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Qui va être à la barre du bateau palestinien ?

jeudi 19 juillet 2007 - 11h:57

Dr Salim Nazzal - AMIM

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Mais ce qui est étrange, c’est qu’Abbas appelle au déploiement d’une force des Nations unies dans Gaza, libérée des colonies, au lieu de la Cisjordanie où la terre est volée quasi quotidiennement.

Jamais peut-être dans l’histoire moderne de la Palestine, le bateau palestinien n’a été aussi mal commandé qu’il l’est actuellement et l’a été dans la dernière période. Nombreux sont les Palestiniens qui sont amenés à croire que la véritable crise en Palestine est surtout celle de sa direction.

Les conflits entre Palestiniens cependant ne sont pas chose nouvelle dans la culture palestinienne. Dans l’histoire moderne palestinienne, les divergences et les conflits idéologiques entre les différentes factions ont fait partie de la vie politique palestinienne. Durant les décennies passées, les principaux partis palestiniens ont connu des déchirures et des divisions. Pour la faction marxiste, la création du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) après la scission du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP) à la fin des années 60, a été elle aussi causée par des divergences idéologiques, la faction anti-Arafat au sein du Fatah s’est séparée du parti en 1983 et est entrée en conflit militaire avec les forces pro Arafat au nord Liban et dans la vallée de la Bekaa. Néanmoins, la plupart des Palestiniens croient que les divisions actuelles sont potentiellement fatidiques, car les forces opposées au droit des Palestiniens à l’autodétermination ont eu une influence active pour le conflit actuel. De récents sondages d’opinion réalisés en Palestine montrent que, dans un fort pourcentage, les Palestiniens estiment que toutes les lignes rouges ont été franchies dans le conflit en cours entre Fatah et Hamas, et la plupart des Palestiniens croient que leur projet national sera en danger si le conflit entre les partis dure.

La récente intervention d’Abbas dans les médias italiens a versé encore plus d’huile sur une situation déjà incendiaire. En accusant le Hamas d’offrir à Al-Qaeda un refuge sûr dans Gaza, Abbas a commis une grave erreur politique, une erreur qui ressemble plus à un suicide politique qu’à toute autre chose. Si son message visait à rassurer les Américains, toujours impatients de cataloguer toute force qui s’oppose à leur politique de membre ou de sympathisant d’Al-Qaeda, il s’est trompé pour trois raisons. D’abord, le Hamas est connu pour suivre une ligne médiane en Islam, la tendance Al Wasat, laquelle est en contradiction avec la doctrine Al-Qaeda. Ensuite, le simple fait d’avoir le soutien des USA à sa politique ne peut, c’est le moins qu’on puisse dire, remplacer le soutien de son peuple. Enfin, Abbas donne l’impression de diriger un gouvernement du style de Vichy plutôt qu’un gouvernement Degoul. La plus grave erreur d’Abbas est d’avoir oublié, apparemment, qu’il avait été élu Président de toute la Palestine, et pas seulement d’une partie.

Au lieu de s’en tenir à son rôle équilibré de Président, Abbas a choisi de s’affaiblir en se faisant le leader d’un parti, de sorte que, au lieu de travailler à la création d’un climat sain nécessaire à la restauration de l’unité nationale, il agit contre un parti qui a la majorité au parlement.

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Le Président Abbas lors de son entretien avec le Président du conseil italien, Romano Prodi, appelle à une force internationale à... Gaza.

La proposition d’Abbas de déployer une force des Nations unies en Palestine serait une bonne chose si l’intention réelle était de mettre fin à la construction du mur raciste et des colonies sionistes, d’aider au processus de décolonisation en Palestine occupée. Mais ce qui est étrange, c’est qu’Abbas appelle au déploiement d’une force des Nations unies dans Gaza, libérée des colonies, au lieu de la Cisjordanie où la terre est volée quasi quotidiennement. Cette position peut être facilement interprétée comme la démonstration qu’il est totalement pris par le conflit secondaire avec le Hamas, aux dépens du conflit principal avec l’occupant. Comment pourrions-nous interpréter autrement son appel à un déploiement des Nations unies à Gaza et non en Cisjordanie ? Cette politique a soulevé nombre d’interrogations sur la stratégie d’Abbas dont le message révèle de plus en plus qu’il ne parvient pas à assumer son rôle de capitaine du bateau palestinien, en charge de la sécurité de tous les passagers à bord. Abbas va endurer de grandes désillusions s’il croit que sa politique va apaiser les sionistes, car la pierre angulaire de leur doctrine est bien d’affaiblir le projet national palestinien, quel qu’en soit le dirigeant.

Il n’est pas surprenant alors qu’un nombre croissant de Palestiniens tire la sonnette d’alarme contre l’instauration progressive d’un gouvernement de Vichy en Palestine. Même si cette inquiétude n’est pas nécessairement fondée à ce jour, la direction de l’Autorité palestinienne se doit de convaincre les masses palestiniennes que les droits historiques et naturels palestiniens sont bien son premier centre d’intérêt. En dehors des responsabilités qui incombent aux deux principaux partis, la tendance démocratique qui représente environ 15% de la population doit avoir plus la parole dans la politique palestinienne actuelle. Ces forces politiques pourraient chacune jouer un rôle d’équilibre, charges à elles de convenir d’un programme politique d’union. Le rôle actif de ces partis renforcerait le projet national palestinien, entravant ainsi toute tentative vers de nouvelles concessions. Le rôle actif de la tendance démocratique consoliderait aussi la culture politique pluraliste, partie intégrante de la force de la société palestinienne.

Aucun doute, le bateau palestinien navigue par grosse mer actuellement. Pourtant, le vrai défi est de savoir comment monter une équipe avec les trois tendances principales, le national, le religieux et la gauche, lesquelles, ensemble, peuvent piloter sans encombre le navire jusqu’à un mouillage favorable, tout en rappelant qu’un échec mettrait les Palestiniens dans la position de Sisyphe, dans la mythologie grecque, condamné éternellement à retomber au bas de la montagne alors qu’il est sur le point d’arriver à son sommet, et de recommencer toujours.


L’auteur est historien, Palestinien norvégien. Il a écrit énormément sur les questions sociales et politiques au Moyen-Orient. Il peut être contacté à : gibran44@hotmail.com

16 juillet 2007 - AMIN - traduction : JPP


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