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Un gendarme armé jusqu’aux dents

jeudi 9 août 2007 - 06h:20

Aliaa Al-Korachi - Al Ahram hebdo

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L’Etat hébreu est le principal bénéficiaire des assistances militaires américaines, Washington voulant assurer sa suprématie face à tous les pays arabes réunis.

Israël reste toujours l’enfant gâté de Washington. C’est une réalité que personne ne peut nier. L’Etat hébreu s’est taillé la part du lion dans les assistances militaires que Washington vient d’annoncer récemment : 30 milliards de dollars sur dix ans, soit une augmentation de 25 %. On passe de 2,4 milliards à 3 milliards par an.

C’est une assistance militaire de taille qui vient ainsi d’être attribuée à Israël, alors que ce pays est considéré comme le plus avancé de la région dans tous les domaines d’armement. Rien d’étonnant si l’on y songe. On est témoin d’un soutien permanent américain à Israël dans les forums internationaux, faisant rejeter les résolutions condamnant Israël aux Nations-Unies. On observe aussi l’attribution des plus grandes aides financières, le tout justifié par des prétextes et arguments.

Mais quand il s’agit d’assistance militaire, le monde arabe ne peut que se poser des questions : ces armes sont destinées à combattre les Arabes, les Palestiniens notamment. La preuve en est ces hélicoptères de combat Apache et Blackhawk et ces chars Merkava qui sont utilisés quotidiennement pour tirer sur des civils palestiniens ou qui ont servi contre les Libanais l’été dernier. Tous font partie de l’arsenal fourni à Israël grâce à l’aide des Etats-Unis.

Aujourd’hui, les Américains et les Israéliens prétendent que la situation dans la région est encore plus trouble qu’avant. En conséquence, les aides militaires doivent augmenter, elles aussi plus qu’avant. Selon eux, cette augmentation se justifie du fait qu’« Israël fait face à une menace sur son existence et doit être capable de se défendre par lui-même ». Ce n’est qu’un grand mythe. Le fait de considérer Israël comme un éternel agressé n’est qu’une falsification de la réalité.

N’est-ce pas lui qui occupe les territoires palestiniens et arabes ? Mais Washington ne trouve pas de honte à déclarer solennellement à chaque fois qu’il attribue des aides militaires à l’Etat hébreu son « engagement à assurer la suprématie militaire et technologique d’Israël ». C’est une phrase qui a été à maintes fois répétée par les Administrations américaines différentes. Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a d’ailleurs souligné que le président George W. Bush lui avait donné des assurances concernant le maintien « de l’avantage qualitatif » entre Israël et les pays arabes de la région.

La diplomatie américaine a toujours été fondée sur l’engagement américain d’assurer le droit d’Israël à l’existence dans des frontières sûres et reconnues et qu’un Israël fort est une condition sine qua non pour l’instauration de la paix dans la région. Commençant par Johnson, à la fin des années 1960 jusqu’à George Bush, dont l’époque marque un record dans l’assistance militaire pour Israël.

Pour Mamdouh Attiya, expert militaire, « c’est tout à fait curieux que parmi les fondements de la stratégie d’un pays se trouve la sécurité d’un autre ». Une sécurité assurée par tous les moyens. Selon Mohamad Abdel-Salam, analyste militaire au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, Washington vise actuellement à reconstituer l’arsenal militaire israélien mis à mal par la dernière guerre du Liban. Conserver toujours l’arsenal israélien a toujours été la politique américaine. En 1974, après la guerre d’Octobre 1973, les Etats-Unis ont aussi augmenté leur aide militaire d’un taux considérable, un record. Et l’on n’oubliera jamais ce pont aérien ouvert durant la guerre pour fournir des armes à Israël.

Au détriment de la loi

Alors, pour assurer la suprématie militaire d’Israël, celui-ci est devenu le principal bénéficiaire des aides américaines dont les deux tiers s’orientent vers le secteur militaire.

C’est une aide inconditionnelle qui échappe même à la loi américaine. En effet, il existe la loi sur le contrôle des exportations des armes (AECA), qui cite que le gouvernement ne devrait pas donner d’aide militaire à un pays qui viole des lois internationales ou des droits de l’homme. Celles-ci sont transgressées en permanence par Israël.

En 2001, un rapport du département d’Etat sur les droits de l’homme indique : « Les unités de sécurité israéliennes ont souvent employé la force excessive contre les manifestants palestiniens, dont des tirs à balles réelles au cours de la deuxième Intifada, tout particulièrement d’hélicoptères Apache et Cobra, ainsi que de chasseurs-bombardiers F-16 pour des opérations allant de l’exécution sommaire de dirigeants palestiniens à la destruction de locaux administratifs de l’Autorité palestinienne ». Le pire encore dans cette affaire c’est qu’Israël a maintes fois utilisé des armes expérimentales dans les territoires palestiniens .

Outre les aides militaires, il y a plusieurs formes de coopération militaire entre les deux pays. La facilité de l’accès à la technologie américaine la plus sophistiquée et la moins partagée, les F-16 fournis en abondance par les Etats-Unis et pour lesquels Israël est le premier client mondial. Le Jéricho 2 qui peut atteindre tous les pays de la région, jusqu’à l’Iran. Des man ?uvres communes, des centres de recherches, des échanges de renseignements et d’informations militaires sont d’autre figures de cette coopération.

Bénéficiant largement de l’assistance et de la coopération américaine, l’industrie de défense israélienne se situe au 5e rang mondial. Et là, les subventions ne manquent pas : par exemple, 625 millions de dollars pour développer et déployer le missile antimissile Arrow, 1,3 milliard pour la mise au point de l’avion Lavi, 200 millions pour construire le char d’assaut Merkava et 130 millions de dollars pour réaliser un système laser antimissile. Ce qui pose la question de savoir quelle est l’intention réelle des Etats-Unis derrière le versement de tous ces milliards de dollars dans la technologie militaire israélienne, laquelle se trouve en compétition directe avec celle des Américains.

Pour Mamdouh Attiya, l’objectif est vu sur trois échelles. « Le proche ou l’urgent, c’est de sauvegarder la sécurité d’Israël. A moyen terme c’est la prévention contre tout danger qui pourrait venir du côté de l’Iran ». A plus long terme, c’est de former un énorme stock d’armes. « Avec l’approche de leur retrait de l’Iraq, les Etats-Unis risquent de perdre leur présence directe dans la région. Alors à côté de quelques bases militaires dans certains pays du Golfe, Israël devient un pilier important dans la région, comme un entrepôt d’armes à servir dans les cas d’urgence pour Washington », conclut Attiya.

« Washington essaye d’attirer les Arabes à ses côtés dans sa confrontation avec l’Iran »

L’expert militaire, le général Gamal Mazloum, invite les Arabes à ne pas trop exulter suite à l’assistance militaire américaine qu’ils vont obtenir.

Al-Ahram Hebdo : Quels seraient les objectifs américains en annonçant une assistance militaire à Israël et à certains pays arabes ?

Gamal Mazloum : L’objectif principal des Etats-Unis est de soutenir Israël et de garantir sa sécurité. L’augmentation de 25 % de l’aide consacrée à Israël pour atteindre 3 milliards de dollars (garantie pour dix ans) s’explique par cette relation entre les deux pays.

A ceci s’ajoute un autre agenda, celui de l’armement du Golfe. Une façon de contrer l’influence militaire de l’Iran dans la région. Ceci s’inscrit, bien sûr, dans le cadre de la protection du pétrole, du contrôle de la flambée des prix et de la récupération des pertes. Le baril du pétrole est passé de 25 dollars en 2001 à 78 dollars aujourd’hui.

Les Américains veulent en outre encourager les Arabes à les soutenir en Iraq et, en ce qui concerne l’Arabie saoudite en particulier, à stopper ses interventions dans les pays de l’Euphrate.

Mais l’Arabie saoudite et les autres pays du Golfe vont acheter des armes des Américains et non pas profiter d’une assistance militaire ...

- Ce n’est pas tout, cette vente est accompagnée des conditions d’utilisation. Avec Riyad, il est bien imposé qu’il n’utilise pas ces armes dans le conflit israélo-palestinien. Ceci illustre clairement les vrais intérêts des Etats-Unis.

Et où se situe l’Iran dans ce marché ?]

- L’Iran est certainement la cible dans cette affaire. En voyant ce mouvement américano-arabe, Téhéran devrait baisser un peu le ton en Iraq et sur le dossier nucléaire, une dissuasion en quelque sorte. Cette aide est un message clair aux Iraniens. Washington essaye d’attirer les Arabes à ses côtés dans sa confrontation avec l’Iran.

Les rapports de force régionaux seront-ils donc modifiés par cette assistance ?

- Les pays du Golfe sont connus par leur suprématie en matière des forces aériennes, tandis que l’Iran les devance dans les domaines naval et terrestre. Il est en outre plus expert dans le domaine de la guerre. Je crois qu’en dépit de cette assistance américaine, les Iraniens maintiendront leur supériorité militaire par rapport aux Arabes, mais la suprématie militaire régionale restera toujours en faveur d’Israël.

Par cette assistance, les Américains ne veulent-ils pas obliger les Arabes à les aider militairement en cas de guerre contre l’Iran ?

- Si c’est le cas et si les Etats-Unis décident de déclencher une guerre contre l’Iran, ce dernier va cibler les installations militaires américaines dans les pays du Golfe, d’où viennent les attaques. Les pays arabes seront les plus touchés, c’est pourquoi j’appelle les dirigeants arabes à ne pas trop exulter.

Propos recueillis par Mavie Maher

Al Ahram hebdo - (Enquête) - Semaine du 8 au 14 août, numéro 674


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