16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Une bataille gagnée devant la Cour Suprême pour les victimes palestiniennes

mardi 12 décembre 2006 - 21h:24

Adallah

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


" La Cour Suprême annule une loi raciste et déclare les Palestiniens victimes de l’armée israélienne dans les Territoires occupés recevables dans une demande d’indemnisation de la part d’Israël."




Hassan Jabareen, avocat, directeur général d’Adalah : « La décision de la Cour Suprême annule l’une des lois les plus racistes votées par le Knesset ces 5 dernières années. Avec cette décision, les Palestiniens qui ont été blessés ou tués, ou qui ont subi des dommages dans leurs biens, en dehors du contexte d’une situation dite de combat, peuvent à nouveau déposer des plaintes pour indemnisation devant les tribunaux israéliens contre les forces de sécurité. Cependant, nous prévoyons de lancer une autre bataille juridique sur la question de la portée des termes « situation de combat. »

Une décision positive et motivée

Aujourd’hui, 12 décembre 2006, la Cour Suprême d’Israël, dans une décision unanime relative à neuf demandes, a jugé que l’Etat d’Israël ne pouvait pas s’exempter lui-même d’indemniser les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui avaient subi des dommages par les militaires israéliens. La décision infirme une disposition d’un amendement récent de la loi sur les Délits civils (responsabilité de l’Etat) (communément appelée la « loi Intifada »). Cette disposition visait à libérer l’Etat de toute responsabilité dans l’indemnisation de n’importe quels dommages causés aux Palestiniens par les militaires israéliens ou toute autre force de sécurité dans les régions désignées comme « zones de conflit » (presque toute la Cisjordanie et Gaza) par le ministère de la Défense. Grâce à cette nouvelle décision, les Palestiniens qui ont subi des dommages par l’armée israélienne depuis septembre 2000 pourront redéposer des demandes en indemnités devant les tribunaux israéliens.

Au nom de la Cour suprême, le Président Aharon Barak a indiqué que la loi exemptait l’Etat de sa responsabilité dans les délits des forces de sécurité ayant occasionnés des dommages, même si ces dommages ne rentraient pas dans le contexte d’opérations de combat. La loi exemptait l’Etat de sa responsabilité dans des circonstances qui n’avaient rien à voir avec la sécurité. Elle violait les droits par des dispositions disproportionnées - le droit à la vie, à la dignité et de propriété des Palestiniens dans les Territoires occupés - et à ce titre, elle était inconstitutionnelle.

Cependant, la Cour Suprême a décidé de ne pas supprimer une autre disposition de la loi qui prévoit qu’Israël ne doit pas indemniser des dommages causés lors d’opérations militaires depuis septembre 2000 à des « citoyens d’un pays ennemi et à des activistes ou membres d’organisations terroristes ». La Cour n’a pas touché à cette disposition mais elle laisse des possibilités pour l’avenir, ayant motivé sa décision par l’insuffisance d’éléments matériels fournis par les demandeurs concernant l’application de cette disposition. Par conséquent, dans le futur, des demandeurs individuels pourront aller devant les tribunaux israéliens pour remettre en cause la constitutionnalité de cette disposition.

Une argumentation bien étayée des associations demanderesses, palestiniennes et israéliennes

Les dossiers avaient été déposés le 1er septembre 2005 par les associations Adalah et HaMoked : le Centre pour la défense des individus et l’Association pour les droits civils en Israël (ACRI), en leur propre nom ainsi qu’au nom d’Al Haq (Cisjordanie), du Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR Gaza), de B’Tselem, des Médecins pour les Droits de l’homme (Israël), du Comité public contre la torture en Israël et des Rabbins pour les droits de l’homme. Les dossiers furent défendus par les avocats d’Adalah, Hassan Jabareen et Orna Kohn, par les avocats d’HaMoked, Yossi Wolfson et Gil Gan-Mor, et par l’avocat d’ACRI, Dan Yakir.

Les demandeurs remettaient en cause les amendements de la loi sur les Délits civils votés par la Knesset fin juillet 2005. Ces amendements refusaient aux habitants des Territoires palestiniens occupés (TPO), citoyens d’un « Etat ennemi » et « activistes ou membres d’organisations terroristes », le droit d’être indemnisés pour les dommages causés par les forces de sécurité israélienne, même si ces dommages étaient provoqués hors d’un contexte d’opération militaire (avec quelques exceptions mineures).

La loi modifiée donnait au ministre de la Défense le pouvoir de proclamer n’importe quelle région hors de l’Etat d’Israël « zone de conflit », même si elle ne connaissait aucune activité liée à la guerre. Cette proclamation refusait à ceux qui avait été victimes dans cette région un droit de recours pour indemnisation devant les tribunaux israéliens. La loi était aussi applicable rétroactivement aux cas de dommages subis depuis le 29 septembre 2000, date du déclanchement de la Seconde Intifada, et pour les réclamations pendantes devant les tribunaux.

Dans leurs conclusions, les organisations insistaient sur le fait que la loi violait grossièrement les principes fondamentaux du droit humanitaire international et des droits de l’homme applicables dans les Territoires palestiniens occupés. Elle enfreignait également les droits basiques de la Loi fondamentale d’Israël : dignité humaine et liberté, et elle était par conséquent inconstitutionnelle. Les demandeurs arguaient encore que la loi faisait passer un message dangereux et extrémiste selon lequel la vie et les droits de ceux qui sont victimes dans une « zone de conflit » n’auraient aucune valeur, puisqu’ils n’avaient aucun recours devant les tribunaux, et ceux qui auraient provoqué ces dommages ne seraient confrontés à aucune sanction. Par conséquent, cette loi était à la fois immorale et raciste.

Les demandeurs soutenaient encore que les articles de la loi supprimaient de fait tout contrôle sur les activités militaires dans les Territoires occupés, dissuadant de mener toute enquête et d’amener ces responsables qui avaient blessé ou tué devant les tribunaux, y compris dans des cas où ces dégâts étaient causés par des tirs ciblés ou au jugé, par la torture et les mauvais traitements, le pillage et le vol de biens civils. La loi viole ainsi les droits fondamentaux à la vie, à l’intégrité physique, à l’égalité, à la dignité et à la propriété, ainsi que le droit constitutionnel d’avoir recours aux tribunaux.

Les demandeurs soulignaient que ces violations entraînées par la loi étaient choquantes en ce qu’elles évitaient d’un seul coup d’apporter une réponse aux violations des droits fondamentaux et que ceci équivalait à un déni des droits eux-mêmes.

Ils demandaient à la Cour Suprême de dire que la Loi fondamentale - dignité de l’homme et liberté - devait s’appliquer à tous les résidents des régions sous contrôle israélien réel. La Cour avait récemment retenu, dans sa décision concernant le gouvernement israélien pour le Plan du désengagement de la Bande de Gaza, que la Loi fondamentale s’appliquait aux colons israéliens dans les Territoires palestiniens occupés. Par conséquent, une décision qui déclarerait que la Loi fondamentale ne s’appliquerait pas aux Palestiniens dans les Territoires créerait un régime constitutionnel d’ « apartheid ».

Les demandeurs traitaient aussi de l’une des revendications centrales présentées par les initiateurs de la loi, à savoir que chaque partie devait supporter le coût de ses propres dommages : l’Etat d’Israël supporte le coût des dommages subis par ses citoyens, et les Palestiniens portent le poids des dommages encourus par les Palestiniens. Les demandeurs défendaient que ce principe péremptoire n’avait non seulement aucune base légale au regard du droit international, mais qu’il s’appuyait sur l’acceptation d’une équivalence de pouvoir entre les Israéliens et les Palestiniens, lesquels relèveraient de deux Etats indépendants, ou au moins deux entités politiques, sans rapport de domination et de subordination. Cette logique, cependant, fait fi d’une réalité claire et évidente : les rapports entre les deux côtés sont ceux d’une puissance occupante et d’une population protégée sous occupation et que la puissance occupante est tenue d’appliquer les dispositions du droit humanitaire international et des droits de l’homme, et d’être en mesure de protéger les civils des Territoires palestiniens occupés.

Dossier : H.C. 8276/05, Adallah et autres contre le Ministère de la Défense et autres

"Décision de la Cour Suprême (en hébreu)"

12 décembre 2006 - http://www.adalah.org/eng/pressrele...
Traduction : JPP


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.