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A Ramallah, le Fatah se met à l’heure islamique

samedi 29 septembre 2007 - 07h:07

Benjamin Barthe - Le Monde

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Ramallah ne badine pas avec le ramadan. Depuis dix jours, une nouvelle unité de police patrouille dans le centre-ville pour faire respecter le jeûne musulman. Ses membres, revêtus de l’uniforme bleu réglementaire, sont reconnaissables à leur brassard rouge, frappé de la mention "Chourta Al-Adab", "police des m ?urs".

Leur rôle consiste à réprimander les mécréants surpris dans la rue en train de fumer, manger ou boire avant le coucher du soleil. Les plus têtus sont conduits au poste pour une rapide leçon de morale islamique.

"Depuis le début du ramadan, à la mi-septembre, nous avons arrêté 25 personnes, explique le lieutenant Amin Titi, chef de cette nouvelle unité composée d’une dizaine de policiers : ceux qui refusent de s’engager à respecter le jeûne en public sont déférés devant le tribunal."

Ramallah, siège du gouvernement du premier ministre Salam Fayyad, est la seule ville de Cisjordanie à avoir officiellement mis en place une police des m ?urs.

Une initiative pour le moins cocasse dans cette place forte du Fatah, dont la communauté internationale encense la "modération" en opposition aux "extrémistes" du Hamas, isolés à Gaza.

"Il n’est pas question de corriger les comportements à coups de matraque, assure le major Yasser Al Faroum, chef-adjoint de la police dans le district de Ramallah, mais nous devons faire respecter la loi, héritée du code pénal jordanien, selon laquelle toute personne qui bafoue le jeûne en public peut être emprisonnée."

Contrer le Hamas

Une poussée de légalisme qui n’est sûrement pas dénuée d’arrière-pensées politiques. "L’Autorité palestinienne cherche à contrer le Hamas sur son propre terrain", estime Shawan Jabarin, directeur d’Al-Haq, une organisation de défense des droits de l’homme.

Dans une ville en grande majorité musulmane et qui, en dépit de son cachet "libéral", a conservé une ambiance de village, la man ?uvre semble payante.

"Le jeûne est un pilier de l’islam, dit Kamal Hussein, un vendeur de qatayef, le "pancake" du ramadan. Imposer le respect de nos traditions est une très bonne chose."

Les habitants de Ramallah sont d’autant plus satisfaits que le mandat de la nouvelle unité inclut la surveillance des sorties des écoles et des stations de bus, terrains de drague favoris des chebabs (jeunes hommes).

"Ramallah attire des gens de toute la Cisjordanie, explique Ma’arouf Shafa’i, un boucher. Parce qu’ils sont loin de leur famille, certains d’entre eux se sentent autorisés à harceler nos filles. La création d’une police des m ?urs est donc une excellente idée."

Parmi les allergiques au jeûne, l’initiative fait cependant grincer des dents. "Je n’apprécie pas que l’on me dicte mon comportement", lâche Lubna Ghanayem, une chrétienne. "Une police des m ?urs ne me dit rien de bon car la moralité est un concept par définition relatif", renchérit le patron d’un bar branché.

Ces critiques, minoritaires, laissent l’Autorité palestinienne indifférente. Décidée à rehausser son image en terme d’ordre public, elle songe à transposer sa "trouvaille" dans les autres villes de Cisjordanie.


Du même auteur :

- La viabilité d’un futur Etat palestinien compromise par l’entrelacs de routes
- L’économie gazaouie paralysée par le blocus israélien
- Les fables de « M. Mur »

Benjamin Barthe, envoyé spécial à Ramallah - Le Monde, le 28 septembre 2007


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