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Hezbollah : interview de Naim Qassem

dimanche 25 novembre 2007 - 06h:43

Andrew Coombes - al Jazeera.net

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La veille d’une date-butoir pour désigner un nouveau président devant remplacer Emile Lahoud, les dirigeants politiques libanais restent encore profondément divisés. Al Jazeera a rencontré à Beyrouth dans un endroit tenu secret, Naim Qassem qui est secrétaire général adjoint et le second du mouvement Hezbollah après Hassan Nasrallah.

Al Jazeera : Quelle est l’humeur générale dans le camp du 8 mars (le bloc d’opposition qui comprend le Hezbollah), un jour avant la date-limite pour élire un nouveau président pour le Liban ?

Naim Qassem : L’opposition a constamment insisté pour particper à cette élection. L’unité est la principale chose pouvant sauver le pays.

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Naim Qassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah

De l’autre côté, le groupe à la tête [se référant au mouvement du 14 mars qui détient la majorité au Parlement] a insisté pour s’approprier et ignorer la constitution et a également maintenu hors de l’exercice du pouvoir une fraction entière de la population, à savoir les Chiites.

Vous avez constaté que la voie suivie par l’autorité nous a menés à une crise, une crise grave. Nous en souffrons maintenant depuis plus d’une année. Un accord [entre toutes les parties] est nécessaire et est la solution. Nous sommes prêts pour cela.

Nous avons déjà déclaré que nous avons retiré notre demande d’un gouvernement national d’unité, mais seulement à la condition que le président soit élu en harmonie et en conformité avec les exigences constitutionnelles. La constitution exige les deux-tiers des députés [pour élireun candidat]. Ceci est une protection pour un accord.

Donc nous ne nous comportons pas comme si une partie donnait quelque chose à l’autre. Nous sommes plutôt en harmonie avec les droits normaux donnés par la constitution pour parvenir au consensus.

A.J : Le mouvement du 14 mars pourrait arguer du fait que parce que le mouvement du 8 mars insiste pour un président de compromis, ils auraient alors le droit de choisir leur candidat préféré et de le voir l’emporter.

N.Q : Ils ne peuvent pas désigner le candidat qu’ils veulent. La constitution ne permet pas cela, parce qu’ils ont besoin d’un quorum des deux-tiers. Par conséquent, nous nous retrouvons des associés. Nous devons trouver quelque chose en commun comme cela se fait entre deux associés.

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L’opposition du 8 mars organise depuis un an un campement au centre de Beyrouth, à proximité des ministères.

Ils [le mouvement du 14 mars] pensent d’une façon erronée. Ils croient que parce qu’ils ont la majorité parlementaire ils peuvent choisir le président dans leur groupe. Ils se trompent. Il est vrai que comme ils disposent d’une majorité ils peuvent choisir le premier ministre parmi eux, mais pour le président il faut un consensus.

Si un président est désigné suite à un accord avec l’opposition, cet accord intégrera le programme et la vision de ce président. Dans ce cas le choix du nom de ce président ne sera pas un problème.

Je peux vous le dire très franchement : l’opposition craint la totale main-mise de la majorité [sur les institutions]. Celle-ci agit avec cette main-mise depuis une année et elle a détruit le pays.

A.J : Dans quelle mesure êtes-vous confiant qu’un candidat de consensus soit trouvé à la date-limite du 23 novembre ?

N.Q : Je ne m’attends pas à ce qu’une élection ait lieu demain s’il n’y a aucun consensus. Il faudra une surprise pour qu’un consensus soit trouvé dans ce très court terme.

Cela exige également du groupe du 14 mars le courage d’adopter la voie d’une solution. S’ils y parviennent, alors le nom [du président] peut être choisi dans les minutes qui viennent.

S’il n’y a pas un quelconque accord maintenant, cela ne changera pas à l’avenir. La solution pour l’avenir sera la solution qui peut être trouvée en ce moment-même [le général Aoun, soutenu par le bloc du 8 mars - N.d.T].

A.J : Comment le 8 mars répondrait-il si aucun accord sur un président n’est conclu et si le bloc de la majorité du 14 mars décide d’élire un président par le biais d’une majorité simple lors d’une session interne ?

N.Q : L’élection par une majorité simple est contre la constitution. S’ils faisaient cela, ils mettraient le pays face à un problème. La porte serait alors ouverte à des complications que nous ne connaissons pas aujourd’hui.

Je pense que certains dans le groupe du 14 mars commencent à penser qu’élire [le président] par une majorité simple serait une erreur.

A.J : Comment réagiriez-vous si la majorité décidait que le gouvernement de Fouad Siniora prennent en charge de façon transitoire les pouvoirs du président ?

N.Q : Ce qui est requis c’est que nous cherchions à faire élire un président. Si la question est remise à plus tard pendant quelques jours jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée, il n’y a aucun problème.

Mais si le gouvernement illégitime et anticonstitutionnel de Siniora veut assurer et exercer l’autorité du président, ceci reviendrait à mettre le Liban dans un marécage. Si un président n’est pas élu sans accord, le pays fera alors face à un vide [institutionnel].

A.J : Les Libanais craignent que si aucun accord pour désigner un président n’est conclu, cela pourrait mener au conflit armé. A quel point cette perspective est-elle réaliste si aucun accord n’est trouvé entre la majorité et l’opposition ?

N.Q : C’est légitime que le peuple puisse éprouver de l’inquiétude, et c’est normal. Personne ne peut fournir de garanties. Nous devons penser à une solution, pas au problème. Nous devons rapidement trouver une solution pour désigner un président.

Je tiens le groupe à la tête pour responsable du retard dans le choix d’un président. Ils ont gâché les occasions depuis une année. J’espère qu’ils analyseront la situation et ne laisseront plus passer d’occasion.

A.J : Le groupe du 14 mars dit que le Hezbollah doit désarmer, que ses armes et ses combattants doivent intégrer l’armée libanaise, alors que vous rejetez la résolution 1559 Conseil de sécurité de l’ONU (qui réclame le désarmement de tous les groupes armés libanais et non-Libanais au Liban). Pour cela, l’élection d’un nouveau président est-elle un élément déterminant du point de vue du futur de la résistance armée libanaise contre Israël ?

N.Q : La question de la poursuite de la résistance au Liban est liée à la discussion politique au sujet de l’indépendance du Liban. Cette question ne peut pas être abordée avec de la rhétorique et de lâches déclarations : elle exige un dialogue. Dans la situation tendue du Liban, cette discussion ne peut pas avoir lieu en priorité. Terminons la mise en place d’une autorité politique dans le pays. L’état pourra alors discuter sur les points qu’il souhaite négocier.

Quant à la résolution 1559, à notre avis elle n’existe pas. Elle ne nous concerne pas. Elle parle de milices. Nous sommes un mouvement de résistance. A la minute où la résolution a été votée il y a trois ans, nous avons répondu qu’elle était inadmissible pour le Liban.

Quant à la résolution 1701, nous avons donné notre accord global et nous estimons que nous l’avons mise en application. Cependant, c’est Israël qui viole l’espace aérien libanais et c’est Israël qui occupe les fermes de Shebaa [qui fait partie de la région des hauteurs du Golan en Syrie et annexée par Israël]. Il n’a toujours pas quitté le village d’Al-Ghajar [un village qui se trouve directement sur la ligne bleue de l’ONU séparant le Liban et Israël], et il ne libère pas les prisonniers. Tous ces actes vont à l’encontre de la résolution 1701.

Il est normal que nous manifestions de l’intérêt pour les candidats à la présidence parce que son administration influencera les questions libanaises. Par conséquent nous insistons sur le fait que le président doit avoir la capacité de représenter un consensus parmi les Libanais et de protéger l’indépendance du Liban.

A.J : L’infiltration plus tôt cette année du camp palestinien de réfugiés de Nahr al-Bared par des combattants du Fatah Al-Islam, et l’opération de l’armée pour les en chasser, constituaient les évènements les plus marquants cette année au Liban. Qu’est-ce que Hezbollah peut faire pour aider à empêcher qu’un tel fait se produise à nouveau ?

N.Q : Ceux qui croient que la solution pour rétablir la situation dans les camps passe par la force militaire ont tort. La solution doit être politique. Nous devons comprendre les demandes des Palestiniens. Ils veulent retourner dans leur patrie, et ils sont au Liban de façon transitoire.

Ils disposent d’une protection interne par crainte des attaques israéliennes. Nous devons distinguer leur situation de la politique interne libanaise. Naturellement, nous [Hezbollah] et les Palestiniens partageons un ennemi commun [Israël]. Cependant, il y a des particularités. J’insiste sur le fait que la situation doit être éclaircie politiquement à l’avenir et que cela ne devienne pas un élément de la politique interne libanaise.

A.J : Il y a des craintes que toutes factions politiques faisant partie des mouvements du 14 mars et du 8 mars mettent rapidement en place des milices pour se préparer à conflit armé si un accord politique n’est pas conclu. Il y a des craintes donc que le conflit puisse dresser les communautés religieuses les unes contre les autres. Ces soucis sont-ils justifiés ?

S’il n’y a aucune solution politique la situation pourrait dégénérer en crise, y compris avec des frictions sur le plan militaire. Qui peut garantir que non ? Qui sait s’il n’y a pas des tiers qui sont intéressés par ces conflits ? Les confessions religieuses se situent des deux côtés [14 mars et le 8 mars] et par conséquent toutes sortes de problèmes potentiels s’y rencontrent.

Je répète que la solution se situe dans un rapide consensus. Nous devons dire « stop » aux Etats-Unis. Nous ne devons pas permettre aux américains de créer encore plus de désordre dans nos affaires internes.

Le pouvoir doit être lié à ceux qui sont populaires, pas à ceux qui exploitent les occasions sur le dos des autres. Nous devons mettre un coup d’arrêt à ceux qui font de l’obstruction vis-à-vis de la constitution et élire un président de consensus. La solution est évidente.

22 novembre 2007 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/NR/exe...
Traduction : Claude Zurbach


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