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Le Hamas construit son Etat dans Gaza

mardi 25 décembre 2007 - 06h:41

Juan Miguel Muñoz - El Païs

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Un appel téléphonique de Marwan Velasco a été révélateur. « Nous ne sommes plus la Force Exécutive, nous sommes la Police palestinienne ».

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C’est une marée verte qui a envahi les rues de Gaza. Le Hamas a fêté samedi 15 décembre en grande pompe ses vingt ans. Arborant des drapeaux verts et des pancartes à la gloire du mouvement, plus de 150.000 personnes se sont rassemblées sur la place Katiba, dans le centre-ville - Photo : AFP

Le porte-parole, fils d’une Espagnole, souhaitait rendre clair le fait qu’à Gaza il n’y a qu’un seul corps de sécurité, celui fondé par le Hamas en mai 2006. Et que sa légitimité n’admet pas de doute. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont remporté les élections de janvier 2006 avec une majorité absolue.

Le mouvement islamiste s’efforce depuis qu’il a pris le contrôle de Gaza en juin dernier de mettre en place des institutions qui remplacent celles que boycotte le président palestinien depuis Ramallah. Mahmoud Abbas exige des fonctionnaires qu’ils refusent de collaborer avec le gouvernement d’Ismail Haniya et il assure leurs salaires à condition qu’ils restent les bras croisés. L’Exécutif dans Gaza ne peut pas se permettre que l’anarchie aggrave la terrible situation économique dont souffre le million et demi de Palestiniens vivant dans ce territoire. Par conséquent, pas à pas, il construit son État. Que le processus soit conforme à la légalité en vigueur importe peu. La présidence [palestinienne à Ramallah] ne s’y conforme pas non plus.

Sur des affiches posées sur le mur du Serrallo, le quartier général situé au centre de la ville, figure un policier avec les bras ouverts attendant qu’un enfant l’embrasse ainsi que les numéros de téléphone que les citoyens peuvent appeler. Les habitants savaient déjà où aller pour porter plainte. Le problème, c’est le refus des juges de traiter les demandes. Jusqu’il y a trois semaines. L’Exécutif a décidé pour remédier à cela de créer le Haut Conseil de la Justice. Seulement une dizaine des 541 fonctionnaires ont décidé de poursuivre leur travail dans le cadre du nouvel organisme.

Abedraouf al Halabi, avocat depuis 31 ans et maintenant président du Haut Conseil de la Justice décrit l’effondrement du système [judiciaire] : « Il y a un an et demi ils ont même commencé à poser des cadenas aux entrées des tribunaux. Tout était fait pour désorganiser. Les juges refusaient de décider des sentences, cherchaient toutes les excuses possibles pour s’absenter. Depuis le 14 juin, mon prédécesseur Aisa Abu Sharar avait donné des ordres aux 48 juges pour qu’ils refusent de collecter les taxes judiciaires et qu’ils ne se réunissent pas dans Gaza. En novembre tous ont été licenciés ».

Quand ils ont pris possession du siège du Conseil, dans la rue Wahda - qui signifie paradoxalement unité - les nouveaux fonctionnaires ignoraient comment gérer le système informatique. Des jugements ont déjà été prononcés, bien que les écueils soient immenses. « Nous examinons des candidatures d’avocats qui se présentent pour exercer la fonction de juge. Dix anciens fonctionnaires nous aident, sur les 541 qu’il y avait.
Mais nous avons 4000 cas en suspens à traiter », rappelle Al Halabi. « Les tribunaux d’appel ne fonctionnent toujours pas ; ils nous ont laissé de vraies écuries ».

Ce qui est arrivé dans la policie et l’administration judiciaire ne représente pas des cas isolés. Les Conseils municipaux de Gaza, Rafah, Beit Lahia et El Bureij ont été mis à l’écart et remplacés par des comités loyaux envers l’Exécutif de Haniya. Dans sa lutte pour prouver la légitimité de son Gouvernement, un dernier épisode a marqué la polémique cette semaine. Les Nations Unies ont essayé de négocier entre le Hamas et le Bureau Central de Statistiques [BCS] dirigé depuis Ramallah pour que cet organisme continue à procéder aux travaux de recensement dans Gaza. Mais l’Exécutif islamique a fermé les bureaux du BCS après que celui-ci ait refusé de partager les données qu’il récoltait. Le directeur du bureau, Luoay Shabaneh, pense que « l’intention du Hamas n’est pas de s’approprier des données, mais de montrer qui contrôle le territoire ».

Pour le bonheur de ses fidèles et le désespoir de ses rivaux, Gaza est un bastion du Hamas, lequel, dans son zèle pour démontrer son efficacité n’oublie aucun détail. « Les installations du passage frontalier avec l’Egypte, à Rafah, sont impeccablement conservées. Les machines à rayons X sont brillantes et les accès sont asphaltés. Je ne sais pas d’où ils ont sorti les autocollants de l’UE, mais ils sont neufs. Il est clair qu’ils ne veulent pas se voir un jour reprocher que le passage ne soit pas prêt pour son ouverture », témoigne un fonctionnaire européen chargé de surveiller le terminal frontalier.

* Juan Miguel Muñoz est correspondant pour le quotidien espagnol El Païs.

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Juan Miguel Muñoz




Du même auteur :

- Les colonies, encore et toujours
- A Gaza, on fume de la sciure...
- La pénurie d’eau étrangle Gaza

22 décembre 2007 - El Païs - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.elpais.com/articulo/inte...
Traduction de l’espagnol : Claude Zurbach


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