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Le chemin de la paix passe par Jérusalem

mardi 14 août 2007 - 09h:25

Gideon Rachman - Financial Times

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Le chemin de la paix entre Israël et la Palestine ne traverse pas Baghdad ou Téhéran. Il passe toujours par Jérusalem et la Cisjordanie. Et pour le moment ce chemin est bloqué - littéralement et métaphoriquement - par un mur massif.

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"On nous donnera un Etat à l’intérieur des frontières du mur israélien de sécurité... Les colonies israéliennes demeureront en place. Nos frontières seront contrôlées par Israël... Les Israéliens auront la mainmise effective sur Jérusalem."




Avant la guerre contre l’Irak, des néo-conservateurs optimistes avaient lancé un nouveau slogan censé définir le cadre du conflit Israélo-Palestinien : « Le chemin de Jérusalem passe par Baghdad. » La victoire américaine en Irak créerait les conditions politiques pour la paix entre les israéliens et les palestiniens.

Maintenant que les USA sont bien en voie d’échouer en Irak une nouvelle théorie circule. Cette fois, « le chemin de Jérusalem passe par Téhéran. » C’est la puissance montante de l’Iran - favorisée par la guerre en Irak - qui pourrait créer les conditions favorables pour la paix entre Israël et la Palestine.

Tandis que la théorie du chemin via Baghdad était basée sur une vision optimiste de la transformation démocratique du Moyen-Orient, la théorie du chemin via Téhéran est basée sur la crainte. Elle professe - principalement - que l’ascension de l’Iran est suffisamment effrayante pour motiver à nouveau toutes les parties engagées dans le conflit israélo-palestinien à trouver un règlement. Ceci serait devenu particulièrement pressant depuis que les militants islamistes du Hamas - soutenus par l’Iran - ont pris le pouvoir dans la bande de Gaza, suite à quoi le présumé Etat palestinien s’est scindé en deux.

Condoleezza Rice, la secrétaire d’Etat US, tente de tirer parti de la circonstance. Elle a promis qu’une réunion pour la paix sera convoquée cet automne. Les traditionnels suspects y figureront : israéliens, palestiniens, étatsuniens, égyptiens, jordaniens. Les Saoudiens pourraient également venir, ce qui serait considéré comme un développement important.

Les Saoudiens et autres Etats arabes pro-occidentaux savent qu’un accord de paix israélo-palestinien rendrait beaucoup plus difficile aux Iraniens de semer le trouble dans la région. Pour les israéliens, un accord de paix offrirait la tentante perspective d’un rapprochement avec les Etats arabes pro-occidentaux et serait du même coup un facteur pour organiser un front informel contre l’Iran. Il offrirait également le meilleur espoir de triompher de l’ascension du Hamas. Pour exactement la même raison, l’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas, son président, ont absolument besoin d’un accord. Et le président des Etats-Unis George W. Bush savourerait sûrement la chance de confondre ses critiques en devenant - ce qui est peu probable - le président américain qui aura enfin apporté la solution des deux Etats. Les vrais optimistes parlent de l’établissement d’un Etat palestinien dans un délai d’une année.

Ce serait beau si l’on pouvait y croire. Mais les forces poussant dans la direction opposée s’avèrent apparemment encore plus grandes.

La puissance croissante de l’Iran est certainement en train de remodeler l’état d’esprit dans le monde arabe. Mais la crainte de l’Iran semble toujours peu susceptible d’être assez puissante pour contraindre les Saoudiens à reconnaître Israël - surtout que les Israéliens semblent très peu enclins à céder sur des demandes arabes importantes telles que le « droit au retour » des réfugiés palestiniens. Comme un diplomate israélien le dit : « Dans cette région, l’ennemi de mon ennemi reste toujours mon ennemi. »

Même des membres du Fatah et de l’Autorité palestinienne pensent que M. Abbas se verra probablement offrir un accord qu’il ne pourra que refuser. Un membre éminent du Fatah présume amèrement : « On nous donnera un Etat à l’intérieur des frontières du mur israélien de sécurité, ce qui signifiera que d’énormes régions de la Cisjordanie seront encore perdues. Les colonies israéliennes demeureront en place. Nos frontières seront contrôlées par Israël. On ne nous autorisera pas à avoir une armée. Il n’y aura pas de droit au retour et les Israéliens auront la mainmise effective sur Jérusalem. Ceci sera présenté comme un arrangement provisoire. Mais le provisoire deviendra permanent. » Les alliés de M. Abbas disent que ce serait un suicide politique pour lui et pour le Fatah s’ils agréaient un tel accord. Le Hamas assumerait alors la cause palestinienne par défaut.

Quand j’ai soumis ce scénario à un fonctionnaire israélien de haut rang à Jérusalem, la semaine dernière, il m’a répondu : « Les Palestiniens ont l’optimisme excessif. Même cela, ils ne vont pas se le voir offrir. » L’armée israélienne - soutenue, semble-t-il, par l’opinion publique - est peu disposée à prendre le risque de céder à nouveau le contrôle de la Cisjordanie en matière de sécurité aux Palestiniens. L’immense barrière de sécurité que les Israéliens ont construite a aidé à neutraliser les attaques-suicide à la bombe. Mais des attaques de roquettes ont été lancées contre Israël à partir du Liban et de Gaza. De semblables attaques, menées à partir de la Cisjordanie pourraient atteindre les grandes villes d’Israël. Ainsi l’armée israélienne va vraisemblablement plaider pour le maintien, sur l’ensemble de la Cisjordanie, des centaines de points de contrôle qui rendent la vie quotidienne et le commerce impossibles pour les Palestiniens. Les déplacements d’une ville de Cisjordanie à l’autre - qui ne devraient prendre que quelques minutes - peuvent souvent durer des heures en raison des points de contrôle.

L’humeur en Israël semble aujourd’hui combiner la crainte et l’auto-satisfaction d’une manière qui sera probablement fatale aux chances d’un accord de paix. La crainte est un legs de la campagne de terreur palestinienne qui a tué près de 1 000 Israéliens. Les souvenirs des attaques-suicide à la bombe - ajoutés à l’ascension du Hamas - ont énormément miné toute disposition collective à prendre des risques en matière de sécurité.

Mais les attaques-suicide à la bombe ont cessé. Et en ce moment même, il fait bon vivre. La vie nocturne dans la partie occidentale de Jérusalem - qui était paralysée en 2002 - est à nouveau vibrante aujourd’hui. La semaine dernière, je suis allé au festival du vin de Jérusalem, où les Israéliens riches ont goûté les derniers Cabernet et Riesling en provenance des établissements vinicoles du cru. Les villes palestiniennes telles que Ramallah et Bethléhem étaient juste à quelques milles de distance. Mais se trouvant derrière le mur, elles sont hors deu champ de vision et hors de l’esprit de l’Israélien moyen. Gaza est encore plus efficacement isolée. Par contrecoup de tout le tapage fait autour de l’Iran et du Hamas, les Israéliens se sont rarement sentis plus en sécurité. Ils sentent peu le besoin de prendre des risques pour la paix.

Mais c’est un faux sentiment de sécurité. Comme un officiel israélien le reconnaît : « Dans les territoires occupés, nous sommes assis sur une bombe à retardement. » La rage des Palestiniens et leur sentiment de frustration a déjà provoqué deux soulèvements. Les mesures de sécurité imposées par Israël entraînent l’affaiblissement progressif et constant de l’économie palestinienne, en même temps, l’expansion des colonies israéliennes étouffe graduellement l’espoir d’un Etat palestinien viable. L’ascension du Hamas témoigne de la radicalisation croissante de la cause palestinienne. Et il y a davantage à venir.

Un leadership israélien véritablement déterminé tirerait parti de la force relative du pays à l’heure actuelle pour cautionner un accord de paix effectif - avant que les chances d’une solution de deux Etats ne disparaissent définitivement. Ceci signifierait qu’il faille faire des concessions généreuses et douloureuses sur les questions principales - Jérusalem, les colonies, les frontières.

Le chemin de la paix entre Israël et la Palestine ne traverse pas Baghdad ou Téhéran. Il passe toujours par Jérusalem et la Cisjordanie. Et pour le moment ce chemin est bloqué - littéralement et métaphoriquement - par un mur massif.


L’auteur écrit régulièrement pour Financial Times sur la politique étrangère américaine, l’Europe et la globalisation.

Il peut être contacté à l’adresse : gideon.rachman@ft.com.

6 août 2007 - "The road to peace runs through Jerusalem" - Financial Times
Traduit de l’anglais par M.A. pour la CCIPPP (Campagne civile pour la protection du peuple palestinien)


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