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A l’intérieur de la communauté juive en Iran

jeudi 28 septembre 2006 - 16h:38

Frances Harrison - BBC News

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Alors que l’Iran et Israël sont des ennemis jurés, peu de gens savent que c’est en Iran que vit la principale communauté juive du Moyen-Orient, Israël mis à part. Près de 25 000 Juifs vivent en Iran et la plupart sont déterminés à y rester quelles que soient les pressions - aussi fiers de leur culture iranienne que de leurs racines juives.

A l’aube, dans la synagogue de Yusufabad à Téhéran, les Juifs iraniens sortent la Torah et lisent le texte ancien avant de se rendre à leur travail. Ce n’est pas un spectacle qu’on s’attend à voir dans un Etat islamique révolutionnaire, mais il y a des synagogues parsemées dans tout l’Iran où les Juifs pratiquent discrètement leur religion.

« A cause de notre longue histoire ici, nous sommes tolérés, » dit le dirigeant de la communauté juive, Unees Hammami, qui organise les prières. Il dit que le père de la révolution iranienne, l’Imam Khomeini, a reconnu les Juifs comme une minorité religieuse qui devait être protégée. Et c’est ainsi que les Juifs ont un représentant au Parlement. « L’Imam Khomeini a fait la distinction entre Juifs et sionistes et il nous a soutenu, » dit Mr Hammani.

« Sentiments anti-Juifs »

Dans la synagogue de Yusufabad, les annonces sont faites en persan - la plupart des Juifs iraniens ne parlent pas vraiment bien l’hébreu. Les Juifs sont présents en Iran depuis près de 3 000 ans - les descendants des esclaves de Babylone sauvés par Cyrus le Grand. Au cours des siècles, il y a eu des purges sporadiques, des pogroms et des conversions forcées à l’Islam ainsi que des périodes de coexistence pacifique.

Actuellement, des sentiments anti-juifs sont périodiquement soulevés dans les médias. Mr Hammani dit que la télévision d’Etat confond sionisme et judaïsme de sorte « que les gens ordinaires peuvent croire que quoique fassent les Israéliens, ils sont soutenus par tous les Juifs. »

Pendant les combats au Liban, un hebdomadaire de la ligne dure, Yalesarat, a publié en couverture deux photos de synagogues devant lesquelles des tas de gens agitaient des drapeaux israéliens célébrant le Jour d’indépendance d’Israël. Le journal déclarait faussement que les synagogues se trouvaient en Iran - décrivant même l’une comme la synagogue Yusufabad de Téhéran et localisant l’autre à Shiraz. « Ceci suscita un certain nombre d’opportunistes à Shiraz, » explique le membre juif du parlement iranien, Maurice Mohtamed, « et on a attaqué les deux synagogues. » Mr Mohtamed dit que l’incident a été désamorcé par les forces de sécurité iraniennes qui ont expliqué aux gens que l’information n’était pas vraie. Et avec l’arrivée au pouvoir d’un ultra-conservateur comme le Président Mahmoud Ahmadinejad, l’inquiétude internationale concernant le sort des Juifs iraniens a augmenté.

« La négation de l’holocauste »

Mr Ahmedinejad a constamment utilisé une farouche rhétorique anti-israélienne - des slogans comme “effacer Israël de la carte » - et de façon très controversée, il a remit en question le nombre de victimes de l’holocauste pendant la Seconde guerre mondiale. Mr Mohtamed a été cinglant dans sa condamnation des opinions du Président - ce qui est en soi un signe qu’il y a en Iran pour les Juifs un certain espace d’expression. « Il est très regrettable qu’une tragédie horrible d’une telle portée soit niée... c’était une grave insulte pour les Juifs du monde entier, » dit Mr Mohtamed, qui a aussi fortement condamné l’exposition de caricatures sur l’holocauste organisée par un journal iranien appartenant à la municipalité de Téhéran.

Malgré l’offense aux Juifs du monde entier par Mahmoud Ahmedinejad, bizarrement son bureau a récemment fait don d’argent à l’hôpital juif de Téhéran. C’est un des quatre hôpitaux juifs caritatifs dans le monde subventionné par la diaspora juive - quelque chose de remarquable en Iran où même des organisations d’aide locales ont des difficultés à recevoir des fonds de l’étranger par peur d’être accusés d’êtres des agents de l’étranger. La plupart des patients et du personnel sont aujourd’hui musulmans mais le directeur Ciamak Morsathegh est juif. « L’antisémitisme n’est pas un phénomène oriental, ce n’est pas un phénomène islamique ou iranien - l’antisémitisme est un phénomène européen, » dit-il, déclarant que les Juifs en Iran, même dans leurs pires périodes, n’ont jamais autant souffert qu’en Europe.

Liens familiaux israéliens

Mais il a des problèmes légaux pour les Juifs en Iran - si un membre de la famille juive se convertit à l’Islam, il peut hériter de la propriété de toute la famille. Les Juifs ne peuvent pas devenir officiers dans l’armée et les directeurs des écoles juives à Téhéran sont tous des Musulmans, bien qu’il n’y ait pas de loi qui l’impose. Mais leur grande vulnérabilité est leurs liens avec Israël - où beaucoup de Juifs ont de la famille.

Il y a sept ans, un groupe de Juifs de la ville du sud, Shiraz, a été accusé d’espionnage en faveur d’Israël - finalement ils ont tous été relâchés. Mais aujourd’hui, beaucoup de Juifs iraniens voyagent vers Israël, l’ennemi de l’Iran, et en reviennent.

Dans une des six boucheries casher restant à Téhéran, tout le monde a de la famille en Israël. Tout en découpant de la viande, le boucher Hersel Gabriel me raconte qu’il s’attendait à des problèmes quand il est revenu d’Israël, mais en réalité, l’officier de l’immigration ne lui a rien dit. « Tout ce qu’on raconte à l’étranger est mensonge - nous sommes à l’aise en Iran - si vous ne vous occupez pas de politique et que vous ne les ennuyez pas alors ils ne vous ennuient pas, » explique-t-il. Sa cliente, une ménagère d’âge moyen, Giti, est d’accord, disant qu’elle peut sans problème parler au téléphone avec ses deux fils à Tel Aviv et leur rendre visite. « Ce n’est pas un problème d’aller et venir ; je suis allée une fois en Israël via la Turquie et une fois via Chypres, et il n’y a pas eu de problème du tout.

L’époque des premiers jours de la révolution iranienne, quand les Juifs - et beaucoup de Musulmans - avaient de grosses difficultés à obtenir un passeport, est passée. « Ces cinq dernières années, le gouvernement a autorisé les Juifs iraniens à aller librement en Israël pour rencontrer leur famille et quand ils reviennent, ils ne sont confrontés à aucun problème, » dit Mr Mohtamed. Il ajoute qu’il y a aussi moyen, pour des Juifs iraniens ayant émigré en Israël il y a des décennies, de revenir en Iran pour voir leur famille. « Ils peuvent aller maintenant au consulat général d’Iran à Istamboul, obtenir des documents d’identité iranienne et venir librement en Iran, » dit-il.

L’exode des Juifs d’Iran semble s’être ralenti - la première vague date des années 1950 et la seconde dans le sillage de la Révolution iranienne. Les Juifs qui sont restés en Iran semblent avoir pris la décision consciente de rester. « Nous sommes Iraniens et nous vivons en Iran depuis plus de trois mille ans, dit le directeur de l’hôpital Juif, Ciamak Morsathegh. « Je ne partirai pas - je resterai en Iran sous n’importe quelles conditions. "

Frances Harrison - BBC News, le 22 septembre 2006 : Iran’s proud but discreet Jews
Traduit de l’anglais par Edith Rubinstein


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