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Battre la conspiration contre la Palestine

lundi 23 juillet 2007 - 12h:03

Ali Abunimah - The Electronic Intifada

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« Soyez certain que les derniers jours de Yasser Arafat sont comptés, mais permettez que nous en finissions avec lui par nos propres moyens, pas avec les vôtres. Et soyez aussi sûr ... que les promesses que j’ai faites devant le président Bush, je donnerai ma vie pour les tenir. » Ces mots ont été écrits par le seigneur de la guerre appartenant au Fatah, Mahmoud Dahlan, dont les forces soutenues par les Etats-Unis et Israël ont été défaites par le Hamas dans la bande de Gaza le mois dernier ; cette lettre datée du 13 juillet 2003 a été envoyée à celui qui était alors ministre israélien de la défense, Shaul Mofaz, et a été publiée sur le site internet du mouvement Hamas le 4 juillet dernier.

Dahlan qui, malgré son échec à conserver Gaza, reste un des premiers conseillers du responsable de l’Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, met en évidence sa participation à une conspiration pour éliminer Arafat, détruire les institutions palestiniennes et les remplacer par une direction à la botte d’Israël.

Dans sa lettre, Dahlan décrit sa crainte de voir Arafat convoquer le conseil législatif Palestinien et d’exiger qu’il retire sa confiance au premier ministre Mahmoud Abbas, désigné plus tôt en 2003 sur la demande insistante de Bush afin de faire contrepoids à l’influence d’Arafat. Toujours dans la même lettre Dahlan écrit qu’il est vital que “tout le monde coopère en bonne coordination” afin d’empêcher cela mais aussi de « mettre [Arafat] sous pression de tous les côtés afin qu’il ne puisse prendre cette mesure ». Dahlan fait savoir que « nous avons déjà entrepris des mesures d’intimidation et de prévarication pour influencer l’opinion de nombreux membres du conseil afin qu’ils votent dans le sens de notre camp et non dans le sens d’Arafat ».

Dahlan termine sa lettre à Mofaz par ces mots : « Il ne me reste plus qu’à rappeler ma gratitude à votre égard et à celle du premier ministre [Ariel Sharon] pour la confiance permanente que vous nous accordez, avec tout notre respect. »

Cette lettre est une petite mais révélatrice évidence à ajouter à la montagne de ce qui existe déjà concernant la conspiration dans laquelle l’équipe d’Abbas est impliquée. Dans le mois qui a suivi la nomination par Abbas d’un « gouvernement d’urgence » de style vichyste dirigé par Salam Fayad, des dirigeants historiques tels que Farouq Qaddumi et Hani al-Hassan avaient manifesté leur opposition aux décisions d’Abbas et rejetaient particulièrement son ordre pour que les combattants de la résistance palestinienne désarment alors que l’occupation israélienne se poursuit sans répit.

Ceci souligne le fait que le fossé aujourd’hui entre Palestiniens n’est pas entre le Hamas et le Fatah, ni entre « extrémistes » et « modérés » ou « islamistes » et « laïques », mais entre d’un côté la minorité qui a joué son va-tout en collaborant avec l’ennemi, et de l’autre ceux qui respectent le droit et le devoir de résistance.

Les dirigeants israéliens sont au moins clairs comme le cristal sur ce qu’ils attendent de leurs valets palestiniens. Ephraïm Sneh, jusqu’à récemment adjoint au ministre de la défense, exprime la vue commune à la direction israélienne : « La plus urgente et la plus importante mission pour Israël dans cette période est d’empêcher le Hamas de prendre la main sur la Cisjordanie. Il est possible d’y arriver en affaiblissant le Hamas par des progrès visibles sur le plan diplomatique : en aidant le gouvernement du premier ministre palestinien Salam Fayad à fonctionner réellement et avec succès, et en créant les conditions pour une faillite totale du régime du Hamas dans la bande de Gaza » (« Comment stopper le Hamas, » ’Haaretz, 17 juillet 2007).

Sneh dit clairement que « pour gagner, des campagnes militaires — et des arrestations ne suffisent pas — il est impératif de provoquer une défaite politique [du Hamas] par l’intermédiaire d’une autre composante palestinienne. » Cette composante est le Fatah. Sneh énumère une liste de mesures pour y parvenir dont l’emploi d’un plus grand nombre de Palestiniens comme travailleurs bon marché dans l’économie israélienne, la libération de prisonniers du Fatah et la restitution de l’argent des taxes volé aux Palestiniens par Israël — mais il ne dit absolument rien sur l’arrêt de la construction de colonies juives israéliennes, la fin de l’occupation militaire et l’abogration des lois et pratiques racistes. Dans un flou caractéristique, il mentionne juste « qu’il est nécessaire de démarrer une discussion avec le président palestinien sur les principes d’un règlement final. » Quatorze ans après Oslo, ce n’est pas cela qui va convaincre les sceptiques.

Depuis la signature des accords d’Oslo, Israël a fait tout ce qui était en son pouvoir pour bloquer la création d’un état palestinien, bridant en permanence l’Autorité Palestinienne. Qu’y a-t-il derrière la détermination israélienne de propulser en avant l’équipe d’Abbas ? Pourquoi ne pas laisser tout s’écrouler et crier victoire ?
Les dirigeants israéliens savent que le maintien d’un « état juif » sur une base ethnique nécessite de prendre en compte une réalité : les juifs ne forment plus la majorité de la population si l’on regroupe Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, c’est-à-dire l’ensemble des territoires sous contrôle israélien. Israël a besoin d’un semblant de souveraineté palestinienne pour extraire des millions de Palestiniens de ses registres, la voie tentée par l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid en déployant des « foyers noirs indépendants » — les Bantoustans — pour servir de relais à la suprématie blanche et lui donner un semblant de légitimité.

Quant au Hamas, il est à la croisée des chemins. Il peut survivre à l’effondrement de l’Autorité Palestinienne, mais quel est son avenir ? Il est issu d’un segment de la société palestinienne, mobilisée, pauvre et religieuse, mais il a aujourd’hui de la part des Palestiniens — en attente d’une alternative et rendus orphelins de leurs dirigeants qui leur ont tourné le dos — un très large support grâce à sa résistance contre Israël. Le Hamas a le choix entre développer un programme qui tienne compte des aspirations de la société palestinienne dans toute sa diversité, ou alors tomber dans les pièges qui lui sont tendus.

Les dirigeants du mouvement Hamas ont fait de notables déclarations en faveur du pluralisme, d’une réelle démocratie, du rôle de la loi, et ils sont avec raison fiers de la libération du journaliste Alan Johnston de la BBC. Mais ils doivent être jugés à l’aune de leurs actions, et il y a des signes décourageants. Le PCHR ( Palestinian Centre for Human Rights) a rapporté plusieurs cas d’abus, de kidnapping et de torture par des membres de la Force Exécutive du Hamas, ainsi que la mort d’un prisonnier aux mains de son aile militaire.

Il est exact que ces pratiques ne se produisent pas dans le vide — Israël et son allié, le Fatah, sont engagés à bien plus grande échelle dans le meurtre, la torture et le kidnapping directement à l’encontre des partisans du Hamas, et le Hamas est engagé dans une lutte pour sa survie. Mais le Hamas a gagné de la légitimité en promettant de mettre fin aux repoussantes pratiques des milices du Fatah soutenues par Israël. Il doit tenir cette promesse ou voir son soutien si difficilement gagné s’évaporer. Il doit commencer dans le même temps à articuler une vision du futur qui prenne en compte la réalité de 11 millions de juifs israéliens et de Palestiniens vivant dans un petit pays. Nous savons ce à quoi s’oppose le Hamas, mais personne n’est vraiment clair sur ce qu’il veut.

Le Hamas évolue lentement vers l’acceptation de la solution à deux États, au moment même où les défenseurs les plus acharnés d’Oslo réalisent que cette solution — seule capable de sauvegarder l’avenir d’Israël en tant qu’enclave privilégiée réservée aux juifs — devient de moins en moins crédible.

Pour Aaron David Miller, travaillant depuis 25 ans au Département d’État américain et qui représentait l’administration Clinton au sommet de Camp David, « la solution à deux États est de moins en moins évidente. Du côté palestinien, on parle de plus en plus d’une solution à un seul État - ce qui évidemment n’est pas une solution du tout car elle implique la disparition d’Israël en tant qu’État Juif ». (« Is peace out of reach ?, » The Los Angeles Times, 15 juillet 2007).

Danny Rubinstein, éditorialiste du Haaretz prédit que « tôt ou tard le Hamas sera défait dans sa guerre contre Israël. Mais ce n’est pas pour autant que nous reviendrons à la période d’Oslo et de la vision de deux États pour deux peuples. » Rubinstein craint de voir émerger au contraite « une demande de plus en plus forte de la part des arabes Palestiniens, qui représentent plus de la moitié des habitants de ce pays, lesquels diront : ’dans ces conditions nous ne pouvons créer notre propre État ; nous devons donc obtenir des droits civiques dans ce pays qui est notre patrie’. Ils s’aligneront sur les revendications des arabes israéliens, qui demandent l’égalité citoyenne et qu’Israël soit un État pour tous ses citoyens, sans discrimination entre juifs et non-juifs. » (« Nothing to sell the Palestinians, » 16 juillet 2007).

Nous voyons ainsi qu’Abbas est devenu le dernier espoir d’Israël dans sa lutte contre la démocratie. Une conjonction aussi pathétique d’intérêts ne peut bloquer la voie menant à la libération.


* Ali Abunimah est cofondateur d’Electronic Intifada

Consultez son site Internet : www.abunimah.org

Du même auteur :

- « Solution unique en Palestine : un seul Etat pour tous »
- La doctrine Bush en déroute à Gaza
- La solution pour un Etat « gagne du terrain », reconnaît l’envoyé de l’ONU

18 juillet 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
[Traduction : Claude Zurbach - Info-palestine.net]


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