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La surprise d’Hassan Nasrallah... et le choix syrien

mardi 21 août 2007 - 23h:45

Abdel-Bari Attwan - Al Qods Al Arabi

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La surprise préparée par M. Nasrallah va rester le sujet de prédilection des experts militaires, notamment des américains et des israéliens.

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Hassan Nasrallah, secrétaire général du mouvement de la résistance libanaise (Hizbullah)

M. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais est un homme qui ne ment jamais ; il annonce et puis tient parole, et quand il promet à Israël une surprise qui peut changer le cours des choses dans la région en cas d’agression contre le Liban, alors ceux qui sont impliqués et qui tirent les ficelles, prennent ses paroles au sérieux, surtout alors qu’Israël organise en ce moment d’intenses opérations d’entrainement militaire à proximité des frontière libanaises et syriennes, se préparant à une nouvelle guerre censée redorer son blason après l’humiliante défaite au Liban il y a un an.

Il est fort probable que M. Nasrallah ne parle pas ici de nouveaux missiles capables d’atteindre des points plus éloignés dans le territoire israélien, car il avait déjà dévoilé il y a quelques semaines, dans un discours sur Al-Jazeera, que son arsenal était équipé de ce genre de missiles qui selon lui pourraient atteindre tous les points de l’état hébreu, comme il avait aussi dévoilé dans des discours précédents, que son organisation en possédait au moins une vingtaine de milliers.

La surprise préparée par M. Nasrallah va rester le sujet de prédilection des experts militaires, notamment les américains et des israéliens, mais ce qu’on peut à priori en déduire, c’est qu’il serait possible de munir ces missiles, ou au moins une partie, de têtes chimiques ou biologiques, car la prochaine guerre si elle est déclenchée pourrait être effectivement la dernière dans la région, et ses protagonistes ne vont pas hésiter à utiliser tout ce qu’ils possèdent comme armes ; la leçon que les Arabes ont en effet tirée de l’Irak, de son invasion et de son occupation, c’est qu’il est impossible de préserver des régimes qui sont pris pour cibles quelles que soient les concessions faites ; il ne leur resterait alors que le choix de Samson [selon le récit biblique, Samson est l’un des héros d’Israël. Trahi et capturé par ses ennemis, les Philistins, il se fait alors tuer en faisant écrouler leur palais et en tuant avec lui des milliers de ses ennemis, ndt]. Comme le Hezbollah n’a pas hésité à frapper l’intérieur d’Israël avec ses missiles, il ne serait pas surprenant ou étonnant qu’il ait recours à des armes de destruction massive à l’occasion d’une nouvelle confrontation.

Il est clair que le pacte syro-iranien visé par les USA et Israël et par quelques uns de leurs alliés arabes ?modérés’, commence à faire pencher la balance vers l’abandon de la stratégie précédente qui consistait à se recroqueviller dans des tranchées défensives et à rester silencieux vis-à-vis de l’autre côté, et petit à petit et en prenant de la vitesse ce pacte évolue vers une stratégie d’attaque médiatisée, en parallèle avec des préparations militaires conventionnelles et non conventionnelles. Et il se peut que les lourdes critiques et sans précédent lancée par M. Farouk Ach-chara’, le vice-président syrien, contre l’Arabie Saoudite et l’Egypte, les deux têtes de file de ce qu’on appelle l’axe des modérés, soit le premier signe de cette nouvelle orientation.

La Syrie a gardé le silence pendant plus d’un quart de siècle envers ses deux anciens alliés, l’Egypte et l’Arabie Saoudite, et n’a jamais émis la moindre critique vis-à-vis de leurs régimes même après que leurs routes se soient séparées et que la coalition à trois qui les avait réunis depuis l’invasion de l’Irak en 1990 se soit écroulée, une coalition qui s’était concrétisée à l’époque par ce qu’on appelait l’annonce de Damas.

Donc la question qui se pose avec acuité est de savoir ce qui a poussé M. Ach-chara’ à lancer avec cette force cette critique contre les deux régimes égyptien et saoudien et en appelant les choses par leurs noms et avec la voix et l’image, comme par exemple son affirmation que le roi saoudien Abdullah Ben Abdelaziz et le président égyptien Hosni Moubarak n’ont pas osé organiser un sommet triangulaire avec le président Bachar Al-Assad à Riyadh par crainte de la réaction des Etats-Unis, ou son affirmation que l’Arabie Saoudite s’était montrée incapable de convaincre l’administration américaine de lever l’embargo financier sur les Palestiniens après la signature de l’accord de la Mecque entre les Palestiniens, alors que l’Arabie Saoudite est l’allié le plus puissant des Etats-Unis dans la région.

La réponse à ses questions comm à bien d’autres, on peut la déduire de l’approfondissement de la rupture et du divorce définitif qui s’est produit entre le régime syrien et ses anciens alliés dans les derniers mois, car ces deux derniers sont allés très loin dans leur implication avec la stratégie américaine dans la région, et ils ont participé avec enthousiaste à son objectif le plus important qui est d’isoler la Syrie et ses alliés comme le Hezbollah au Liban et le Hamas dans la bande de Gaza, et de se préparer à entrer dans un nouveau pacte militaire avec Israël et les Etats-Unis pour frapper l’Iran en cas d’échec des efforts diplomatique pour trouver une solution pacifique pour la crise du programme nucléaire iranien.

M. Walid Al-Mouallem, le ministre des affaires étrangères syrien s’est plaint plus d’une fois dans des rencontres privées du refus de son homologue saoudien le prince Saoud Al-Faysal de visiter Damas suite à ses invitations répétées. M. Ach-Chara’ a aussi parlé dans son discours à la fête des journalistes du refus des saoudiens de participer à une réunion organisée à Damas au niveau d’experts pour discuter de la situation en Irak, et il a déclaré que l’Arabie Saoudite n’a pas respecté l’accord d’établir une zone franche entre les deux pays, ce qui veut dire que la rupture s’est étendue aussi aux aspects économiques.

Il est clair que les responsables syriens sont arrivés à la conviction profonde que l’ex-partenaire saoudien a choisi une direction différente, qu’il a complètement tourné le dos à la Syrie et est passé à l’étape de nuisance en entamant la guerre médiatique. M. Ach-Chara’ a parlé en termes très clairs de ce problème quand il a dit que les médias saoudiens parlent beaucoup et d’une manière répétitive et négative à propos de la Syrie, contrairement aux comportement des médias syriens, en espérant, sous la forme d’une menace implicite, que cela ne se répéterait pas.

La semaine dernière et plus précisément le lundi 6 août, le prince Saoud Al-Faysal a coupé le dernier lien dans les relations avec la Syrie quand il a renouvelé lors de sa rencontre avec les journalistes ce qu’il appelait les garanties mentionnées dans la déclaration issue du conseil des ministres saoudien : le royaume veille dans toutes ses positions à préserver ses intérêts nationaux, sa sécurité, la stabilité de son peuple, l’unité d’action arabe, la solidarité du monde islamique et la compréhension pragmatique de la situation mondiale et de ses forces d’influence.

Et le royaume saoudien voit que le chemin pour y arriver, c’est l’indépendance de la décision nationale, et de traiter en tant qu’égal et avec esprit d’ouverture tous les états, et il est arrivé à l’affirmation que ce qui empêche ce type de comportement ce sont les forces qui parlent avec plus d’une voix, cherchent les points de discorde, élaborent des prises de positions loin des vérités et ?uvrent pour son intérêt direct et égoïste ; la méthode pour traiter les crises dans la région et pour assurer le progrès de ses peuples se base sur la nécessité de dépasser ses forces, ses slogans et ses idéologies.

Le prince Saoud Al-Faysal n’a pas nommé ses forces et les idéologies en question, mais le gigantesque empire médiatique saoudien a révélé dans plus d’un article par des auteurs reconnus pour refléter la politique saoudienne officielle que l’état visé ici est la Syrie.

Ceux qui sont bien informés sur la Syrie disent qu’il y a deux écoles dans le régime syrien. Une est caractérisée par la souplesse et la modération, le contrôle de soi et la volonté à garder ouverts des canaux de communication avec Washington et l’Occident européen et leurs alliés arabes ; cette école est représentée par une aile dirigée par M. Walid Al-Mouallem le ministre des affaires étrangères. Une autre école pense qu’il n’y a aucune utilité à suivre l’Occident et ses alliés, et elle insiste sur la nécessité de retourner aux sources authentiques de la voie syrienne en s’attachant aux intangibles piliers nationalistes (arabes) syriens face à la politique américaine et israélienne, et en suivant la voie de l’affrontement (la résistance) et en favorisant la révolution dans la région. Cette école est représentée par M. Ach-Chara’.

L’aile de Ach-Chara’ s’est opposée au rétablissement des relations diplomatiques avec le régime irakien issu de l’occupation, et a toujours demandé à soutenir la résistance, comme elle s’est opposée à tout rapprochement avec l’axe des arabes dits « modérés » qui soutient les guerres américaine en cours en Irak et en Afghanistan et celle à venir en Iran, comme cette aile s’est opposée avec force à la conciliation avec la commission internationale d’enquête, et ses conditions humiliantes, sur l’assassinat d’Al-Hariri, l’ex-premier ministre libanais. L’aile pragmatique représentée par M. Al-Mouallem durant les deux dernières années paraissait peser le plus lourd.

Le contexte semble avoir changé, et la nouvelle stratégie syrienne commence à pencher du côté des faucons, suite à une analyse qui doit à la compréhension de la direction que le temps passe vite et que les probabilités d’affrontement avec Israël et les Etats-Unis augmentent et plus rapidement que prévu ; il ne resterait aucun intérêt à garder le silence, à adopter une attitude conciliante, à se recroqueviller dans des tranchées défensives et à oublier les offensives médiatiques et les coalitions politiques et militaires rapidement mises en place au niveau régional et international par l’autre camp.

Ceci explique le boycott complet de la part des Syriens de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères arabes qui a discuté la façon de relancer l’initiative de paix arabe ; cela explique aussi sa mise à l’écart de la conférence de paix américaine appelée par le président Bush en automne prochain et la diminution du nombre de visites de responsables arabes dans sa capitale, notamment des saoudiens et des égyptiens. La question est : est-ce que la Syrie va commencer à traduire sa nouvelle stratégie en étapes pratiques sur le terrain, et si oui comment ?

Il est difficile de répondre catégoriquement à cette question, mais ce qu’on peut dire, c’est que les menaces de M. Hassan Nasrallah et son fort discours populaire et bien préparé, comme le fait que cela soit synchronisé avec le discours de M. Ach-Chara’ sans précédent dans sa critique contre l’Arabie saoudite, l’Egypte, et les Etats-Unis et la prochaine conférence de paix à laquelle accourent les Arabes sans y réfléchir, ainsi que le changement de ton des médias syriens, indiquent le début d’une féroce guerre médiatique.

Les problèmes de la Syrie sont nombreux, mais le principal est que l’axe qu’il dirige possède un socle nationaliste fort en s’appuyant sur des organisations et des forces populaires qui résistent contre l’occupation israélienne (le Hamas et le Hezbollah) et possèdent des missiles et une longue liste de candidats au martyre, mais il ne possède pas de moyens médiatiques efficaces et influents dans n’importe quelle guerre médiatique à venir.

Ce qui a retenu l’attention c’est le fait que la chaîne Al-Jazeera, l’artillerie lourde sur laquelle comptait beaucoup le gouvernement syrien et depuis longtemps, n’a pas diffusé les attaques de M. Ach-Chara’ contre l’Arabie saoudite comme on s’attendait à ce qu’elle le fasse, et elle a préféré prendre une position proche de la neutralité sur cette question. En même temps, la chaîne satellitaire syrienne ne jouit pas d’une grande crédibilité dans le monde arabe, car elle continue à suivre les méthodes de la guerre froide, ou plutôt de sa partie soviétique. Alors que l’autre front possède un empire médiatique gigantesque tentaculaire et complètement dominant dans le public arabe.

L’évolution la plus dangereuse qui peut avoir une grande influence, si la direction syrienne y a recours, c’est d’étendre le champ de la violence, ou le terrorisme, pour déstabiliser ses adversaires. Dans ce domaine, il n’y pas plus doué que les services secrets syriens s’ils décident d’opter pour le choix de Samson, c’es-à-dire [faire écrouler l’édifice] sur moi et sur mes ennemis. Il suffit de rappeler que Fatah Al-Islam, bien que ce ne soit pas une créature des services secrets syriens comme le reconnaît le général Michel Sleiman, commandant en chef de l’armée libanaise [il a en cela raison car les fondamentalistes islamiques, notamment les saoudiens, considèrent le régime syrien comme un régime laïc athée] ce groupe a pu profiter des facilités syriennes pour s’opposer pendant trois mois, malgré sa petite taille, à une armée officielle et lui faire subir des grandes pertes physiques et morales.

La Syrie a pu s’imposer dans toute la région arabe par l’intermédiaire de la violence palestinienne durant les deux décennies des années 70 et 80 et elle peut recommencer car il y a des millions de personnes désespérées à cause des opérations humiliantes et dégradantes subies par les peuples Arabes aux mains des Etats-Unis et de leurs alliés arabes, mais la question qui se pose est de savoir si la Syrie a encore le temps de suivre à nouveau cette voie ?

Les jours qui viennent seront chargés en surprises, et elles ne seront certainement pas agréables pour les Etats-Unis, Israël et l’axe des « modérés » arabes ; nous sommes donc devant un proche combat d’éléphants et une période de non paix et de non guerre ; disons plutôt que dans tous les cas, cette période actuelle d’indécision ne va pas durer, et que la surprise de M. Nasrallah n’en sera qu’une parmi d’autres.

16 août 2007 - Al Qods Al Arabi - Vous pouvez consulter cet article à :
www.alquds.co.uk
Traduit de l’arabe par : IA


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