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L’impunité pousse au crime

vendredi 16 décembre 2005 - 17h:18

Michel Warschawski

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Une des raisons principales du mal-être de l’Etat d’Israël est sans aucun doute le statut d’impunité dont il jouit, ou plutôt dont il souffre.

Tel un enfant qui est conscient de commettre des bêtises de plus en plus graves et que personne ne rappelle à l’ordre, Israël est en manque de limites, et se sent entraîné dans le cercle infernal de la répression - représailles - répression et l’escalade de violence produite par 35 ans d’occupation.

L’application de sanctions contre un Etat qui bafoue le droit et viole les résolutions de l’ONU n’est pas seulement un acte de justice envers ses victimes. C’est aussi un moyen de lui imposer des limites et rappeler la différence entre le bien et mal, pour parler comme George W Bush, entre la loi et ce qui est hors la loi.

C’est ce qu’a compris le Parlement européen quand il votait, à une très large majorité et toutes tendances confondues, le projet, soumis par le groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne, de suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.
Cette résolution ne doit pas être comprise uniquement comme l’application stricte de l’accord qui stipule le respect des droits de la personne par les bénéficiaires de cette coopération, mais comme un rappel à un principe élémentaire : il n’y a pas de droits sans devoirs, il n’y a pas de privilèges pour qui se situe hors la loi. Des dizaines de résolutions du Parlement européen sont systématiquement violées par l’Etat d’Israël, de nombreuses demandes de l’Union européenne sont cyniquement ignorées par son gouvernement : pourquoi l’Europe devrait alors continuer à donner un statut commercial privilégié à qui ne cesse de répéter que seuls les Etats-Unis comptent dans l’arène internationale ?

L’exécutif européen reste, dans le mécanisme consensuel qui le régit pour l’instant, l’otage d’une minorité de pays qui refusent toute forme de pression sur l’Etat d’Israël. C’est donc au tour des Etats membres de prendre leurs responsabilités, et de traduire par des actes forts et responsables leurs propres déclarations de principe, ainsi d’ailleurs que le vote du Parlement. Et si les Etats tergiversent, c’est aux citoyens de jouer, comme l’ont montré les enseignants de l’université Paris-VI. Ce faisant, ils n’appliquent pas seulement la décision démocratique des élus européens, mais font preuve d’un engagement citoyen et de responsabilité envers tous les protagonistes du conflit qui déchire le Moyen-Orient. Il faut le dire et le répéter : des sanctions contre Israël ne sont pas un acte hostile envers le peuple israélien, mais au contraire, l’expression d’un sens de la responsabilité envers un Etat qui devient victime de sa puissance. Et de son impunité.

Il y a évidemment ceux qui croient aider le peuple israélien en défendant inconditionnellement tous ces méfaits, et dénoncent violemment tous ceux qui croient juste de dire non aux crimes commis par l’Etat hébreu, voire d’exiger que ceux-ci soient sanctionnés. · ceux-la on ne peut répliquer qu’en dénonçant à la fois leur manque de boussole morale et leur irresponsabilité face a l’avenir de la petite minorité juive dans le Proche-Orient arabe.

Mais il y a aussi ceux qui, tout en ne taisant pas leur critique de l’occupation et de la colonisation israéliennes et des crimes commis par l’armée coloniale, dénoncent les sanctions, et plus particulièrement celles prises dans le domaine de la recherche scientifique et de la coopération inter-universitaire.

Quatre arguments étayent leur critique :

Premièrement, ils dénoncent le " boycott des universitaires israéliens ", alors que les motions discutées dans de nombreuses universités d’Europe et d’Amérique du Nord ne parlent pas de boycott, mais de suspension d’accords qui donnaient des privilèges aux institutions de recherche israéliennes. Ces motions demandent de mettre fin à ces privilèges, tant que l’Etat d’Israël continue a violer les résolutions de l’ONU et les conventions internationales telles que la quatrième convention de Genève.

Deuxièmement : pourquoi seulement Israël ? N’est- ce pas le signe d’un antisémitisme plus ou moins conscient ? Cette accusation est évidemment fausse : l’Afrique du Sud a été l’objet de sanctions, voire d’un boycott, y compris dans les domaines sportifs et universitaires, la Grèce des colonels a subi des sanctions populaires, de même que l’Espagne franquiste. De même, des mesures ont été prises, dans certaines universités américaines au moins, contre la Russie, pour dénoncer la répression anti-tchétchène.

Troisièmement : pourquoi sanctionner les universités qui sont à l’avant-poste du combat pour la paix et les droits des Palestiniens ?

Cette critique est révélatrice des préjugés de ceux qui la soulèvent : aucun fait ne confirme cette affirmation, car les universités ont, malheureusement, été totalement silencieuses sur la violation des droits de la personne dans les territoires occupés, et les attaques systématiques contre le droit d’étudier et contre les institutions scolaires. Ce qu’une telle contrevérité révèle en fait c’est le racisme de ceux qui la défendent : c’est le peuple qui est raciste, qui viole les droits de l’homme ; les intellectuels eux seraient, par définition, la conscience critique d’Israël, et nul n’a besoin de preuves matérielles pour étayer cette affirmation.

Quatrièmement : des sanctions porteraient atteinte à la coopération universitaire israélo- palestinienne. Autre contrevérité : non seulement la coopération (très limitée) entre universités israéliennes et palestiniennes a totalement cessé dès l’an 2000, et sans qu’aucun institut israélien n’ait fait quoi que ce soit pour permettre la reprise d’une telle coopération, et ce au moment ou les institutions scolaires et universitaires palestiniennes étaient attaquées comme " bases du terrorisme ", mais, ce qui est encore plus grave, aucune initiative, aucune motion, aucun appel n’ont émané des universités israéliennes pour dénoncer les obstacles immenses que l’armée d’occupation place devant l’activité scolaire palestinienne, du jardin d’enfant à l’université.

Parmi ceux qui, en Israël, se battent contre la violation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, y compris contre les atteintes systématiques au droit à l’éducation, il y a de nombreux universitaires.
Non seulement, ils ne parlent pas au nom des institutions dans lesquelles ils travaillent, mais sont menacés de sanctions et d’exclusion, comme l’a montré l’affaire Ilan Pappe, l’été dernier. Et ils soutiennent les sanctions exigées par leurs collègues européens, pour le bien, y compris, de leurs propres universités.

Si tous ceux qui dénoncent en France la prise de sanctions contre les institutions israéliennes s’étaient mobilisés pour défendre le droit inconditionnel des Palestiniens à l’éducation, et avaient exercé une pression efficace en ce sens, il est vraisemblable qu’il n’aurait pas été nécessaire de prendre une mesure aussi controversée.

Contrairement a ce que voudraient nous faire croire Claude Lanzman, Alain Finkielkraut et autres, le débat n’est pas entre boycott et soutien à la coopération scientifique israélo- palestinienne, mais entre défense du droit à l’éducation pour tous et l’impunité pour les criminels et leurs complices.

22 janvier 2003


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