appui au président de l’Autorité Palestinienne Mahmud Abbas. La promesse de verser 5,2 milliards d’Euros pour la période 2008-2010 est seulement un pas de plus sur l’abominable chemin au bout duquel il y aurait un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Parce que pour l’instant, Abbas ne peut rien faire dans la bande de Gaza. Ne pouvant pas compter sur sa capacité militaire pour renverser le Gouvernement islamique, Israël rejette cependant complètement l’idée d’envahir le territoire avec l’idée d’y rester sine die ; mais les israéliens ont signalé en même temps au mandataire palestinien « qu’au premier indice de négociation avec les fondamentalistes il se verrait coupée toute relation avec Israël ».

Comment trouver le chemin de la réconciliation, indispensable pour retrouver l’unité ? Aujourd’hui personne ne parierait un Euro sur la réunification. Un haut fonctionnaire du gouvernement israélien expliquait cette semaine dans une réunion avec des correspondants étrangers quels sont leurs objectifs aujourd’hui : « La Cisjordanie sera l’Allemagne Fédérale et Gaza l’Allemagne Démocratique. Un territoire prospère, et un autre non. À la fin, peut-être, apprécieront-ils dans Gaza où sont les avantages. Bien que je ne sache pas si on aura besoin d’une année ou de dix ».

Bien que la frustration parmi ceux ne soutiennent pas aveuglément le mouvement islamiste soit palpable, il n’en est pas moins certain que le Hamas jouit d’un plus grand enracinement populaire et pas seulement dans la bande de Gaza. Il y aurait beaucoup à changer dans le panorama qui prévaut sur le terrain en Cisjordanie pour que l’amélioration imaginée par le fonctionnaire israélien ait un effet déstabilisateur dans Gaza ! Et ceci sans tenir compte du fait qu’en Cisjordanie, le Hamas pourrait bien leur générer des problèmes dans un futur proche.

* Juan Miguel Muñoz est correspondant pour le quotidien espagnol El Païs.

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Juan Miguel Muñoz




Du même auteur :

- Le Hamas construit son état dans Gaza
- Les colonies, encore et toujours
- A Gaza, on fume de la sciure...
- La pénurie d’eau étrangle Gaza

22 décembre 2007 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction : Claude Zurbach


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