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La fin d’Israël ?

dimanche 23 décembre 2007 - 07h:14

Hannah Mermelstein - The Electronic Intifada

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Si nous demandons à un Palestinien : « Reconnaissez-vous à un pays le droit, sur votre patrie historique, de vous exclure formellement ? », à quelle sorte de réponse devons-nous nous attendre ?

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Des agents de la police des frontières israélienne se précipitent pour arrêter une manifestation de Palestiniens mécontents des excavations, contestées, qui se poursuivent près de la mosquée d’Al-Aqsa. (Anne Paq/MaanImages)




Je suis optimiste à propos de la Palestine.

Je sais que cela peut sembler insensé. Comment puis-je réunir les mots « optimiste » et « Palestine » dans une même phrase alors que les conditions sur le terrain ne font qu’empirer ? Les colonies israéliennes continuent de s’étendre à un rythme quotidien, les check-points et le système de route discriminatoire sont de plus en plus institutionnalisés, plus de 10 000 prisonniers politiques palestiniens sont détenus dans les geôles israéliennes, Gaza est soumise à des attaques violentes et les frontières sont entièrement contrôlées par Israël, empêchant les gens de répondre à leurs besoins les plus basiques.

A aucun moment, nous oublions tout cela, ni la souffrance quotidienne des gens, et pourtant j’ose me dire optimiste. Pourquoi ? Ehud Olmert. Je m’explique. Mieux encore, laissons le l’expliquer :

« Le jour viendra où la solution à deux Etats s’avèrera impossible et où nous nous retrouverons face à un combat du style de celui de l’Afrique du Sud pour l’égalité des droits de vote. Alors, aussitôt, ce sera la fin de l’Etat d’Israël. »

C’est vrai, le Premier ministre d’Israël est actuellement en train d’essayer de négocier une « solution à deux Etats », surtout parce qu’il se rend compte que s’il ne le fait pas, les Palestiniens pourraient commencer à exiger, en masse (*) l’égalité du droit de vote avec les Israéliens. En outre, ce qui l’inquiète, c’est que le monde pourrait arriver à voir en Israël un Etat d’apartheid. En réalité, la plupart des gens dans le monde voient déjà ainsi Israël, mais Olmert craint que même les partisans les plus ardents d’Israël ne rejoignent les autres.

« Les organisations juives qui sont la base de notre force en Amérique se déclareront pour la première fois publiquement contre nous », a-t-il déclaré à Ha’aretz, « car elles diront ne pas pouvoir soutenir un Etat qui ne défend pas la démocratie et l’égalité du droit de vote pour tous ses résidents. »

Peut-être Olmert attribue-t-il trop de crédit aux Juifs américains mais il soulève une contradiction fondamentale dans l’esprit de la plus grande partie du peuple américain, juifs ou non : la plupart d’entre nous - au moins en théorie - défendent l’égalité des droits pour tous les résidents d’un même pays. La plupart d’entre de nous n’approuvent pas l’octroi de droits sur une base ethnique ou religieuse, surtout lorsque l’ethnie ou la religion privilégiée exclut une forte majorité de la population autochtone du pays. Nous ne pouvons pas oublier, bien sûr, l’histoire de la purification ethnique contre le peuple indigène du continent américain. Mais nous devons refuser d’utiliser les atrocités passées pour justifier celles d’aujourd’hui.

Je suis optimiste non pas parce que je pense que le processus de purification ethnique et d’apartheid en Israël/Palestine va prendre fin demain, mais parce je sens que l’idéologie qui traverse ces politiques commence à avoir des ratés. Pendant des années, le véritable sens de la politique sioniste a été méconnu, de même que ses conséquences sur la vie quotidienne palestinienne. Et soudain, elle commence visiblement à cafouiller. Les propos d’Olmert de la semaine dernière ne sont pas sans rappeler ceux de dirigeants sionistes de l’origine, lesquels évoquaient ouvertement le transfert et la purification ethnique afin de créer une majorité juive artificielle dans la Palestine historique.

« Nous devons expulser les Arabes et prendre leur place, et si nous devons utiliser la force pour garantir notre droit à nous établir dans ces lieux, alors, nous avons la force à notre disposition » David Ben-Gurion, « père fondateur » d’Israël et premier Premier ministre, 1937.

Ainsi, cette idée de « solution à deux Etats » à la (*) Olmert - laquelle, je le prétends, n’apportera ni « Etat » ni « solution » au peuple palestinien -, c’est le nouveau transfert. Il n’est plus bien vu, de par le monde, de parler ouvertement d’expulsion (bien qu’il y ait des partis politiques en Israël qui la recommandent), mais Olmert espère, avec la création d’un « Etat » palestinien sur une portion minuscule de la Palestine historique, pouvoir parvenir au même résultat : le maintien d’un Etat ethno-religieux, exclusivement réservé au peuple juif, sur la plus grande partie de la Palestine historique. Son plan, comme tous les plans que les dirigeants israéliens ont voulu « négocier », ignore les droits fondamentaux des deux tiers de la population palestinienne : les réfugiés. Ceux-ci, comme tous les réfugiés au monde, ont le droit internationalement reconnu de revenir sur leurs terres et de recevoir une indemnisation pour les pertes et les dommages subis. Mais cela ne doit pas être soulevé pendant les négociations.

Mais alors, pourquoi suis-je optimiste ? Pourquoi pensé-je qu’Olmert va échouer, sinon à court terme, au moins à long terme ? Il y a de nombreux signes à cela.

Le premier, et le plus important, est que le peuple palestinien existe toujours. Parfois par un fil, mais néanmoins il existe. En dépit de ce qu’espèrent beaucoup en Israël, les Palestiniens ne s’enfuiront pas. Chaque jour, ils réalisent des actes de résistance non violente, depuis manifester contre le mur et la saisie de leur terre jusqu’à rester dans leur maison envers et contre tout. Les jeunes rejoignent les organisations qui militent pour préserver leur culture et leur identité. Des vieux Palestiniens m’ont dit : « Nous avons vécu sous l’empire ottoman, nous avons vécu sous le mandat britannique, nous avons vécu sous le joug jordanien, et nous vivrons sous l’occupation israélienne. » Cela aussi doit réussir.

En Israël, il semble qu’au sein de la « gauche sioniste » traditionnelle, les Israéliens juifs commencent à lancer des discussions sur l’apanage du sionisme en tant qu’idéologie politique et s’interrogent de plus en plus.

J’ai voyagé partout dans les Etats-Unis pour parler de la Palestine à des groupes, et ils sont réceptifs. Même ceux qui prennent leurs informations d’abord dans les médias dominants américains, quand ils apprennent ce qui se passe réellement, ils sont attentifs. Quand nous expliquons la différence entre être juif (par la religion ou l’ethnie), Israélien (par la nationalité), et sioniste (par l’idéologie), les gens comprennent.

« Israël a-t-il le droit d’exister ? » demandent certains. Qu’est-ce que cela signifie ? Les pays ont-ils vraiment des droits, le peuple a-t-il vraiment des droits ? Le peuple juif a le droit d’exister, le peuple israélien a le droit d’exister, mais qu’est-ce que ça signifie, « Israël » ? Israël se définit comme un Etat pour le peuple juif. Ce n’est pas un Etat pour tous ses citoyens. C’est un Etat pour beaucoup de gens qui ne sont pas ses citoyens, telle que moi-même, et ce n’est pas un Etat pour beaucoup qui sont ses citoyens, tels que les 20% de sa population qui sont Palestiniens. Donc, si nous demandons à un Palestinien : « Reconnaissez-vous à un pays le droit, sur votre patrie historique, de vous exclure formellement ? », à quelle sorte de réponse devons-nous nous attendre ?

Aussi, quand Olmert prévient : « nous aurons à faire face à un combat du style de l’Afrique du Sud pour l’égalité des droits » et « l’Etat d’Israël [prendra] fin », je ressens comme une petite excitation. Je pense aux 171 organisations palestiniennes qui ont appelé la communauté internationale [10 juillet 2005] à lancer des campagnes de boycotts, de désinvestissements et de sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’Israël se plie au droit international. Il s’agit déjà d’un combat du style de l’Afrique du Sud, et nous, à l’extérieur de la Palestine, nous devons y prendre notre part. Surtout nous qui vivons aux Etats-Unis, le pays qui octroie à Israël plus de 10 millions de dollars chaque jour qui passe, nous devons assumer la responsabilité des atrocités commises en notre nom et avec notre argent.

En fin de compte, c’est notre tâche en tant qu’Américains. Lancer des campagnes dans nos églises, synagogues, mosquées, universités, cités, syndicats, etc. Il ne s’agit pas de jouer faussement au médiateur entre occupant et occupé, ni de méditer sur les solutions que j’ai évoquées ci-dessus. Mais on peut rêver. Et en tant que juive-américaine, je sais que, bien que cela puisse faire peur à certains, bien que cela requière beaucoup d’imagination, la fin d’Israël en tant qu’Etat juif pourrait bien vouloir dire apparition de la démocratie, des droits humains et d’un certain semblant de justice sur une terre qui a presque oublié ce que cela signifiait.


(*) En français dans le texte.


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Tout à gauche, Hannah Mermelstein.

Hannah Mermelstein est co-fondatrice et co-directrice de Birthright Unplugged qui, principalement, accompagne des juifs nord-américains en Cisjordanie pour qu’ils rencontrent des Palestiniens ; les prépare à revenir dans leurs communautés aux Etats-Unis et à ?uvrer pour la justice ; à emmener des enfants palestiniens des camps de réfugiés à Jérusalem, à la mer et sur les villages que leurs grands-parents ont fuis en 1948.

Birthright Unplugged les encourage à témoigner de leur séjour et à créer des expositions de photos pour partager leur expérience avec leurs communautés et avec le monde. Anna Baltzer a contribué à la rédaction de cet article.

Sur l’existence d’Israël :

- "L’État d’Israël va-t-il bientôt disparaître ?" - 2 décembre 2007 - Mauro Manno.

Sur la campagne de boycotts, de désinvestissements et de sanctions contre Israël :

- "Palestiniens et Juifs d’Israël appellent à soutenir la campagne de sanctions contre Israël" - 27 juin 2007 - Omar Barghouti - SolidaritéS.

19 décembre 2007 - The Electronic Intifada - Traduction : JPP


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