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Pourquoi Damas a choisi d’aller à Annapolis

mercredi 28 novembre 2007 - 06h:54

Alain Campiotti - Le Temps

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Les Etats-Unis espèrent casser l’alliance de la Syrie avec l’Iran. Le président Bachar el-Assad a d’autres idées.

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Un panneau de signalisation dans le Golan près d’une place forte prise par l’armée israélienne en 1967 (Ph. Keystone)

Bachar el-Assad n’est pas un lion (en arabe : assad), c’est un grand chat qui aime le poker, appris de son père. Il est immobile, yeux mi-clos, attentif à tout ce qui arrive autour de lui ; donne un coup de patte si passe une souris. Et quand il bouge, c’est en général pour manger. Pourquoi le président syrien a-t-il donc décidé d’envoyer un représentant à la conférence qui se tient ce mardi à Annapolis ? Qu’a-t-il à y prendre, en échange de cette seule présence ?

Retard calculé

La décision d’aller dans le Maryland, comme les autres Etats arabes, pour la tentative de relancer les négociations de paix au Proche-Orient, a été prise à Damas avec un retard calculé, et un message biseauté : le représentant n’est ni Walid Moallem, le ministre des Affaires étrangères que Washington espérait, ni l’ambassadeur aux Etats-Unis, ce qui aurait été un dédain ouvert, mais un vice-ministre influent, Fayçal Mekdad. Bachar el-Assad a donné son feu vert après qu’on eut donné une réponse positive à son unique demande : que la question du Golan, plateau syrien peuplé de Druzes, conquis en 1967 par Israël puis annexé en 1981, figure à l’ordre du jour du sommet. Ça n’est pas tout à fait le cas : la question, disent les Américains, pourra être soulevée dans un des forums de la conférence, consacré aux « efforts en vue d’une paix globale dans la région ».

Damas en fait sait exactement pourquoi l’administration Bush a cherché à l’attirer à Annapolis, après avoir fait mine de l’en écarter. La conférence, derrière l’apparence - et la réalité - d’un nouveau face-à-face israélo-palestinien, a aussi pour but de consolider et de donner en spectacle un front nouveau dressé contre les ambitions de l’Iran dans la région. Or, la Syrie, avec le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien, fait partie des alliés de la République islamique.

Un coin planté dans cet axe du refus ? Pas si simple. Bachar el-Assad a pris la précaution de rassurer son ami, l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad, assez irrité de voir tous ces Arabes répondre sans trop faire d’histoire à la convocation américaine. Au téléphone, ils se sont gaussés de cette « conférence destinée à échouer avant de commencer ». La Syrie ne rompra ni avec le Hezbollah, qu’elle contribue à armer, ni avec le Hamas. Elle a juste demandé à la dizaine d’organisations palestiniennes qui ont pignon sur rue à Damas de ne pas y tenir l’anti-Annapolis qu’elles projetaient. Avec un vice-ministre dans le Maryland, ça aurait fait désordre, et le régime syrien n’aime pas ça.

Donc, El-Assad ne cède rien. Et il espère bien accumuler quelques gains. D’abord, son retour en pleine lumière dans le cercle des Etats arabes lui permet de rompre un isolement dans lequel on le tenait, en raison justement de son alliance iranienne, et de ses manigances au Liban. Depuis des mois, les Saoudiens et les Syriens échangent des noms d’oiseau. Ça devrait se calmer un peu. Et le roi Abdallah de Jordanie s’est rendu à Damas pour soigner d’autres plaies.

Déstabiliser Ehoud Olmert

L’autre gain possible, il est sur le Golan, sans illusion d’un règlement rapide. En 2000, des négociations directes avec Israël, qui se disait prêt à rendre le Golan, ont échoué sur des questions de frontières. D’autres discussions moins officielles, avec l’aide de la Suisse, ont aussi capoté. Mais aujourd’hui à Jérusalem, des généraux et leur chef civil, Ehoud Barak, disent qu’ils croient davantage à des négociations avec la Syrie qu’avec les Palestiniens. Ce n’est peut-être qu’une astuce, et une manière pour Barak de déstabiliser Ehoud Olmert dont il espère reprendre la place. Pourquoi ne pas en profiter ?

Reste le Liban, que la Syrie ne reconnaît toujours pas comme un Etat souverain. Elle aimerait bien que le président, que les députés de Beyrouth n’arrivent pas à élire, ne lui soit pas hostile. Et admette que l’allié Hezbollah conserve pour le moment son armement. Et que le tribunal international qui doit juger les assassins de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri ne soit pas un pilori pour Damas. Le juge belge chargé de l’enquête va remettre son rapport final. Il est moins tonitruant que son prédécesseur allemand.


Du même auteur :

- La conférence d’Annapolis : « Un verre vide »
- Mourir devant la frontière : Israël serre la vis à Gaza
- La diplomatie suisse s’aventure dans Gaza aux mains du Hamas

Alain Campiotti - Le Temps, le 27 novembre 2007


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