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La surprenante longévité du gouvernement d’Ehoud Olmert

samedi 3 novembre 2007 - 06h:44

Samuel Ghiles Meilhac - IRIS

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Analyse de la situation politique israélienne.

La chute imminente d’Ehoud Olmert et de son gouvernement est fréquemment pronostiquée depuis plus d’un an. En août 2006, au
lendemain de la seconde guerre du Liban qui avait opposé pendant 33 jours le Hezbollah à l’armée israélienne, un mouvement hétérogène - rassemblement qui allait des colons d’extrême-droite à certains éléments de la gauche pacifiste - promettait de maintenir
la pression jusqu’à ce que le Premier ministre israélien " rentre chez lui ", comme l’indiquaient les milliers d’affiches accolées sur les
murs du pays.

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Ehoud Olmert

Depuis, ni les sévères accusations du rapport intermédiaire de la commission Winograd, chargé d’établir les responsabilités des
échecs de la guerre de l’été 2006, ni la multiplication des enquêtes judiciaires à son encontre, ne sont suffisantes pour faire tomber
le dauphin politique d’Ariel Sharon. Plus surprenant encore, Ehoud Olmert ne semble pas avoir d’opposants à même de se poser en
alternatives crédibles alors même que sa côte de popularité est la plus faible qu’un Premier Ministre israélien ait eu dans la courte
mais mouvementée histoire politique de l’Etat hébreu.

Comment expliquer le maintien d’Ehoud Olmert à la lumière des évolutions du système politique israélien et des relations conflictuelles
avec les Palestiniens ?
Si l’actuel Premier Ministre est sans aucun doute un " brillant joueur d’échec ", comme l’écrivait récemment le journaliste Amos Harel
dans le quotidien Ha’aretz, les raisons de sa survie politique sont aussi à chercher dans la situation politique interne d’Israël.

Les grandes coalitions : une tradition dans l’histoire politique israélienne

Ehoud Olmert est à la tête d’une large coalition, ce qui lui assure le soutien de 78 des
120 membres que compte la Knesset, le Parlement israélien.
Outre son parti centriste Kadima (" En avant ", créé en décembre 2005 par Ariel
Sharon qui avait quitté le Likoud) Ehoud Olmert peut s’appuyer sur le Parti travailliste,
la plus grande formation de gauche, le parti religieux Shass, le Parti des Retraités et la
formation d’extrême droite Israël Beitenou (" Israël, notre maison ").

La formation de gouvernements rassemblant des partis politiques de droite et de gauche
est une tradition en temps de crise dans l’histoire de l’Etat d’Israël. En mai 1967,
quelques jours avant de déclencher la guerre des six jours, le Premier ministre Evi
Eskhol avait fait entrer dans son gouvernement son opposant de droite Menahem
Begin. Dans les années 1980, pour faire face à des défis majeurs comme une inflation
galopante, la gauche et la droite mettent en place une formule originale : la " rotation
" à la tête du gouvernement, deux ans le chef du Likoud, Itzhak Shamir, deux ans celui
du Parti Travailliste, Shimon Peres. Ce système fonctionnera de 1984 à 1990.

La Seconde intifada, à partir de la fin de l’année 2000, a été l’occasion de nouvelles coalitions dites d’union ou d’urgence nationale.
Le Parti travailliste a été un pilier de la plupart des gouvernements dirigés par Ariel Sharon de 2001 à 2005. Shimon Peres a été son
ministre des Affaires étrangères de 2001 à 2003 et c’est un ministre travailliste de la Défense, Benjamin Ben Eliezer, qui déclencha
l’opération " Rempart " en avril 2002 comme la construction du mur de séparation en juin de la même année.

Ehoud Olmert peut compter sur la faiblesse de ses opposants internes

La plupart des candidats, déclarés ou non, à la succession du Premier ministre israélien, siègent dans son gouvernement. C’est le cas
de Tsipi Livni, la ministre des Affaires Etrangères, membre de Kadima, et d’Ehoud Barak, chef du Parti travailliste.
La première a tenté de faire entendre sa petite musique en déclarant récemment qu’elle avait été opposée à la Seconde guerre du Liban et qu’elle privilégiait
une relance active des négociations avec les autres pays arabes. Le second, bien que chef du Parti travailliste, joue les Cassandre du gouvernement et a répété à plusieurs reprises pendant l’été 2007 qu’un accord de paix avec l’Autorité Palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas était un dangereux leurre.
Si Barak et Livni forment la corde qui tient le pendu Olmert, ils n’en sont pas moins dépendants et préfèrent garder leur poste ministériel
plutôt que de se risquer à une confrontation directe avec lui.

Une Gauche atone

Depuis la fin de l’année 2000, la gauche israélienne est incapable de présenter un projet alternatif susceptible de convaincre les électeurs.
A la suite de l’échec du sommet de Camp David en juillet 2000, puis du déclenchement de la seconde intifada, la gauche gouvernementale
est abattue. Le discours martelé par Ehoud Barak contre Arafat selon lequel " Israël n’a personne à qui parler " a durablement
affaibli les partis qui se réclamaient du camp de la paix, comme le Parti travailliste et le Meretz. La gauche, parlementaire ou
extra-parlementaire (comme le mouvement La Paix Maintenant), bien qu’à l’origine de nombreux plans de paix alternatifs ces dernières
années, comme les accords de Genève, ne s’est toujours pas remise de l’échec des accords d’Oslo.

Une Droite renforcée

Benjamin Netanyahu, Premier ministre de 1996 à 1999, dirige de nouveau le Likoud depuis la fin de l’année 2005 et le départ d’Ariel
Sharon et de ses proches. L’impopularité d’Ehoud Olmert profite au Likoud, qui est désormais en tête dans les intentions de vote.
L’incertitude reste grande sur son programme politique. Si Benjamin Netanyahu promet de réagir plus durement encore aux tirs de
roquettes depuis la Bande de Gaza et demande que le maximum de colonies israéliennes de Cisjordanie soient annexées, ses intentions
à l’égard de l’Autorité Palestinienne et de la Syrie restent floues.

Le gouvernement d’Ehoud Olmert tombera-t-il après la Conférence sur le processus de paix aux Etats-Unis, programmée pour la fin du mois de novembre ?

Alors que les négociateurs israéliens et palestiniens poursuivent leurs discussions en
vue d’un accord cadre ou d’une déclaration de principes, qui pourrait voir le jour à la
suite du sommet aux États-Unis, on peut s’interroger sur la capacité d’Ehoud Olmert à
le faire ratifier par son propre gouvernement. Les partis religieux, comme le Shass, se
sont opposés à la partition de Jérusalem.Avigdor Lieberman, à l’extrême droite, réclame
que le statut des Arabes israéliens (dont il réclame le transfert d’un certain nombre dans
le futur État palestinien) soit discuté. Enfin, Ehoud Barak, ministre de la Défense et
numéro un du Parti travailliste, multiplie les déclarations sur le danger que représenterait
un nouveau retrait israélien des territoires palestiniens dans le futur proche.

Dans
ce contexte, il est difficile de savoir si Ehoud Olmert survivra à son retour de la conférence
d’Annapolis. En cas d’échec, ses nombreux concurrents de droite comme de gauche
chercheront à provoquer des élections anticipées. Si le sommet aboutit à un accord,
rien ne permet de penser qu’il trouvera une majorité à la Knesset pour le soutenir.

Partis de la coalition

Kadima - 29 sièges

" En avant " est le parti créé par Ariel Sharon à la fin de l’année 2005. Il rassemble d’anciens membres du Likoud, comme Ehoud Olmert
et Tsipi Livni, et du Parti travailliste, notamment Shimon Peres, nouveau Président d’Israël. Se définissant comme centriste, le parti
Kadima s’est entièrement bâti autour du principe du retrait unilatéral, comme celui effectué dans la bande de Gaza à l’été 2005,
comme modèle pour une solution au conflit avec les Palestiniens. Depuis la seconde guerre du Liban et la prise de Gaza par le Hamas,
cette formule n’est plus défendue par Kadima, qui suit les initiatives politiques du Premier Ministre sans avoir de doctrine propre.
Certains analystes évoquent, en cas de chute d’Ehud Olmert, une disparition de Kadima.

Dans ce cas de figure, ses députés rejoindraient
leur parti d’origine, le Parti travailliste et le Likoud.
Parti travailliste - 19 sièges
Depuis la déroute d’Ehoud Barak en mars 2001 face à Ariel Sharon, le parti historique de la gauche israélienne n’en finit pas de se
chercher un homme providentiel : Shimon Peres, le pacifiste Amram Mitzna, le syndicaliste Amir Peretz... tous ont échoué à devenir
Premier ministre, si bien qu’Ehoud Barak a repris la tête du parti en juin 2007. Si le Parti travailliste défend un programme de mesures
sociales et un assouplissement des conditions de vie des Palestiniens, il vote l’essentiel des lois présentées par Kadima.

Shass - 12 sièges

Parti religieux fondé en 1984, il est surtout le porte voix des Juifs venus du Maroc. Bien que son leader spirituel, le rabbin Ovadia
Yossef, soit connu pour ses diatribes contre les Arabes comme contre les laïcs, il n’est pas opposé à l’échange de territoires contre
la paix, sauf dans le cas de Jérusalem.

Israël Beitenou - 11 sièges

Mouvement d’extrême-droite dirigé par Avigdor Lieberman, il a été intégré au gouvernement d’Ehoud Olmert en novembre 2006 afin
d’élargir son assise parlementaire. Particulièrement bien implanté dans la communauté russe d’Israël, il fait du maintien d’une " majorité
juive " dans le pays son principal axe de bataille. Après avoir été favorable au transfert volontaire des Arabes israéliens, il se dit
aujourd’hui prêt à donner le contrôle de certaines zones arabes israéliennes à un futur État palestinien dans le cadre d’un échange de
territoires.

Parti des retraités - 7 sièges

Apparu lors des dernières élections législatives de mars 2006, ce parti, qui a pour unique programme la revalorisation des pensions
des retraités, est l’exemple type de la formation politique éphémère telle qu’Israël en a connu depuis sa création.

Partis de l’opposition

Likoud - 12 sièges

La grande formation de droite est sortie exsangue du départ d’Ariel Sharon et de nombreux cadres à la fin de l’année 2005.
Aujourd’hui dirigée par Benjamin Netanyahu, qui fut Premier ministre de 1996 à 1999, le Likoud a construit son discours sur une
dénonciation de " l’amateurisme " d’Ehoud Olmert et le refus de concessions territoriales, en particulier Jérusalem et le plateau du
Golan. Il est, à l’heure actuelle, en tête des intentions de vote en cas d’élections législatives anticipées.

Parti national religieux - 9 sièges

Il représente notamment les colons des territoires occupés. Il s’oppose à la création d’un État palestinien indépendant et souhaite la
poursuite de la colonisation en Cisjordanie.

Judaïsme unifié de la Torah - 6 sièges

Parti religieux qui s’adresse surtout aux électeurs ashkénazes. Il est essentiellement actif sur les questions de financement du système
scolaire religieux.

Meretz - 5 sièges

Parti de la gauche sioniste et laïque, ce mouvement défend les négociations avec les Palestiniens et se prononce pour un État palestinien
indépendant avec Jérusalem Est pour capitale. Comme le reste de la gauche pacifiste, il est très affaibli depuis le début de la
seconde intifada. En effet, nombreux sont ceux en Israël à estimer que la gauche est responsable de l’issue catastrophique des accords
d’Oslo.

Les partis arabes - 10 sièges

Trois formations concurrentes se disputent les voix des Arabes israéliens, qui représentent 20% de la population totale : Balad (3 sièges),
Hadash (3 sièges) et Ra’am Ta’al (4 sièges). Ils militent pour qu’Israël ne soit plus un " État juif " mais un "État de tous ses citoyens"
et dénoncent les nombreuses discriminations dont sont victimes les Arabes israéliens. Si ils ont souvent soutenu des gouvernements
de gauche par le passé, il n’ont jamais été invités à participer à un gouvernement.

Sysrème électoral israélien

La Knesset, le parlement israélien, compte 120 membres élus pour un mandat de quatre ans. L’élection se fait à la proportionnelle intégrale
sur une circonscription unique. Un parti doit obtenir plus de 2% des suffrages exprimés pour obtenir des élus.

La Commission Winograd

Commission d’enquête créée à la suite de la seconde guerre du Liban. Elle est dirigée par Elyahou Winograd, ancien juge à la Cour
suprême israélienne. Il est assisté par une professeur de droit, un de sciences politiques et deux anciens militaires de haut rang. La
commission a pour mission d’établir les responsabilités du gouvernement et de l’armée dans la mauvaise gestion du conflit. Dans son
rapport intermédiaire rendu fin avril 2007 elle dénonçait notamment les " sévères échecs " d’Ehoud Olmert. Le rapport définitif est
attendu pour la fin de l’année 2007 ou le début 2008.

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Samuel Ghiles Meilhac

Samuel Ghiles Meilhac est un ancien étudiant IPRIS (promotion 2006-07), auteur du livre Le Monde Diplomatique et Israël 1954-2005 - Histoire
moderne de l’Etat juif à travers un journal français de référence
, (Ed. Le Manuscrit, 2006).








Indications bibliographiques

Dieckhoff Alain (Introduction), Israël de Moise aux accords d’Oslo, numéro spécial de L’Histoire, Le Seuil,1998.
Gresh Alain et Vidal Dominique, Les 100 clés du Proche-Orient, Hachette littérature, 2006.
Klein Claude, La démocratie d’Israël, Seuil, Science-Politique, 1997.
Vidal Dominique, Israël, une société bousculée - 25 ans de reportages sur le terrain, Éditions du Cygne, 2007.

Samuel Ghiles Meilhac - IRIS
Actualités du Moyen-Orient et du Magreb, novembre 2007 (version pdf)


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