16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Le projet d’Union méditerranéenne

mercredi 7 novembre 2007 - 06h:09

Pascal Boniface - Réalités Online

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Dans un discours prononcé à Tanger le 23 octobre, Nicolas Sarkozy a officiellement lancé son projet d’Union de la Méditerranée. Il a de nouveau affirmé sa conviction que ce qui se joue dans cette région est décisif, non seulement pour l’avenir des peuples riverains, mais pour celui de l’humanité. C’est, selon lui, là où se décidera si oui ou non les « civilisations et les religions se feront la plus terrible des guerres, si oui ou non le Nord et le Sud s’affronteront, si oui ou non le terrorisme, l’intégrisme et le fondamentalisme réussiront à imposer au monde leur registre de violence et d’intolérance ». On ne peut pas plus nettement affirmer le caractère stratégiquement central de la zone.

Nicolas Sarkozy fait donc de la Méditerranée l’épicentre de l’avenir des relations Nord-Sud et de celles entre le Monde musulman et le Monde occidental. S’inspirant de ce qu’a été la construction européenne, il propose de partir de solidarités concrètes, de projets réels afin de progresser. On se rappelle en effet que la construction européenne est partie de l’idée de mettre en commun la production de charbon et d’acier de la France et de l’Allemagne, à l’époque matières stratégiques, afin selon l’expression de Jean Monnet, de rendre la guerre « impossible parce que impensable » entre des pays européens pourtant habitués à se déchirer dans la guerre.

La construction européenne n’est pas partie d’une architecture globale, elle s’est faite progressivement à partir de projets empiriques pour devenir quelque chose qui a largement dépassé les espoirs initiaux. Le Président français ne veut pas imiter le modèle institutionnel européen, mais la démarche pragmatique qui a conduit à sa création. Il propose une Méditerranée à géométrie variable, avec des projets qui ne portent bien sûr pas sur le charbon et l’acier mais sur le développement durable, l’énergie, les transports, l’eau. Il s’agit selon son expression de faire une union de projets. Il a proposé de tenir un sommet des chefs d’Etats des pays riverains en juin 2008 où seraient invités les pays qui ne sont pas riverains de la Méditerranée, mais qui se sentent concernés. Le projet de Nicolas Sarkozy apparaît comme visionnaire pour certains, comme encore trop vague pour d’autres. L’approche suscite plusieurs interrogations.

Quelle différence par rapport au Processus de Barcelone, lui-même bloqué par la prolongation du conflit israélo-palestinien ? Dans sa comparaison avec le système européen, Nicolas Sarkozy indique que l’Europe ne s’est pas construite sur l’expiation des Allemands, que les peuples européens se sont immédiatement projetés dans l’avenir. Par rapport au passé, Nicolas Sarkozy a raison d’estimer qu’il ne faut pas vivre éternellement tourné vers le remord et la repentance. Mais si l’Europe a pu se réconcilier, contrairement à l’Asie, après la Seconde Guerre mondiale, c’est bel et bien parce que l’Allemagne a reconnu ses crimes de l’ère hitlérienne, alors que le Japon a toujours reconnu trop peu ou trop tard ses crimes de guerre.

Mais surtout si l’Europe a avancé, c’est parce qu’elle était en paix. Les projets communs ont consolidé la paix, ils ne l’ont pas précédée. Dans quel projet commun par exemple, Israéliens et Palestiniens pourraient-ils s’engager aujourd’hui ? En l’absence d’un règlement de ce conflit qui empoisonne depuis trop longtemps l’atmosphère internationale, est-il possible d’avancer même sur des projets concrets entre pays arabes et Israël ? On peut penser par exemple qu’avoir une Méditerranée propre, débarrassée de toute pollution, est de l’intérêt commun de tous. Mais peut-on avancer sur ce sujet, alors que les Palestiniens n’ont pas accès à la mer, sans parler des dégâts écologiques subis par le Liban au cours de la guerre que lui a faite Israël ?

Si la Méditerranée a une place stratégique centrale, comme le reconnaît à juste titre Nicolas Sarkozy, c’est justement à cause du conflit israélo-palestinien, dont chacun sait qu’il est au c ?ur de la problématique des relations Monde musulman/Monde occidental. Tant qu’il ne sera pas résolu, les ambitieux projets de Nicolas Sarkozy auront du mal à prendre corps. C’est certainement là la principale faille dans la démarche de Nicolas Sarkozy. Il veut faire avancer les choses pour ne pas être bloqué par le dossier israélo-palestinien, mais tant que celui-ci ne sera pas résolu, il sera difficile d’avancer concrètement.

BMP - 13.4 ko
Pascal Boniface

Les multiples projets de coopération, utiles et bienvenus, ne pourront pas permettre de sauter l’obstacle issu de ce conflit central. Ils ne pourront pas masquer ou compenser l’absence de paix. C’est bien à ce noyau dur du problème qu’il faut s’attaquer.


Du même auteur :

- BHL ou l’empereur de la morale aux habits neufs
- Iran : Eviter la catastrophe
- Proche-Orient : L’épicentre stratégique du monde
- Nicolas Sarkozy et le Proche-Orient

Pascal Boniface - Réalités Online, le 1er novembre 2007


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.