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Le Hezbollah toujours aussi attractif

lundi 17 décembre 2007 - 06h:18

Zeina Awad - Al Jazeera.net

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Mohamed, étudiant en architecture âgé de 22 ans, s’est engagé après la guerre. Il suit les traces de son frère et de son père, deux combattants de la résistance.

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Combattant de la résistance libanaise (Hizballah) au sud-Liban

Alors que l’instabilité politique perdure au Liban, les observateurs estiment que le Hezbollah, le mouvement politique chiite, se réarme et procède à de nombreux recrutements pour sa branche armée. Il n’y a pas eu de démenti de la part du Hezbollah.

Le mouvement s’est créé en 1982 en réponse à l’occupation par Israël du sud-Liban. Soutenus par l’Iran et une grande partie de son histoire par la Syrie, ses combattants ont effectué une série d’attaques suicide contre les soldats israéliens.

Dans les années 90, le Hezbollah s’est structuré en parti politique et a mis en place des écoles, des hôpitaux et des programmes sociaux au profit de la population chiite libanaise souvent pauvre.

Tandis que le mouvement s’insérait dans la sphère politique du Liban, son aile armée, la résistance islamique, a poursuivi ses attaques contre les forces israéliennes qui occupaient le sud du Liban jusqu’à ce que celles-ci s’en retirent le 25 mai 2000.

L’année dernière, les combattants du Hezbollah ont capturé deux soldats israéliens et en ont tué plusieurs autres lors d’une incursion frontalière.

Pour se venger, Israël a bombardé le Liban pendant 34 jours afin de tenter de détruire le Hezbollah.
Mais au lendemain de la guerre, le Hezbollah a au contraire bénéficié d’une popularité accrue, avec toujours plus de combattants voulant s’engager.

Une de ces recrues s’est exprimée devant Al Jazeera, sous couvert de l’anonymat.

Mohamed, étudiant en architecture et âgé de 22 ans, s’est engagé après la guerre. Il suit les traces de son frère et de son père, deux combattants de la résistance.

Q : Comment vous êtes-vous lié au Hezbollah ?

Tout d’abord lorsque j’étais à l’université j’ai commencé à militer avec eux [le Hezbollah], participant aux rassemblements et aux célébrations. J’ai ensuite évolué jusqu’au point où j’en suis aujourd’hui.

En tant que musulmans, lorsque nous voyons l’oppression, nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi j’ai décidé de m’impliquer... Je ne suis pas marié et je suis jeune. Il est plus juste que ce soit quelqu’un comme moi qui puisse devenir un martyr. C’est pourquoi j’ai rejoint le Hezbollah.

Q : Qu’est-ce que le Hezbollah pour vous ?

La résistance... Le Hezbollah est comme une mère et un père. Nous, dans le sud [du Liban] avons été élevés à la frontière de la Palestine occupée. Seule la résistance a pris soin de nous et nous a défendus... Je peux vous dire que le Hezbollah est tout ce à quoi chacun rêve dans le sud quand il s’agit d’être protégé.

Nous avons un grand problème au sud, c’est d’avoir été oubliés par le gouvernement. Israël pouvait nous attaquer n’importe quand, mais à présent le Hezbollah défend le peuple.

Q : Comment la guerre de juillet 2006 vous a-t-elle affecté ?

Ce qui s’est produit en juillet passé m’a affecté profondément. L’immuabilité du peuple, l’immuabilité des hommes qui n’avaient pourtant aucune idée ce que leur destin leur réservait... Ils combattaient pour que mon peuple puissent retourner chez lui.

Ces hommes avaient 23, 24, 25 ans - dans le meilleur moment de leur vie avec un grand futur devant eux... Ils ont toujours su où était leur plus grand devoir - le devoir de défendre leur pays. Nous avons vu à la télévision leur sacrifice, la mort d’innocents, femmes et enfants... Les Israéliens ont dit qu’ils visaient des combattants mais ils ne visaient pas que des combattants.

Je suis arrivé à un point où j’ai refusé de rester sur la touche.

Ces combattants, peut-être leurs mères ou leurs soeurs ou d’autres membres de leur famille ont été tués et ils réagissaient à cela. C’est mon devoir en tant que citoyen de défendre ma mère et ma famille.

Q : Si vous voulez défendre votre terre, pourquoi ne rejoignez-vous pas l’armée libanaise ?

L’armée libanaise n’a pas d’armes. On ne lui permet pas d’acquérir des armements parce qu’il y a un accord international pour ne pas l’armer correctement. *
L’armée libanaise a une mission qui est de protéger ce pays, mais les Américains et les Israéliens essayent de transformer cette mission.

Q : Si les militaires libanais étaient correctement armés, intégreriez-vous l’armée ?

Si l’armée libanaise avait des armes il n’y aurait pas eu la résistance [libanaise] parce que l’armée protégerait le Liban. La résistance a été populaire parce que les gens essayaient de défendre leurs villages.

Je milite avec la résistance parce qu’il n’y a aucune armée adéquate, mais s’il y avait une armée alors je penserais à la rejoindre. Si l’armée avait des armes alors chacun retournerait à sa place et la résistance repenserait sa stratégie de défense.

C’est ce que [Hassan] Nasrallah [sécrétaire général du Hezbollah] a déclaré. Une fois que nous aurons un gouvernement alors nous discuterons.

Q : Si l’idée de défendre le Liban avance, pourquoi ne concentrez-vous pas vos efforts sur la reconstruction du Liban ?

La reconstruction de mon pays est aussi un honneur. Je travaille et j’étudie. J’accomplis ces tâches de la même façon que j’accomplis mes fonctions militaires.

Il y a deux aspects dans la lutte - le Jihad militaire et l’autre Jihad [social]. Ceux à qui Dieu a donné la capacité de participer aux deux Jihad devraient faire ainsi. Je poursuivrai normalement ma vie et lorsque mon devoir m’appellera je répondrai présent.

Q : Si un jour toutes les terres occupées sont libérées, que deviendra votre lutte personnelle ?

Je voudrais élever une famille et envoyer mes enfants à l’université. Il y a beaucoup de Jihads dans la vie, et le plus grand Jihad est le Jihad de chaque individu.
Pour qu’une personne puisse effectuer le Jihad militaire - supporter la pression de savoir qu’il part et peut ne jamais revenir - son Jihad personnel est central.

Son sentiment religieux et son esprit le rapprochent de Dieu, loin des tentations terrestres. Arrivé à ce point, il pourra réaliser son Jihad militaire.

Notre akeedah [croyance dans notre cause], comme je vous l’ai dit, est une chose fondamentale. L’akeedah est ce qui permet qu’un simple combattant dans un village puisse combattre 30, 40, 50 soldats israéliens. Pourquoi ? Parce qu’il ne retournera pas en arrière, il n’abandonnera pas. Il serait plutôt martyr qu’humilié. C’est dans leur sang et c’est pourquoi nous remportons toutes ces victoires.

Q : Comment vous rappelez-vous de votre enfance ?

Je vivais à Tyr, et comme tous les enfants dans le sud nous avions l’habitude d’entendre les chasseurs à réaction israéliens à toute heure, et nous avions peur.

Je me souviens d’une fois, alors que j’avais 11 ans et que nous jouions au football, une bombe est tombée très près de moi. Je me rappelle que je suis resté en état de choc et que j’ai pleuré toute la nuit. Quand j’avais 10 ans [les Israéliens] ont bombardé un camp de réfugiés palestiniens près de chez nous et nous n’avons plus dormi pendant des nuits.

Nous avons été forcés de grandir plus vite que ce qui est normal.

Quand vous vivez dans la crainte, celle-ci affecte tout - votre vie, vos études. Nous pouvions aller et venir librement mais nous avions constamment peur.

J’ai habité à Beyrouth pendant 13 ans... Beyrouth était plus sûre, mais vous pouviez aussi entendre les avions israéliens au-dessus de la ville, bien que ce ne soit pas comparable avec le sud.

Au sud[-Liban], les avions de guerre israéliens surgissent n’importe quand et font tout ce qu’ils veulent... et les soldats [israéliens] kidnappent les fermiers ou tuent les gens.

Le Liban, dans son entier, est sous la menace israélienne... Les fermiers ne peuvent pas accéder à leurs terres, les gens ne peut pas rentrer chez eux en raison des bombes à fragmentation.

La menace est présente et elle le restera tant qu’Israël sera notre voisin.

Q : Que pensent vos parents de vous et de votre frère qui êtes des combattants du Hezbollah ?

Il est normal que chaque mère s’inquiète de ses fils, mais ma mère sait qu’il s’agit de notre devoir et nous ne pouvons pas nous en écarter.

Elle pleure, elle est triste, nous lui manquons, elle souhaite que nos vies aient pu être différentes et que nous ne soyons pas obligés à tout ceci, qu’il n’y ait pas de guerre, mais le devoir passe avant tout.

Elle est convaincue que tout ce que Dieu décide se produira. Si je gagne le martyr, elle pleurera à cause de mon absence et parce qu’elle sera séparée de moi.

Les parents prennent soin de leurs enfants, et le Hezbollah prend soin du peuple du Liban.

* Par le passé, l’armée libanaise a été équipée en armes par les Etats-Unis. Les observateurs internationaux, y compris l’institut international d’études stratégiques, estiment que cette armée reste mal équipée. Un des points de l’accord de Taïef, signé en 1989 et qui a aidé à mettre fin à la guerre civile libanaise, prévoyait le désarmement de tous les groupes armés non militaires - dont le Hezbollah.

Site Internet de la résistance libanaise : http://www.hizbollah.org/

- Voir l’excellent reportage vidéo de Jean-François Boyer et Alain Gresh : « Le mystère Hezbollah »


Sur le même thème :

- Au musée du Hizballah
- Hezbollah : interview de Naim Qassem
- Entretien avec le responsable international du Hezbollah

6 décembre 2007 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach


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