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Le Liban sans président

jeudi 27 septembre 2007 - 06h:26

Alain Campiotti - Le Temps

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Le Liban sans président ne contrôle plus ses institutions. L’élection, manquée mardi à l’Assemblée, dépend des circonstances régionales.

Le Liban est un pays imprévisible. Mardi fut l’exception. La non-élection d’un nouveau président de la république s’est jouée mardi selon la courte partition annoncée. Les députés de la majorité sunnite, chrétienne et druze, qui forme aussi le gouvernement, sont arrivés place de l’Etoile, où est le parlement, sous intense protection. Il devait bien y avoir, au centre de Beyrouth, cent soldats et policiers pour chaque élu. Mais les amis de l’Occident n’étaient pas assez nombreux, et ils le savaient : 68. Il en manquait un : Antoine Ghanem, assassiné mercredi dernier.

Et il faut 85 présents pour que le vote ait lieu. Ceux de l’opposition, chiites et chrétiens (les fidèles de général Michel Aoun) sont restés dans les couloirs. Et Nabih Berri, le président de l’Assemblée, chef du mouvement chiite Amal, allié du Hezbollah, a attendu dans son bureau d’apprendre que le quorum des deux tiers n’était pas atteint. Rideau.

Ce bref épisode attendu avait été précédé d’un échange d’insultes encore plus violentes que d’habitude. Dans les médias. Au parlement se jouait le grand air de l’apaisement. Nabih Berri a rencontré Saad Hariri, le chef de la majorité et fils du premier ministre assassiné en 2005, pour la première fois depuis la crise politique ouverte en novembre dernier. Le chiite promet de dénicher en un mois un candidat président acceptable par tous les partis. Et il a convoqué l’Assemblée pour le 23 octobre.

Ligne de fracture

Ça ne va pas être facile. Pour le comprendre, il suffisait hier de marcher, d’une chicane à l’autre, de l’Etoile vers le Grand Sérail, siège du gouvernement. Il y a trente ans, c’était le c ?ur de la guerre civile. Aujourd’hui, l’espace au bout de la rue du Parlement est couvert, dans un grand désordre, de tentes et de baraques. C’est le camping du Hezbollah et de ses amis. Il est là depuis dix mois, avec l’objectif de faire tomber le cabinet, déclaré illégitime depuis que les six ministres de l’opposition l’ont quitté. « Ce pouvoir ne fait rien pour nous. Il faut le changer », dit mécaniquement un des campeurs. Derrière lui, sous le Sérail, est dressée une grande caricature : le premier ministre Fouad Siniora, en élève stupide, qui écoute la leçon de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice.

Derrière les complications de la politique libanaise, il y a cette réalité simple et terrible. Beyrouth, comme avant, est la ligne de fracture des conflits du Proche-Orient. La majorité issue de la « révolution du cèdre », qui a entraîné le départ des Syriens exigé par le Conseil de sécurité, est tenue par le Hezbollah et les siens pour une marionnette : elle exécute les plans des Etats-Unis et d’Israël pour contrer l’Iran, la Syrie, le Hamas et quelques autres. Pour la coalition qui contrôle encore l’Assemblée, le camp du parti de Dieu sert constamment les intérêts de Téhéran et de Damas.

Chaque épisode de la crise libanaise peut se lire selon ce schéma de clientélisme oriental. Et les deux forces s’équilibrent aujourd’hui, avec peut-être un avantage pour le Hezbollah, en raison de son alliance avec Aoun, qui espère par ce détour accéder à la présidence malgré le dédain d’autres partis chrétiens.

Le chef de l’Etat, dans l’arrangement libanais, doit être maronite. L’actuel occupant de Baabda (palais présidentiel), le pâle ex-général Emile Lahoud, a été imposé et maintenu, grâce à une entourloupe constitutionnelle, par les Syriens quand ils contrôlaient le Liban. Damas, qui nie toute ingérence et toute responsabilité dans les assassinats d’élus de la majorité, faire dire par sa presse qu’un président pro-américain serait intolérable. Or le favori de la majorité est justement de cette eau-là : il s’appelle Lahoud, Nassib, un cousin, en plus lié par mariage à la famille royale saoudienne. L’horreur, vu de Syrie.

Désaccord sur la procédure

Nabih Berri aura de la peine à établir un consensus, s’il le cherche vraiment. Il y a en plus un désaccord sur la procédure. Si un président est finalement élu entre le 23 octobre et le 23 novembre (date limite), il le devra moins à un accord libanais qu’à des circonstances extérieures. Par exemple : l’invitation que les Américains viennent d’envoyer à la Syrie pour la conférence de novembre sur le Proche-Orient, et les suites que Damas lui donnera.


Du même auteur :

- La grande cassure des chrétiens libanais
- « Les Etats-Unis travaillent à la déstabilisation du Liban »

Alain Campiotti, Beyrouth - Le Temps,
le 26 septembre 2007


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