16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

On parlera de la pluie et du beau temps

samedi 8 décembre 2007 - 03h:40

Uzi Benziman - Ha’aretz

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Les militaires, comme certains membres de la coalition gouvernementale, n’ont pas changé d’avis : ils ne veulent faire aucune concession, regrette Ha’aretz.

On pourrait comparer les journées de préparatifs pour la conférence d’Annapolis aux heures qui ont précédé le déclenchement de la seconde guerre du Liban [juillet-août 2006]. Exactement comme en cette journée fatidique du 12 juillet 2006, quand le gouvernement Olmert avait eu l’impression qu’il ne lui restait plus qu’à attaquer le Hezbollah, le Premier ministre s’apprête aujourd’hui à faire participer notre pays à une rencontre internationale, organisée aux Etats-Unis, en expliquant à nouveau qu’il n’a pas d’autre choix. Exactement comme la capture de deux soldats [israéliens par le Hezbollah] avait poussé le gouvernement Olmert à appuyer sur la détente, c’est à présent le contexte politique et sécuritaire qui le pousse à s’embarquer pour un aller sans retour sur le chemin d’Annapolis.

Il y a, hélas, tout lieu de craindre que les résultats de ces démarches ne soient identiques : amertume et frustration. La décision de déclencher une offensive contre le Hezbollah ne répondait qu’à des objectifs à très court terme : le désir de vengeance, la nécessité de répondre aux critiques de l’opinion publique israélienne, l’intime conviction que le Hezbollah venait de franchir toutes les lignes rouges et la certitude qu’Israël était en mesure de restaurer sa capacité de dissuasion.

Rétrospectivement, il est évident aujourd’hui que, ce faisant, le gouvernement a montré une absence totale de discernement. Il semble que le même syndrome soit en train de frapper ceux qui s’apprêtent à participer à la conférence. Censée dégager dans l’immédiat Israël de certaines pressions intérieures et extérieures, cette conférence n’a pourtant que peu de chances de déboucher sur des résultats à long terme et elle ne semble avoir été imaginée que pour servir des intérêts politiques immédiats. Les sombres scénarios élaborés par le ministre de la Défense [le travailliste Ehoud Barak], l’Aman [renseignements militaires] et le Shabak [renseignements généraux] sur ce qui nous attend après Annapolis n’ont pour objectif que de conclure : “On vous l’avait bien dit.” C’est un alibi commode pour les prémunir de toute critique le jour d’après.

L’establishment militaire a ainsi déjà averti que les Palestiniens - y compris les dirigeants de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas [président] et Salam Fayyad [Premier ministre] - ne s’écarteraient pas d’un iota des positions défendues par Yasser Arafat [à Camp David et à Taba en l’an 2000]. Après tout, eux aussi demandent le droit au retour [des réfugiés], un retrait israélien jusqu’au dernier centimètre carré de territoire et Jérusalem-Est (y compris le mur des Lamentations) comme capitale...

A les écouter, on comprend que les dirigeants israéliens n’aient pas encore changé d’attitude envers les Palestiniens et qu’ils n’aient pas davantage progressé dans leur volonté de conclure un véritable accord global avec eux. A l’ombre d’Ehoud Olmert, qui parle de paix en des termes jamais utilisés par aucun de ses prédécesseurs, les milieux militaires israéliens, sous l’impulsion d’Ehoud Barak, dictent quant à eux une position rigide qui nous éloigne de toute perspective de voir les Palestiniens assouplir leurs positions.

Par ailleurs, les partenaires gouvernementaux d’Ehoud Olmert - le Shas [ultraorthodoxe séfarade] et Israël Beiteinou [extrême droite russophone] - se sont carrément opposés à l’idée d’évoquer les sujets qui fâchent. Il s’agit ici d’une farce politique sans précédent dans notre histoire. Autant dire à Olmert d’aller à Annapolis pour y parler de la pluie et du beau temps. On a sans doute ici l’une des preuves les plus éclatantes que, depuis les gouvernements dirigés par Yitzhak Shamir [Likoud nationaliste], les positions israéliennes n’ont pas fondamentalement changé. Avant d’exiger des Palestiniens qu’ils changent de discours, les dirigeants israéliens devraient commencer par oser une petite révolution psychologique et idéologique.

L’aveuglement d’un gouvernement incapable de prendre la mesure de l’urgence d’un tel bouleversement rappelle trop, hélas, la façon dont le déclin de l’armée israélienne a été ignoré au moment d’entrer en guerre, à l’été 2006.


Du même auteur :

- Suspecter en ayant l’air de respecter

Uzi Benziman - Ha’aretz, via le Courrier international, hebdo n° 980


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.