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Exposition de photos au camp de réfugiés d’Ain al-Hilweh

vendredi 7 septembre 2007 - 07h:00

Kaelen Wilson-Goldie

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Le camp de réfugiés d’Ain al-Hilweh surprend en lançant une exposition de photos.

Ain al-Hilweh - Vu sa réputation de radicalisme, d’anarchie, de caches d’armes et sa capacité d’établir des plans secrets, Ain al-Hilweh (le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban, situé à la périphérie de Sidon comme un tunnel spatiotemporel pris dans un labyrinthe micro-urbain emmêlé) est connu pour beaucoup de choses mais des expositions d’art n’en font certainement pas parties. Pourtant, samedi soir un centre communautaire enfoui profondément dans le camp a présenté une exposition prometteuse de 10 adolescents locaux.

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Photo : Ramzi Hachicho

Le titre de l’exposition « Sweet Eye » (?il doux) est un jeu de mots : le nom Ain al-Hilweh se traduit de l’arabe par « source parfumée » bien que le mot pour l’eau de source soit le même que celui pour «  ?il ». L’exposition marque le point culminant de l’atelier qui s’est tenu pendant cinq jours le mois dernier, atelier dirigé par Ziad Antar*, un artiste qui depuis plusieurs années prône l’idée de faire sortir l’art accaparé par les élites pour l’amener dans les rues et les espaces urbains au-delà de Beyrouth.

« L’idée est de créer ici » dit Antar en pointant ses deux index vers le sol. « Il faut toujours prendre et faire de l’art dans les rues car l’art appartient à la rue. Pour cela » ajoute-t-il en gesticulant autour de la pièce où sont pendues au mur 40 photographies « nous disons que quoique nous fassions, nous devons le faire ici ».

« L’exposition en elle-même n’a pris qu’une journée à monter -très rapide et fait maison. Nous avons fabriqué les cadres en aluminium ici dans un magasin du quartier » raconte-t-il en tapant sur le bord de l’un d’eux puis en en le décrochant du mur pour montrer la dextérité du travail à l’arrière du cadre. « Et regardez, ce n’est même pas de l’aluminium spécifique pour cadres, c’est de l’aluminium pour étagères. » ajoute-t-il avec un large sourire, fier de l’ingéniosité de son équipe.

Afin de faire fonctionner l’atelier, la Fondation Hariri s’est associée avec l’Association pour les Jeunes Réfugiés Palestiniens, une ONG locale qui reçoit régulièrement des camps d’été et, pendant l’année scolaire, remplit les déficiences dans l’éducation des jeunes en leur apportant un lieu où étudier et faire leur devoirs après l ?école.

Antar a commencé l’atelier par une forte dose de pédagogie. Pour que 10 de ses étudiants apprennent et réfléchissent, il a demandé à la critique et curatrice Rasha Salti* d’écrire un texte sur l’histoire de la photographie. Pour donner aux étudiants une vue sur les voies que la photographie peut ouvrir, il leur a montré une collection de vidéos faits par des artistes plus âgés qui dessinent sur des photographies et des images d’archive.

Chaque étudiant a dû ensuite apprendre tous les détails concernant l’utilisation d’appareils de photos Canon ou Nikon : la vitesse d’ouverture et de fermeture de l’obturateur et tout ce qui concerne les pellicules au lieu de l’utilisation rapide et facile du digital.

Antar a donné à ses étudiants une série d’affectations : faire des portraits, photographier un ventilateur, prendre tous les jours à 9 heures du matin une photo tournée vers la mer à partir d’un balcon. Leurs thèmes affectés sont exposés dans « Sweet Eye » en même temps que six tableaux d’Antar et une formidable série de Ramzi Hachicho*, un dessinateur de Sidon qui photographie depuis trois ans...

Une des photos d’Antar est une nature morte représentant un paquet de cigarettes Marlboro Reds, Royals, un carton retro de Uniteds tous arrangés dans un bol dans une maison ouverte aux visites de condoléances.

Un deuxième groupe de photographies représente des tissus colorés, décorés, minutieusement pliés et tordus. Antar a demandé à cinq de ses étudiantes d’arranger leurs foulards sur une feuille blanche dans la forme de leur choix. Puis il a photographié chaque pièce de tissu comme un objet amoureusement élaboré. Mais ce qui montre vraiment la créativité de l’exposition est la façon avec laquelle les étudiants d’Antar ont interprété les thèmes qui leur avait affectés. Les photographies de ventilateur (par Mahmoud Breish, Amal Jomaa, Rana Jardali et Hanan Saadeh) sont de très belles ?uvres abstraites et par une soirée où l’électricité oscille et la chaleur moite monte dans l’air immobile, leur allusion à la ventilation paraît assez malicieuse.

Tout aussi accomplis et touchants sont les portraits : une jeune fille la tête rejetée en arrière et les bras écartés, une grand’mère qui pose avec des raisins et des fugues et un jeu de triptyques qui transforme le focus raté en un avantage esthétique. Un des triptyques traduit audacieusement l’affectation en trois images qui capturent le reflet du flash du jeune photographe contre un mur blanc éclatant et vide.

« Nous ne voyons que rarement avec nos yeux » écrit Rasha Salti dans un texte qui accompagne l’exposition. « Nous regardons souvent à travers notre culture, notre affiliation politique, nos croyances, notre c ?ur, nos vertus et nos vices. Nous regardons avec les lentilles de l’idéologie plus souvent qu’avec nos yeux. »

« La photographie ne sert pas à reproduire la façon dont le monde se dénoue devant nos yeux, à travers les lentilles devant nos yeux. Il ne s’agit pas seulement de recréer un sujet, d’enregistrer un moment précis, de faire un documentaire ou de raconter une histoire. Il s’agit aussi de se recréer soi-même, de ne plus voir comme nous le faisons, de ne plus être comme nous sommes ».

Le but de « Sweet Eye » explique Antar, n’a pas été d’endoctriner une génération de futurs photographes mais plutôt de donner les instruments critiques aux jeunes (dont on parle trop souvent mais qu’on oublie de voir) afin qu’ils voient leur vie différemment, avec humour, affection et peut-être encore plus important, totalement par et pour eux-mêmes.

- Ziad Antar est né à Saida au Liban en 1978. Il vit à Paris. Il travaille dans les domaines de la vidéo et de la photographie depuis 2002. Il obtient un diplôme d’ingénieur en agriculture en 2001 à Beyrouth. Ses ?uvres ont été exposées récemment à l’Oberhausen Film Festival en 2006, au Festival Coté Court à Pantin en France, au Vidéo Brazil à Sao Paolo en 2005, à Berlin en 2005 et au CAC à Brétigny sur Orge.

- Rasha Salti d’origine palestinienne, est citoyenne du Liban et du Canada. Elle est une experte en Sciences Sociales et diplômée des Universités de Georgetown (Washington) et du « New York New School of Social Research » New York. Elle a été l’une des organisatrices évènements culturels au Liban et aux USA parmi lesquels : « 50, Nakba and Resistance », des conférences comme celle en hommage à Edward Saïd etc. Depuis 2001, Rasha Salti est membre honoraire de l’IDHR (Institute for Democracy and Human Rights).

- Ramzi Hachicho, originaire de Saïda au Liban est photographe, graphiste et a exposé ses photos de nombreux pays. On retrouve son travail dans plusieurs portfolios de grandes agences de photographies.

3 septembre 2007 - The Daily Star - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.dailystar.com.lb/article...
Traduction : Ana Cléja


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