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Appartenances douloureuses

dimanche 14 octobre 2007 - 09h:40

Dina Heshmat - Al Ahram-hebdo

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Le procès du réalisateur Mohamad Bakri a rouvert le débat sur la place des artistes palestiniens « de l’intérieur » dans la société israélienne. Au moment même où la controverse s’enflamme sur Jérusalem, capitale de la culture arabe en 2009.

« Jénine Jénine », documentaire filmé par Mohamad Bakri en 2002, juste après le massacre perpétré par l’armée israélienne, sera enfin projeté en Israël. C’est la décision qui a été prise par la cour israélienne devant laquelle cinq soldats israéliens avaient traîné Bakri pour « calomnie ».

Cette issue favorable au réalisateur, si elle porte un coup contre la commission de censure qui a interdit la projection du film, rappelle encore une fois, si besoin en était, l’oppression particulière que subissent les Palestiniens de l’intérieur, y compris les artistes et intellectuels palestiniens, plus ou moins célèbres. Elle rappelle également le rapport conflictuel qui les lie aux institutions israéliennes, dans le domaine de la culture entre autres. Un rapport conflictuel parfois minimisé par certains milieux arabes, qui ne manquent pas de rappeler à la moindre occasion que les Palestiniens de l’intérieur détiennent un passeport israélien. Les Palestiniens de 1948 se retrouvent ainsi « pris en otage par leur statut de citoyens israéliens », selon la formule de Najwan Darwich, jeune poète palestinien de Jérusalem occupée, coincés dans une situation doublement inconfortable. D’une part, ils sont considérés comme des citoyens de seconde zone par l’Etat d’Israël ; de l’autre, ils sont considérés par nombre de personnes dans le monde arabe comme « citoyens israéliens », et se voient ainsi, souvent à tort et à travers, inclus dans les campagnes de boycott contre la normalisation avec les institutions culturelles israéliennes.

Par ailleurs, leur statut de citoyens israéliens les place de fait dans une promiscuité imposée et quotidienne avec des institutions culturelles dont il est, partant, parfois difficile de se démarquer. Pas un seul artiste ou intellectuel palestinien n’a échappé à une polémique sur sa participation à tel ou tel événement culturel organisé par une institution israélienne. Samih Qassem, « poète de la résistance », incarcéré maintes fois dans les geôles israéliennes pour ses activités contre l’occupation, a été récemment la cible d’attaques pour sa participation au Festival de poésie de Jérusalem. A ses détracteurs qui soulignaient que le festival avait été boycotté par certains poètes israéliens, dont Aaron Shabtaï, pour qui le festival « enjolivait l’image de l’occupation », Qassem répondait que « la plupart des poètes qui participaient au Festival international de Jérusalem refusent l’occupation et se solidarisent avec les causes nationales et humaines de notre peuple ». Qassem soulignait également que l’organisateur du festival, Nathan Zath, « participait de manière active à de nombreuses activités contre l’occupation et le racisme ».

Pour échapper à ce type de débats, souvent stériles, d’aucuns estiment que la ligne de partage devrait se situer dans le contenu de l’ ?uvre artistique ou du discours proposé. Najwan Darwich rappelait ainsi que, alors même que Mohamad Bakri a souvent été décrié par le passé pour sa participation en tant qu’acteur à des productions israéliennes, son film Jénine Jénine « est construit autour d’une narration palestinienne forte et éloquente, débarrassé de toutes les concessions que certains films palestiniens ont tendance à faire pour être acceptés ». C’est exactement la même ligne de partage qui se pose dès maintenant dans le cadre de l’organisation des festivités pour « Jérusalem capitale de la culture arabe » en 2009.

D’aucuns en effet soulignent d’ores et déjà le caractère problématique de l’organisation d’un tel événement dans une ville occupée. La démission de Mahmoud Darwich - qui avait été nommé à la tête du comité chargé de préparer l’événement - exprime l’ambiance de réticence qui entoure l’événement. Outre le fait que les infrastructures culturelles à Jérusalem souffrent de nombreuses lacunes, les « sceptiques » rappellent l’importance symbolique de cette ville dans le monde arabe. Si leurs craintes se vérifient, et s’il s’avère impossible de réaffirmer à travers ces festivités « le caractère arabe de la ville », « Jérusalem 2009 » risque de se transformer en une entreprise politique visant à intégrer cette ville dans le paysage culturel israélien. Une entreprise que les artistes palestiniens de 1948 sont les premiers à craindre.

Al-Ahram hebdo - Semaine du 10 au 16 Octobre 2007, numéro 683 (Idées)


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