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L’armée a enlevé Souhayeb

lundi 30 juillet 2007 - 09h:04

Mahsanmilim

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L’armée a enlevé Souhayeb, le fils d’Abou Omar, le charretier de Qalandiya. Ce lieu-là n’est dans le c ?ur de personne et est hors de tout lieu. Absolument transparent. Un lieu transparent et dont les gens sont transparents.

Cela se produit quasiment chaque jour dans le camp de réfugiés de Qalandiya, qu’on vienne de nuit et qu’on enlève quelqu’un. Quelques jeeps arrivent. S’arrêtent près de la maison. Et alors on prend celui-ci ou un autre. Il est rare qu’on arrête quelqu’un puis qu’on s’en aille ; la plupart du temps, on brise du verre, on retourne des tiroirs, parfois pour la fouille, parfois simplement comme ça, parfois on met à sac, on pille, ou on frappe les membres de la famille, et on tire des coups de feu dans les voitures, ou sur les gens, parce que tout est permis, parce que tout est possible.

Souhayeb Saber Khalil Hamad, le fils de presque 17 ans d’Abou Omar et de Kifah, ils l’ont pris dans la nuit du 17 au 18 juillet.

Il était environ deux heures du matin. Ils se sont arrêtés près de la maison. Huit jeeps. Les soldats sont sortis et ont lancé des grenades fumigènes dans la maison à travers la vitre d’une fenêtre qui s’est brisée et la pièce s’est remplie d’éclats de verre et d’une fumée blanche. Qassam, 14 ans, et Souhayeb, presque 17 ans dormaient là. Les éclats de verre ont volé sur eux. Il était impossible d’y voir quelque chose ou quelqu’un, ou de respirer. Terrorisés, ils se sont levés et ont couru à l’étage. Chez leur père. Et de nouveau, dehors, les soldats lançaient une grenade détonante. La maison tremblait. Ouvrez ! Ouvrez ! criaient les soldats à l’extérieur. Abou Omar s’est précipité en bas pour ouvrir la porte.

Ils m’ont emmené dehors, dans la rue, de force, ils me traînaient par terre comme on traîne un chien, et ils hurlaient , raconte-t-il, le soldat m’avait dit fils de pute, ouvre la porte, et j’avais dit pourquoi jurez-vous ? j’ouvre, patience, et alors ils m’ont plaqué contre le mur en béton. Et alors ils m’ont dit les mains en l’air, ils m’ont fouillé à fond, ils m’ont dit fais sortir tous ceux qui se trouvent dans la maison.

Je suis entré et j’ai dit à mon épouse et à ma fille de s’habiller, qu’il y a des soldats, et j’ai dit allez en bas. Et je suis descendu. Et tout le monde est descendu. Nous étions dehors. Qassam ne descendait pas. Le soldat a dit tu en as encore. J’ai dit encore un. Il m’a dit va le chercher. Je suis entré, et il y avait de la fumée blanche partout, j’ai cru que la maison brûlait. Et je le cherchais. Je m’inquiétais pour lui. Il était dans une chambre. Dans un coin. Je lui ai dit qu’est-ce que tu fais. Il a dit qu’il avait peur. De la fumée. Il a dit qu’il y avait des soldats dehors. Je lui ai dit je sais, n’aie pas peur. Viens avec moi. Puis tout à coup un soldat est arrivé qui l’a attrapé et l’a placé près du mur et il criait où sont les cartes d’identité. Il disait où est celle de l’enfant. J’ai dit il n’en a pas. Il a dit ok, il a dit alors apporte la tienne. Je lui ai donnée.

Ils sont tous entrés à l’intérieur de la maison, quinze soldats environ. Ils ont fouillé toute la maison, chambre après chambre, les toilettes aussi. Et ils criaient et ils juraient. Et ils sortaient tout ce qu’il y avait dans les armoires, tous les vêtements, les uns sur les autres, sais pas ce qu’ils cherchent, les vêtements, tout, par terre, ils étaient nerveux, et alors un m’a dit prends toute la famille dans une chambre. Et il a dit où sont les cartes d’identité, j’ai donné celle de tout le monde.

Alors, tout à coup, est arrivé un officier. Il me semble que c’était un haut gradé. Quand il arrive, fini les cris et les jurons. Il m’a dit tsabah alhir (bonjour). Je lui ai dit shalom. C’est toute ta famille il a demandé, je lui ai dit que oui. Tu parles hébreu il a demandé, j’ai dit oui. Alors il a dit qui sont-ils. Montrant les enfants. J’ai dit c’est Qassam, c’est Omar, c’est Souhayeb... Et alors il était occupé à regarder un papier blanc, et il a dit très bien quand j’ai dit Souhayeb. Après ça, il a dit aux soldats prenez le père et mettez-le dans une pièce, seul, et fermez la porte. Il m’a dit monte à l’étage. Je pensais qu’ils voulaient encore fouiller, je n’ai pas compris, et alors ils m’ont enfermé. Je leur ai dit que voulez-vous, ils m’ont dit assieds-toi, mets-toi là ne sors pas. Mon épouse et mes enfants restaient seuls. Moi en haut et eux en bas.

Mon épouse m’a raconté ensuite, ils lui ont dit amène des vêtements pour que ton fils s’habille. Souhayeb a dit qu’est-ce que vous voulez, ils lui ont dit tais-toi, ne parle pas. Il avait peur, il s’est habillé, a mis ses vêtements et ses chaussures. Il a demandé des cigarettes. Ils lui ont dit n’en prends pas. Il a dit à mon épouse apporte-moi des cigarettes. L’officier a dit interdit. Il était inquiet. Omar lui a dit, à Souhayeb, sois patient ne dis rien. Alors ils ont frappé Omar dans le dos. Avec la crosse du M 16.

Mon épouse m’a dit que l’officier a demandé à Souhayeb tu as quelque chose, tu es terroriste ? Je suis un être humain, je n’ai rien fait, il a dit. Alors mon épouse aussi a parlé à Souhayeb, sois fort, n’aie pas peur. Sois comme nous te connaissons.

Et alors ils l’ont fait sortir. Je l’ai vu depuis la fenêtre. Ils lui ont fait lever les mains. Ensuite les mains derrière le dos pour leur mettre ce truc en plastique. Puis quelque chose de blanc sur les yeux. Et ils l’ont mené à la jeep. Quand il est monté, ils l’ont poussé à l’intérieur. Et ils l’ont emmené. Je l’ai vu qu’ils l’emmenaient.

Après ça, des gens sont venus disant qu’ils avaient aussi emmené Ma’ez.

Durant la nuit, nous avons remis de l’ordre dans la maison. Nous n’avons pas dormi. Les enfants avaient peur. Ensuite le matin la mère de Shadi est arrivée, et la mère d’Ayoub. Tout le monde avait entendu la grenade détonante, car ils ont lancé deux trucs, et juré, et crié tellement, tous les voisins s’étaient levés la nuit, car ils disent que c’est la première fois qu’il y avait des cris comme ça et qu’ils étaient nerveux et comment ils m’ont traîné dehors et comment ils juraient.

Ils t’ont frappé ?

Non, ils me poussaient seulement comme ça, ils ne m’ont pas donné de coups. A Omar ils ont donné un coup, mais il va bien.

Au cours des deux premières nuits qui ont suivi, les enfants n’ont pas dormi du tout, ils avaient peur qu’ils ne viennent les chercher eux. Je leur ai dit qu’ils ne viendraient pas, qu’ils étaient venus pour Souhayeb. Qu’ils ne devaient pas avoir peur. Hier et aujourd’hui, ils ont dormi. Ils se lèvent un peu la nuit. C’est-à-dire quelques fois. Nour (quatre ans) rêve, pleure comme ça, jeish jeish (soldats, soldats), il a bu un peu d’eau et est allé dormir. Qassam aussi (Qassam a quatorze ans, quand il avait huit ans, ils lui ont tiré dessus à balle réelle, sa tête est pleine d’éclats) s’est levé, effrayé, il fait de mauvais rêves. Peur qu’ils viennent.

Une fois ils ont parlé à Souhayeb,raconte-t-il. Ils t’ont donné des coups, a demandé Kifah. Vrai ou non, le fils a dit non. Tu vas bien, a demandé sa mère, oui dit-il, ça va.

Tout le temps il demande à Alaa et Omar (Omar a dix-neuf ans et Alaa est âgée de dix-huit ans) quand ils auront terminé (les derniers examens de fin d’année), raconte Abou Omar, je lui ai dit que la semaine prochaine ils reçoivent les résultats. Alors il me dit, papa j’ai cent shekels, j’achèterai peut-être des fusées d’artifices, tu sais ce qu’on fait voler aux mariages, boum boum, et du feu, m’explique Abou Omar, et alors la semaine prochaine, quand Alaa et Omar recevront leurs notes d’examens terminaux, je les tirerai en l’air dit Souhayeb, d’accord papa ?

C’est comme ça que me parle Abou Omar, c’est comme ça qu’il raconte, et toute la chaleur du monde est dans sa voix.

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Souhayeb, Nour, leur mère et leur père

Par Aya Kaniuk et Tamar Goldschmidt :

- Ils tirent sur des enfants

Mahsanmilim, le site d’Aya Kaniuk et Tamar Goldschmidt - juillet 2007
Traduction en anglais par Tal Haran
Traduit de l’hébreu par Michel Ghys


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